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Vers des présidentielles censitaires ?


« J’ai changé ». Celui qui voulait décomplexer la droite a trouvé le meilleur slogan pour décomplexer quiconque d’adopter une position fort différente de celle qu’il tenait par le passé. De fait, moi aussi j’ai changé. Il y a encore cinq ans, j’aurais probablement été de ceux qui considèrent que les petits candidats ont tendance à polluer un débat présidentiel sérieux. En gros. Tiens, j’aurais peut-être même été du côté de Christophe Barbier, à juger qu’au lieu de 500, il faudrait 1.000 signatures pour se présenter. Le gars branché sur l’efficacité, voyez, plus que sur les idées. Mais puisque j’ai changé…
J’ai changé et Christophe Barbier, par son édito maladroit, ambigu et pour tout dire, un poil fauderche, aura eu le mérite de m’inciter à formaliser ce changement. Tiens, sans lui, je crois même que vous ne liriez pas ce billet. Qu’il en soit remercié.

Oui, je considère que les « petits candidats » doivent avoir leur place et, au premier rang d’entre eux, ça ne vous surprendra guère, Christine Boutin.
Car la position adoptée par Christophe Barbier est frappée au coin du caporalisme et du cynisme. Et on en crève, du cynisme, en politique. Ecoutez-le affirmer, avec ce léger sourire propre à celui qui connaît les ficelles, que ces petites candidatures n’ont d’autre finalité que l’argent. Il s’agirait de mieux rebondir sur les présidentielles pour présenter aux législatives des candidats sur son nom et, ainsi, empocher des subventions pour vivre dessus jusqu’aux prochains scrutins.
Eh bien, croyez-le si ça vous chante mais : merde. Non, sérieux : merde. Merde à cette attitude éternelle de ceux qui se croient plus intelligents parce qu’ils sont plus cyniques, de ceux qui ont abdiqué tout espoir dans la politique, ceux en fin de compte qui sont trop soucieux de la bonne soupe pour laisser des « petits candidats » perturber – si peu – le système.

Bien sûr, il y a des stratégies ou des contingences politiques. Les « petits » devraient-ils en être exempts, ou s’en abstenir, parce que les gros, eux, seraient purs (ils s’abstiendraient, à droite comme à gauche, de faire obstacle aux parrainages des autres). Il faut certes connaître les stratégies politiques sous-jacentes, puisqu’elles prennent leur part de toute décision. Mais qui les néglige, qui les ignore ?! Au-delà de ce substrat commun, il reste les idées. Qu’on me pardonne ce mot grossier qui fait passer pour un naïf, un benêt. Mais, oui, il reste des idées qui méritent qu’on les défende, quel que soit le succès qu’elles rencontrent dans l’opinion publique – dont on ne se souvient pas, au demeurant, qu’elle soit infaillible.

Christophe Barbier, qui n’est jamais en reste d’un mauvais argument, soutient perfidement que lesdits « petits candidats » feraient mieux d’abonder à la campagne des vrais, des durs, des sérieux, bref, de Nicolas Sarkozy, plutôt que de risquer de ridiculiser leurs idées par un piètre score. Prenant l’exemple d’Hervé Morin, il soutient qu’il pourrait « recentrer » le projet de Nicolas Sarkozy. Christophe Barbier, est-il frappé de catatonie ? A-t-il perçu un signe, au cours de ce quinquennat, que la présence d’Hervé Morin aurait pu recentrer la présidence de Nicolas Sarkozy, ou celle de Christine Boutin, la chrétien-démocratiser ? La stratégie du ralliement spontané, Christine Boutin l’a menée, et avec enthousiasme, en 2007. Le résultat n’a pas été probant.
Alors Christine Boutin menace d’une « bombe nucléaire » si elle n’obtient pas ses parrainages. Je crains qu’elle n’inquiète pas grand-monde, d’autant moins que sortir les poubelles du quinquennat serait peu conforme à son éthique politique – comme elle le laisse d’ailleurs entendre.
On dit qu’il y a là une dramatisation excessive, un scénario rebattu.

Mais peut-on vraiment penser que les élus locaux qui ont montré si peu d’empressement à voler au secours de Nicolas Sarkozy lors des divers scrutins – et, dernièrement, aux sénatoriales – mettraient aujourd’hui le petit doigt sur la couture du pantalon dans un parfait élan de spontanéité ? La lettre de Martine Aubry pour verrouiller les parrainages est connue : on n’imagine pas que Jean-François Copé n’ait pas pris la plume. On n’entend d’ailleurs guère de démentis.

Notez que j’ignore encore pour qui je voterai. Lesn priorités de 2012 de Christine Boutin me laissent parfois perplexe – ainsi notamment de « Rétablir la liberté d’expression en supprimant la Halde » quoi que je pense de la Halde, de « créer une monnaie nationale complémentaire à l’euro, l’eurofranc », ou de créer un ministère de l’Instruction Publique. Je trouve de meilleures idées dans son projet.

Mais quoi que l’on pense de ses idées, il est légitime qu’elle puisse les exprimer et il ne l’est pas de faire pression sur les maires, dont le parrainage est censé être libre. Notre système est bipartiste, de fait. Le premier tour est là pour permettre l’expression la plus large. Il est une forme de respiration de la démocratie. C’est notre Constitution.
J’avoue aussi que, dans le cas de Christine Boutin, je suis sensible au fait qu’une parole issue d’une longue tradition chrétienne, d’une moins longue tradition démocrate-chrétienne, profondément enracinée dans notre culture et dans la construction de la France et de l’Europe, une parole qui a plus que toutes les raisons d’être entendue dans les circonstances de crise dans lesquelles nous nous trouvons, soit entendue.

Ce verrouillage d’ailleurs est-il un si bon calcul ? Comment exclure que des électeurs déjà échaudés – comme ils l’ont montré lors des précédents scrutins – ne fassent preuve d’encore plus de distance à l’égard de Nicolas Sarkozy, et d’un premier tour confisqué ? « S’ils se taisent, les pierres crieront » : on sait, depuis 2.000 ans, qu’on ne peut pas empêcher le message de passer.



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