Le Hamas peut-il vraiment être démantelé ?
Victor Davis Hanson est un résumé du rêve américain : né dans une ferme, qu’il a exploitée avec son père, il a obtenu une bourse pour Stanford, où il est tombé amoureux des classiques grecs. Il est allé les étudier sur place et en version originale pendant deux ans. Il les a ensuite enseignés pendant deux décennies dans les universités américaines et a partagé son amour pour eux dans de nombreux ouvrages. Il a aussi écrit sur l’agriculture, l’immigration et surtout sur la guerre.

Il est aujourd’hui l’un des historiens les plus connus et les plus prolifiques des États-Unis. Carnage and Culture, publié en 2001, est devenu un best-seller à la suite des attentats terroristes du 11-Septembre, transformant un professeur de lettres classiques en un commentateur grand public très recherché sur la guerre et la politique. Il a pris sa retraite universitaire en 2004 et, outre son blog, il écrit aujourd’hui régulièrement des chroniques et des essais.
Le 27 octobre, il a publié une tribune qui résume parfaitement l’imbroglio dans lequel se trouvent aujourd’hui Israël, les États-Unis, le Qatar et l’Occident en général.
Le Hamas, un cartel terroriste
« Le Hamas est un cartel terroriste irrécupérable qui sape Gaza, utilise les civils comme boucliers humains et doit être démantelé et écarté du pouvoir avant que toute paix véritable puisse s’instaurer », explique-t-il en préambule de son article, intitulé « Qui ou quoi mettra enfin un terme au Hamas ? ».
Le Hamas est classé terroriste dans une trentaine de pays quasi-exclusivement occidentaux [1]. La carte du monde de l’indice de démocratie atteste de cette corrélation entre géographie et régimes politiques :

Pour en parler, Hanson ne met pas de gants woke : « Le Hamas est né et n’existe que pour tuer des Juifs, détruire Israël et, dans une certaine mesure, renverser les gouvernements arabes pro-occidentaux. Point final. »
Il rappelle que les milliards versés à Gaza sous prétexte d’aide humanitaire ont été détournés, non seulement pour le bénéfice personnel des apparatchiks, mais aussi pour construire le labyrinthe souterrain de leurs QG militaires et de leurs arsenaux.
Le Hamas « a investi des hôpitaux, des mosquées et des écoles pour y placer des entrées et sorties de tunnels, utilisant des boucliers civils jetables pour protéger sa riche hiérarchie terroriste. »
L’historien ne pratique pas la religion de l’excusisme par le colonialisme ou la malchance, comme le font les naïfs étudiants occidentaux. En revanche, il sait parfaitement comment le Hamas manipule ces idiots utiles: « Le Hamas a toujours compté sur de nombreuses victimes collatérales pour inciter la gauche occidentale à devenir un facilitateur actif de ses causes meurtrières », rappelant que c’est par la violence contre l’Autorité palestinienne que le mouvement s’est emparé du pouvoir à Gaza et par la dictature qu’il l’a conservé.
Le Hamas a perdu une bataille, mais il ne désespère pas de gagner le djihad
D’après Hanson, bien que l’élite dirigeante du Hamas ait été décimée et que des milliers de ses soldats soient morts, il ne renoncera jamais au pouvoir. Pourtant presque tous les régimes arabes souhaitent (en privé) que les États-Unis ou Israël l’éliminent. « Il est probablement plus populaire sur les campus américains … et à New York, qu’au Moyen-Orient. » On a envie d’ajouter Sciences-Po, la Sorbonne nouvelle et tous les autres territoires perdus de la République française à cette liste.
Laissé la bride sur le cou par Trump, le Hamas agit « à la manière des SS, exécutant publiquement tout critique ou rival présumé. »
L’expert es-guerres voit, dans les 1700 terroristes libérés des prisons israéliennes en échange de 20 otages et de plusieurs cadavres de civils, non seulement des miliciens qui vont renforcer les troupes génocidaires, mais aussi des sponsors prêts à renflouer les caisses du Hamas avec les millions que leur a versé l’Autorité palestinienne comme salaire pour le meurtre de Juifs.
Hanson estime que la stratégie actuelle du Hamas consiste d’abord à écraser toute opposition interne à Gaza en exécutant les membres des clans et des tribus qui s’opposent à lui, avant de relancer des opérations terroristes contre Israël. Cela devrait inciter le Hezbollah et l’Iran à reformer l’ancien cercle de feu autour de lui et ce dernier à renouer avec son financement.
Si en plus, une administration démocrate revient au pouvoir à Washington, le Hamas est sauvé. « Il compte sur l’aide d’une ONU dévoyée, des Arabes et des musulmans expatriés en Occident, des groupes de gauche occidentaux et des gouvernements occidentaux suicidaires. »
La paix avec le Hamas ne passera pas par des négociations
L’expérience le prouve : chaque fois que les chancelleries ont interrompu les représailles d’Israël avant qu’il mette le Hamas définitivement hors d’état de nuire, celui-ci « cherche à revenir à ses pratiques habituelles de meurtres et de terrorisme ». L’historien est en faveur de son éradication pure et simple : le laisser à Gaza, a fortiori en lui octroyant une semi-légitimité, cela « reviendrait à permettre à l’appareil nazi survivant de participer à la démocratie allemande d’après-guerre » alors que « la clé du cessez-le-feu actuel et d’une paix éventuelle réside dans un plan global visant à anticiper le retour du Hamas au terrorisme ».
