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Érosion de la théocratie canadienne au Québec…

… et batailles autour du voile islamique en Australie


Érosion de la théocratie canadienne au Québec…
Le coup d'éclat de Pauline Hanson au Sénat, Camberra, Australie, 24 novembre 2025 © MICK TSIKAS/AP/SIPA

 «La laïcité fait partie de notre identité collective. Nous ne ferons aucun compromis sur nos valeurs, dont l’égalité entre les hommes et les femmes » a déclaré le Ministre québecois de l’Immigration Jean-François Roberge avant de déposer son projet de « Loi sur le renforcement de la laïcité au Québec ». Pendant ce temps, en Australie, la sénatrice Pauline Hanson ne parvient pas encore à imposer l’interdiction de la burqa.


Une image vaut mille mots.
Confucius.

Ralliez-vous à mon panache blanc.
Henri IV.


« Le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit. » Cette proclamation figure en tête de la Charte des droits et… libertés! Quelle ironie. Au Canada, les athées savent donc qu’ils sont en liberté surveillée.

Cela dit, malgré ce carcan, en matière de laïcité, le Québec, une province vraiment pas comme les autres, continue de rattraper son retard. Il n’en est pas encore au niveau de la loi française du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et de la loi de 1924 instaurant la laïcité et limitant la religion à la sphère strictement privée dans la Turquie de Kémal Atatürk. Cependant, lentement, mais sûrement, il progresse.

Glapissements d’indignation

Des mesures de simple bon sens, quoique encore trop timides, touchant la fonction publique et l’éducation, furent adoptées en 2019. Vient d’être déposée à l’Assemblée nationale du Québec une nouvelle loi destinée à renforcer la laïcité : interdiction des prières dans la rue (qui bénéficient pourtant de la bénédiction inconditionnelle de l’autorité catholique : entre vendeurs de mythes, on se tient les coudes de manière œcuménique), suppression de salles de prière et interdiction du port du voile intégral dans les lycées et universités, obligation des enseignants d’avoir le visage découvert, interdiction des signes religieux dans les communications et publicités institutionnelles (on se démarque ainsi du gouvernement fédéral, soumis à son entriste clientèle religieuse, qui en raffole), interdiction des menus scolaires exclusivement halal… Mesures avant-gardistes au XXIème siècle.

Là encore, inutile de dire que les Tartuffes poussent des glapissements d’indignation et on va même jusqu’à crier au totalitarisme; ils manient aussi habilement les techniques linguistiques orwelliennes: l’exclusion, c’est l’inclusion; la fermeture devient l’ouverture; l’inégalité homme-femme, c’est l’égalité. On brandit le lacrymal épouvantail de l’exode des persécutées, notamment chez les enseignantes, complaisamment véhiculé par la télévision d’État, Radio-Canada, qui, comme par hasard, vient d’obtenir une fort belle enveloppe dans le cadre du récent budget déposé par le gouvernement Carney.

(Note historique : les religieux de toutes tendances, qui ont été des bourreaux pendant des siècles, ont souvent l’effronterie de jouer les crucifiés dès qu’ils perdent un gramme de pouvoir dans la société civile. Rappelons que, en France, on s’insurgea contre « l’école sans Dieu » instaurée par Jules Ferry en 1882; même si l’Église catholique s’était ralliée à contrecœur à la République en 1892, le pape Pie X rejeta violemment la loi de 1905).

La semaine de travail hebdomadaire légale est de 37,5 heures, mais, comme en 2019, on feint d’ignorer que les croyants disposent, quand même, de 130,5 heures (moins le temps consacré au sommeil évidemment) pour déambuler avec tous les signes religieux imaginables (hommage aux Hare Krishna) et fréquenter les innombrables lieux de culte de leur choix.

(Sauf erreur, n’est répertorié nul cas de fonctionnaire croyant(e) en tenue de ville frappé(e) par les foudres divines pendant son quart de travail; semble donc discutable l’efficacité des talismans, textiles ou autres).

Le hijab, toujours volontaire, cela va de soi

Là encore, les controverses portent surtout sur la signification du hijjab. Pour la femme (de plus de neuf  ans d’âge) qui est affublée (toujours volontairement, cela va de soi) de ce tissu, il n’aurait qu’une banale connotation « identitaire » (apparemment plus légitime que les revendications « identitaires » des civilisations occidentales, mais passons).

Au Québec, les trudeauesques multiculturalistes scandent sournoisement ce mantra : « N’est-ce pas ce qu’il y a dans la tête et non sur la tête qui compte ? ».

(Incidemment, la formule est piquante au regard d’un récent scandale scolaire à Montréal : des enseignants (si l’on peut dire), et parfois… délégués syndicaux… mus par d’étranges pulsions cérébrales, se sont permis d’escamoter certaines matières scientifiques, d’instaurer un climat de terreur passé de mode dans la pédagogie occidentale moderne et de faire de leurs écoles un mini-califat. [cf. « l’affaire Bedford[1] »]. Que l’on se rassure, à ce stade, ils sont bien protégés par leur syndicat et leur convention collective. Mais revenons aux dessus de tête).

