Jean G., un automobiliste de 35 ans résidant sur l’île charentaise, a volontairement foncé pendant 35 minutes sur les passants, hier. Deux de ses victimes sont en urgence absolue. Il a mis le feu à sa Honda Civic avant son interpellation, dans laquelle une bonbonne de gaz aurait été présente. Et il aurait évoqué en garde à vue sa conversion récente à l’islam.
Ce pourrait être le titre d’un bien mauvais polar, de ceux dont l’auteur tient à mettre un nom de lieu dans le titre afin de s’attirer au moins le public local. Mais ce qui s’est passé mercredi matin à Oléron, les trente-cinq minutes de fureur meurtrière qui ont ensanglanté l’île paisible, ne relève pas de la fiction romanesque. Mais bel et bien de la tragédie. La tragédie des temps nouveaux qui – à répétition, soulignons-le – endeuille désormais nos sociétés.
« Allah Akbar »
À tout moment et en tout lieu, cette tragédie peut frapper. Personne n’est vraiment à l’abri. Si, comme son nom l’indique, le terrorisme a pour but et pour stratégie de faire en sorte que la peur, la terreur gangrène la vie des citoyens partout où ils se trouvent, à tous les moments de leur existence, qu’ils en arrivent à ne plus pouvoir aller au boulot ou acheter leur baguette sans savoir la boule au ventre, la victoire est en bonne voie.
On n’en est même plus à redouter et donc traquer des réseaux constitués, organisés, charpentés. On découvre avec stupeur que n’importe quel clampin plus ou moins paumé, plus ou moins exalté qui s’est tranquillement monté le bourrichon tout seul dans son coin, fait parfaitement l’affaire. À Oléron, c’est un gars vaguement à la ramasse mais qu’on connaissait, qu’on croisait, presque un voisin, quoi! qui s’est mué en serial criminel d’un matin, assoiffé de sang. Pas de n’importe quel sang, celui de Français, blancs de préférence, la cible désormais désignée d’un certain fanatisme religieux, islamique pour dire les choses comme elles sont. Car ce n’est pas non plus n’importe quel cri que pousse l’assassin, forcené ou non, c’est le « Allah Akbar » des fous de Dieu, cette incantation dévoyée en cri de haine. Oui, forcené, déséquilibré ou non, car là n’est pas le sujet à ce stade de l’affaire et de notre sujet. Non, ce n’est pas derrière n’importe quel cri, et donc sous n’importe quelle bannière que le barbare d’Oléron assume son crime aveugle. La haine aurait donc bien, aujourd’hui, sa confession de prédilection, son culte de référence. C’est à cela qu’il faut réfléchir, c’est cela qu’il faut traiter. Sans tourner autour du pot et s’interdire de lâcher les mots justes, comme l’a fait le ministre de l’Intérieur dans son intervention sur les lieux-mêmes du drame, évitant avec des pudeurs de gazelle de rapporter le cri en question. Pathétique.
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Sans doute serait-on tout disposé à croire que, dans sa grande majorité, la communauté des fidèles de ce courant religieux – ou plus exactement de ces courants – se situerait à des années-lumière d’une telle violence, d’une telle barbarie, encore serait-il plus que souhaitable qu’elle le fasse clairement savoir, qu’elle lutte elle-même pour que ce qui est probablement pour elle autant de paroles sacrées ne se trouvent pas aussi aisément, aussi souvent, transformées en beuglement de haine et de mort. Faute de quoi, tout silence – ce silence tellement assourdissant de cette communauté – pourrait être interprété comme un cautionnement, un encouragement. Une complicité.
Pas la lumière à tous les étages
Oléron pose une fois encore, une fois de plus, une fois de trop la question qui nous taraude et à quoi doit s’atteler de répondre, cette fois, l’ensemble des populations : comment notre société a-t-elle pu en arriver à générer tant de violence, tant de bêtise fanatique, à produire tant et tant de cerveaux malades, de consciences perverties ?
Car bien sûr, on ira nous raconter – croyant nous apaiser, nous rassurer – que l’auteur n’avait probablement pas la lumière à tous les étages. La belle affaire ! Tout le monde sait bien qu’il ne faut pas être tout à fait normal pour prendre une bagnole et s’en servir comme d’une arme de destruction quasiment massive. Le déséquilibre mental est évident. Soit, mais quelles en sont les causes, où vont-elles se nicher, ces causes ? Osons une esquisse de réponse : elles sont à chercher aussi dans la crétinisation massive et galopante des masses. Dans l’abandon de l’humain à ses instincts, à ce qu’il a en lui de plus bestial (du moins, si employer ce mot ne revenait pas à insulter des animaux qui, du moins à ce que j’en sais, ne se livrent jamais à ce genre de massacre gratuit.)
Symboliquement, les îles nous semblent être des îlots de tranquillité, des espaces à part, des refuges de tranquillité, de volupté, de paix. On pouvait se bercer de cette douce illusion jusqu’à ce mercredi matin. Oléron nous en aura guéri. Partout, en tout lieu, à tout moment, disais-je, le pire du pire peut frapper. Frapper les citoyens d’une société frappée, quant à elle, d’impuissance…
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