Ceux qui souhaitent annihiler le Hamas sont, par ordre décroissant, Israël, les États-Unis et certains pays arabo-musulmans : les régimes « modérés » du Golfe, l’Égypte, la Jordanie et peut-être la Turquie. Hanson estime qu’ils partagent tous le désir d’en finir avec ce mouvement terroriste, mais aucun n’a envie d’en prendre seul la responsabilité. Ils comptent tous sur l’État juif, qui ne pourra agir sans le soutien des États-Unis et encore, sous réserve que l’opposition des pays arabes ne dépasse pas le stade déclaratif.
Un plan en six étapes
Au commencement sera la destruction du « métro de Gaza », ce complexe souterrain de tunnels dont il convient de démolir les derniers tronçons et de les effondrer tous, puis de les combler « avec les décombres de la guerre que le Hamas a précipitée. »
Ensuite, pour éviter que le Hamas reprenne ses activités meurtrières habituelles, la Turquie et le Qatar doivent expulser ceux de ses dirigeants qui sont encore sur leur territoire. Cette phase devrait être favorisée par le fait que, après la frappe israélienne sur son sol, le Qatar cherche désormais la protection des États-Unis. Tous ses interlocuteurs, de quelque côté qu’ils penchent, sont lassés de son triple jeu. Trump lui a offert une bouée de sauvetage en forme de statut de protectorat, mais Hanson souhaiterait qu’il soit indexé sur le reniement du Hamas et l’interdiction à ses membres de revenir sur leur territoire. La même chose s’applique à la Turquie.
Paralyser le nerf de la guerre
Ce qui va sans dire va encore mieux quand Hanson le dit : toute aide financière arabe, occidentale ou onusienne devra être conditionnée à la certitude que le Hamas ne pourra pas s’en emparer.
Une quatrième phase est celle de la prophylaxie indispensable à la salubrité des démocraties : « toute personne ayant des liens, formels ou informels, avec le Hamas devrait se voir interdire l’entrée aux États-Unis, dans l’Union européenne et chez leurs alliés occidentaux. »
En ce qui concerne la France, les préconisations de Hanson ne risquent pas d’être mises en œuvre, puisque les Gazaouis, sans distinction, se sont déjà vu offrir l’asile politique sans condition. Des propos et certaines actions du président français laissent parfois penser qu’il considérerait l’éradication du Hamas comme une naqba personnelle !
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Cinquième phase. Quoique classé terroriste depuis 28 ans, le Hamas peut encore compter sur d’innombrables idiots utiles dont il faut l’isoler : les étudiants manifestant en sa faveur doivent être expulsés aussitôt de leurs universités, les entreprises et ONG qui le soutiennent doivent être bannies des banques, condamnées à des amendes et poursuivies en justice.
Enfin, il ne faut pas lever les sanctions contre la République islamique d’Iran tant qu’elle n’aura pas mis fin à son programme nucléaire et que l’authenticité de cet arrêt n’aura pas été vérifiée par des inspecteurs fiables. Le meilleur moyen de l’empêcher de financer le Hamas, mais aussi le Hezbollah et les Houthis est de la maintenir sous le coup de sanctions et d’embargos, « alors qu’elle lèse son propre peuple dans des tentatives furtives de financer ses tentacules terroristes – une trajectoire suicidaire qui, à elle seule, pourrait conduire la rue ou l’armée iranienne à se retourner contre la théocratie. »
Le monde selon Hanson
Si l’on arrive à paralyser le Hamas, le monde selon Hanson se trouvera à l’aube d’un changement de paradigme inespéré il y a deux ans: « L’Iran est quasi-ruiné, humilié et discrédité. La Russie, qui reste piégée dans sa guerre sans fin en Ukraine, a perdu son client syrien et toute emprise sur le Moyen-Orient, où la Chine, elle, a misé sur le mauvais cheval. Le Hezbollah est toujours en état de choc et démembré. L’Autorité palestinienne, tout aussi peu fiable, voit néanmoins une occasion de se retourner enfin contre son rival, le Hamas.
Il existe donc une occasion rare pour les États-Unis, les Arabes et Israël de finalement forger une paix sans craindre le terrorisme nihiliste financé par l’étranger. Mais seulement si les terroristes du 7-Octobre, qui ont provoqué les deux dernières années de guerre et de mort, sont finalement désarmés, discrédités, humiliés et éliminés… »
Le pire n’est pas toujours sûr, mais le mieux encore moins. L’avenir dira si la recette de Hanson, qui présage d’un avenir pacifique pour l’Occident, est suivie.
[1] Notamment les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Australie, la Suisse et le Japon.




