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Un peu de politique politicienne, s’il vous plaît…

Le billet politique de Philippe Bilger


Un peu de politique politicienne, s’il vous plaît…
Sébastien Lecornu et Jean-Noël Barrot, 12 juin 2025 © Gabrielle CEZARD/SIPA

Composition du nouveau gouvernement. Notre chroniqueur s’inquiète de l’éventuelle reconduite de M. Barrot aux Affaires étrangères.


Il y a tellement de spécialistes de la politique profonde, de politologues distingués et compétents, de pronostiqueurs infaillibles jusqu’au prochain démenti, que je n’ai aucun scrupule à me livrer à une analyse de bas niveau : espérer un changement dans la composition du gouvernement du Premier ministre Sébastien Lecornu.

Je devine déjà les reproches qui me seront faits. Celui, d’abord, de privilégier une personnalisation vulgaire au détriment d’une politique de fond. Ma naïveté sera moquée : s’imaginer qu’avoir des ministres compétents et courageux est utile, et que rien ne sert d’élaborer un excellent projet si ceux chargés de le mettre en œuvre ne sont pas à la hauteur !

Mon inquiétude a surgi le 14 septembre en lisant La Tribune Dimanche, qui laissait entendre que, si Bruno Retailleau et Gérald Darmanin seraient reconduits pour le meilleur — une annonce qui, si elle devait être démentie, reviendrait à décourager le citoyen privé d’un exceptionnel duo régalien, seule véritable embellie de ces derniers mois -, Jean-Noël Barrot, notre ministre des Affaires étrangères, lui, le serait également, mais pour le pire.

La personnalité très estimable de ce dernier, dont j’ai bien connu le père, n’est pas en cause. On peut avoir, sur le plan humain, d’indéniables qualités mais n’être absolument pas fait pour une fonction à la fois prestigieuse et redoutable, même si le président de la République donne toujours le « la » en la matière. Qu’on le veuille ou non, ce ministre n’a cessé d’incarner une image dégradante de la faiblesse et du déclin de la France, à cause de propos semblant toujours en décalage avec les réalités internationales et d’une action apparemment frileuse là où le pays attendrait de la résolution, des gestes forts, en tout cas un vigoureux soutien aux collègues ministres usant d’une volonté de résistance plus affirmée.

Jean-Noël Barrot est le parfait exemple, si j’ose dire, de la caricature du monde diplomatique plus soucieux de litotes et de mesure que d’énergie pour défendre la cause nationale. Les rapports avec l’Algérie, notamment au sujet du sort tragique de Boualem Sansal, constituent l’exemple calamiteux de cette dénaturation de la diplomatie en soumission.

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Il serait contre-productif, dans la crise profonde et inédite que subit la France, de ne pas modifier radicalement la composition du gouvernement : certains ministres n’ont jamais franchi le mur du son et d’autres ont démérité.

Je suis prêt à accueillir l’ironie avec laquelle on traitera mes propositions. Il convient évidemment de remplacer Élisabeth Borne : nous avons eu, durant six mois, un ministre de l’Éducation nationale qui avait fait bouger les lignes, pas seulement avec la suppression de l’abaya. Pourquoi ne pas laisser Gabriel Attal compléter et achever ce travail ?

À la Défense, un Républicain de haut niveau, Jean-Louis Thiériot, serait irréprochable. À la Santé, ce n’est pas parce que Philippe Juvin serait évidemment le meilleur à ce poste qu’il faudrait s’en priver !

Il serait pertinent de remettre au côté de Bruno Retailleau « un ministre du quotidien » : c’était une initiative intelligente. Il y a le global, le structurel, la politique d’ensemble mais aussi l’immédiateté et les mille soucis, traumatismes et offenses engendrés par une insécurité qui empoisonne des existences n’aspirant qu’à la tranquillité, désireuses de la protection de leurs personnes et de leurs biens.

Le gouvernement de Sébastien Lecornu est attendu avec impatience : s’il y a un lieu où la radicalité est possible, c’est bien celui-là.

Être ministre ne peut pas être la seule activité vous laissant à l’abri de tout, bon ou mauvais.

Et, coup de chance, on a enfin trouvé ce qui a longtemps manqué : une porte-parole exemplaire pour le fond comme pour la forme, Sophie Primas.

Quel bonheur d’être Premier ministre, pour consacrer les meilleurs et exclure les pires !




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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