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Clint Eastwood: toujours vert

"Cry Macho" de Clint Eastwood. Sortie le 10 novembre


Clint Eastwood: toujours vert
© Claire Folger / Warner Bros. Entertainment Inc.

Tandis que certains s’amusent à prophétiser la mort du cinéma, il semble que le cadavre à venir soit encore bien vivant, y compris au sein de la vieille génération américaine qui, elle, ne fait pas faux… Bond ! Avec « Cry Macho », Clint Eastwood donne une leçon de cinéma à la jeune génération…


Le Festival Lumière de Lyon a récemment refermé les portes et les écrans de sa treizième édition. C’est à tous égards l’anti-Festival de Cannes, quoique dirigé par la même personne, Thierry Frémaux : pas de strass, pas de stress, pas de compétition, pas de palme, pas de stars et beaucoup, beaucoup de spectateurs anonymes. Un bain de jouvence cinéphile d’autant plus revivifiant qu’il se concentre uniquement sur ce que seuls les imbéciles appellent « les vieux films » (qui qualifierait de « vieille » la musique de Mozart ?!).

Soit pendant une semaine, des projections qui vont allégrement de Gilles Grangier (Le cave se rebiffe sur grand écran, c’est du « BSA extra-piste », comme disait Gabin à propos de Jeanne Moreau, en référence à un… roulement cycliste de très haute qualité !) à Sidney Pollack (Les Trois Jours du Condor ferait de nouveau croire à l’Amérique), en passant par un Julien Duvivier inédit qui cumule tous les handicaps selon les mêmes imbéciles cités plus haut : noir et blanc, muet, breton (!) et mélodramatique (La Divine Croisière, c’est son nom, rivalise avec les plus grands chefs-d’œuvre du cinéma des origines tendance Eisenstein).

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Un beau crépuscule

Et c’est à Lyon qu’on a également pu apprécier un ensemble documentaire sur le cinéma de Clint Eastwood. Juste célébration d’un cinéaste phare que seuls les imbéciles (décidément…) continuent de caricaturer sans vergogne. On a même pu y voir les très progressistes Spielberg et Scorsese dire face caméra combien les films de Clint Eastwood sont les derniers représentants de la splendeur hollywoodienne dans sa perfection, sa beauté et son intelligence.

Comme les choses sont plutôt bien faites dans le monde enchanté du cinéma, c’est au même moment ou presque que sort en salles le nouveau film de Clint Eastwood, Cry Macho. Qu’on se le dise, il s’agit là du 39e long métrage d’un cinéaste qui fête cette année ses 91 ans, un demi-siècle tout juste après son premier film, Un frisson dans la nuit. Et, cerise sur le gâteau, c’est donc son neuvième film depuis qu’il a fêté ses 80 ans. Merveille d’une longévité artistique dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle peut en remontrer d’un strict point de vue technique à certains jeunots qui s’engluent et s’essoufflent dans les effets spéciaux, spacieux, spatiaux et spécieux (vous me remettrez une couche de l’épais Dune…).

Quant au contenu proprement dit, loin des prophéties new-age susmentionnées, il est proprement crépusculaire et assumé comme tel. Là aussi, on sait gré à Eastwood de ne pas nous la jouer juvénile et encore moins moderne. Il est ainsi le propre personnage principal de son film : Miko, une ex-star du rodéo entreprend un voyage au Mexique pour récupérer, à la demande de l’un de ses anciens patrons, le jeune fils de ce dernier. Le « Macho » du titre étant le nom du coq de combat auquel le jeune garçon tient comme à la prunelle de ses yeux.

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Du pur Clint Eastwood

C’est d’autant plus un film de la maturité que le cinéaste avait déjà adapté le livre dont il est tiré dans les années 1980 avec Roy Scheider dans le rôle principal. Quarante ans après, Eastwood parvient à faire ce film qui du coup sonne comme une nouvelle pièce testamentaire dans l’édifice de ces dernières années. Oui, le cow-boy Eastwood a les jambes arquées, oui il se déplace lentement, oui il monte à cheval douloureusement, oui nos héros vieillissent aussi. Et nous avec, soit dit en passant. Comme dans un univers que l’on aime bien, on y retrouve quelques motifs du cinéma selon Eastwood, à l’instar de cette histoire d’amour platonique avec une tenancière de saloon mexicaine qui sent bon La Route de Madison.

La figure du cow-boy flamboyant des westerns des années 1980 a cédé la place à un quinquagénaire nonchalant mais bien décidé à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Bien décidé également à transmettre quelques valeurs humaines à son petit protégé mexicain. Et si c’était l’ultime film de Monsieur Eastwood ? La nostalgie et la mélancolie qui s’en dégagent n’en seraient que plus fortes…


Novembre 2021 - Causeur #95

Article extrait du Magazine Causeur




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Critique de cinéma. Il propose la rubrique "Tant qu'il y aura des films" chaque mois, dans le magazine

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