Tant au Québec qu’en France, ainsi que le rappellent inlassablement des combattantes québécoises et françaises issues de milieux islamiques et ayant recouvré leur liberté, un accoutrement n’est pas toujours « neutre », ainsi que feignent de le croire les affidés du lobby religieux. Il peut constituer l’équivalent d’un étendard, d’un drapeau, donc le vecteur d’un message, par conséquent un instrument de prosélytisme, sans même être assorti d’un discours audible. La sympathique et douce professeure de mathématiques qui explique à ses élèves les cabalistiques mystères des équations du second degré et les postulats d’Euclide, affublée du hijjab, proclame simultanément, haut et fort, qu’« il n’y a qu’un seul Dieu et Mahomet est son Prophète » et affirme comme vérité historique la chevauchée du prophète sur son bourak à destination de la place du temple de Jérusalem, d’où il a fait son ascension vers le paradis; jadis, il en allait d’ailleurs de même des bonnes sœurs, dont les cornettes et la croix informaient leurs élèves de cette vérité historique incontestable, à savoir que le fils du charpentier a guéri des lépreux, a multiplié les pains et les poissons, a marché sur les eaux, etc., et surtout, est mort pour l’humanité, puis est ressuscité.

Bref, des vêtements peuvent synthétiser de riches doctrines.

D’ailleurs, nul fonctionnaire ne peut afficher des signes politiques, même s’il lui attribue une signification identitaire. Pour mémoire, est sanctionné par la loi pénale le port d’un uniforme policier ou militaire par un civil, tout muet fût-il.

(Note : pour mieux comprendre les modes de communication non-verbale, on consultera avec profit les traités de sémiotique, discipline scientifique qui étudie des processus de signes et de la fabrication du sens).

Qu’elles le sachent ou non, qu’elles le veuillent ou non, les têtes voilées sont les petites mains d’un projet politique : les aspirations conquérantes de l’oumma.

Pour un éclairage sur cette délicate question, allons aux antipodes, au pays de « Crocodile Dundee ».

Australie : Pauline Hanson fait scandale

Il y a quelques jours, la sénatrice Pauline Hanson a adopté une intéressante initiative pédagogique dans la haute assemblée. Comme il lui a été refusé de présenter une proposition de loi portant interdiction du port de la burqa en public dans le pays, en guise de protestation, elle est pacifiquement revenue siéger revêtue d’une burqa noire. Il ne s’agit pas ici de porter un quelconque jugement général sur le programme de son parti « One Nation » en matière d’immigration, mais simplement de tirer l’enseignement de ce seul incident.

Ō surprise, ce geste fut accueilli par d’intenses et aigus cris d’orfraie. Un geste odieusement islamophobe, raciste; il y aurait eu de sa part un manque de respect envers la foi musulmane; on parle même de doigt d’honneur. Qui vaut à Mme Hanson, réduite au silence, une censure et une suspension de sept jours. Pourtant, elle n’a violé aucune règle : il est constant que nul code vestimentaire ne s’impose aux législateurs et la vociférante sénatrice Fatima Payman, bien emmitouflée dans son hijab, qui s’exprime avec l’accent de Paul Hogan (même si elle est née en… Afghanistan), le sait pourtant mieux que personne. Au contraire, Mme Hanson renouvelait son invitation à l’assemblée à voter en faveur de sa proposition.

En 2017, elle avait fait la même démarche, qui lui valut la réprimande suivante du sénateur George Brandis, reprise à son compte il y a quelques jours par la sénatrice Penny Wong :

I am not going to pretend to ignore the stunt that you have tried to pull today by arriving in the chamber dressed in a burqa when we all know that you are not an adherent of the Islamic faith; I will caution and counsel you with respect to be very very careful of the offense you may do to the religious sensibilities of other Australians. (En v.o.)

Je ne feindrai pas d’ignorer le coup de pub que vous avez tenté en arrivant à la chambre revêtue d’une burqa alors que nous savons tous que vous n’adhérez pas à la foi islamique; je vous mets respectueusement en garde et vous conseille d’être très très prudente car vous risquez de blesser la sensibilité religieuse d’autres Australiens. (En v.f.)

Un exposé on ne peut plus correct de la situation.

Cela dit, il faut en assumer la conclusion logique : la burqa devient alors un habit liturgique sacré, dont le port est interdit aux kafirs (comme les uniformes militaires dont sont exclus les civils), sous peine de sacrilège.

Il faut donc féliciter M. Brandis et Mme Wong d’avoir ainsi fait la preuve éclatante qu’un vêtement peut bel et bien avoir une signification contextuelle. QED.

Et, sous le soleil austral, la lumière fut. Espérons qu’il éclairera aussi l’autre hémisphère.


[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2111640/ecole-bedford-intimidation-clan-enseignants




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