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Mourir pour Charlie Hebdo ?


Mourir pour Charlie Hebdo ?

Charlie Hebdo islam Aqmi

Il est très fâcheux que Charlie Hebdo ne dispose d’aucun bureau ou de représentation diplomatique dans les pays musulmans : cela éviterait sans doute à nos cathédrales de brûler. Mahomet n’est pas mon pote, mais Charb non plus, et le pasteur machinchose du film L’Innocence des musulmans − à condition que ce film ait existé − certainement pas plus. Charb le provocateur a droit à une protection policière : ce n’est pas le cas des coptes d’Égypte, me semble-t-il, ni par définition des deux otages français aux mains d’Aqmi. Je n’aimerais pas être à la place de leurs familles lorsque les terroristes menacent de les occire ; j’aimerais encore moins être à celle de Charb s’ils mettaient leurs menaces à exécution..[access capability= »lire_inedits »]

Mais ouf ! La liberté d’expression aura été sauvée. Sauvée à quel prix, et surtout sauvée pour quoi faire ? Sauvée au prix de massacres de l’autre côté de la Méditerranée, là-bas, très loin, et sauvée pour démontrer que nous autres Occidentaux sommes toujours capables de pondre des crobars dignes de tinettes d’autoroute. « La maîtresse en maillot de bain » ! « Toto fait caca dans son slip ! » Etc. Oui, certes, voilà, grâce à la liberté, la raison et l’humanité bien avancées. Le drame de l’Occident, le drame de la France, tout au moins aujourd’hui, c’est d’avoir conféré la gestion des affaires étrangères à des bouffons, et surtout d’avoir choisi pour bouffons des hommes sans esprit. Car il faudra bien un jour s’interroger sur la place exorbitante laissée à Charlie Hebdo dans l’imaginaire collectif. Il faudra en même temps s’interroger sur le masochisme de nos islamistes actuels, qui sautent sur le torchon comme le taureau sur la muleta, feignant de croire qu’il représenterait les mœurs et la pensée profonde de l’Occident judéo-croisé. Or, qu’est-ce que Charlie Hebdo ? Un fanzine qui a réussi, où de mauvais dessinateurs pleins de ressentiment peignent à grands coups de balais de chiottes leurs fantasmes infantiles. « Et si on mettait une grosse bite à Jean Paul II ? − Ah ouais, trop délire ! − Et si on foutait Jésus à poil entre les deux gros nibards d’une bonne sœur ? − Putain, t’es trop fort… − Et si Marine Le Pen ressemblait à un étron de clébard ? − T’arrêtes pas, toi, t’es un cador de la provoc’. − Et si Mahomet tringlait ses 272 vierges en levrette et en même temps ? − Coco, on tient une mine d’or, là… »

Ainsi, nos contemporains aiment rire. Ils aiment beaucoup rire, c’est leur activité favorite, qui ne s’arrête qu’au moment où c’est tout à coup leur mère qui est l’objet de la plaisanterie. Que Charlie Hebdo continue de faire ses caricatures si ça lui chante, mais qu’on cesse d’en parler, par pitié ! Qu’on cesse d’en faire un objet, de haine ou de vénération, qu’il perde ce statut de bouc émissaire qu’il est bien incapable d’assumer.

Plus, l’invocation du droit au blasphème montre chaque jour nouveau ses limites internes : car qu’est-ce que blasphémer, sinon adhérer à une foi dont l’on moque les symboles ? Ainsi, il est assez simple de comprendre que c’est précisément en représentant Mahomet tout court, ou Mahomet à poil, que Charlie Hebdo démontre qu’il est musulman. Pour moi, qui suis catholique par exemple, quel intérêt d’aller moquer le prophète errant ou le dieu erroné de mon voisin ? Sa fausseté le fait tomber de lui-même, dans mon esprit. Si Voltaire, cette grande crapule, était autorisé en logique à moquer les travers du catholicisme, c’est bien qu’il y était né, qu’il y avait grandi, que ses codes, ses prières, ses manifestations s’étaient imposés à lui, à tout son être et que, recherchant une liberté, sans doute tout ce qu’il y avait d’illusoire, il lui fallait se débarrasser de ces oripeaux en les ridiculisant. Mais Charb ? A-t-il grandi sous la charia ? Est-il un sujet du droit musulman ? A-t-il cru à un moment de sa vie qu’Allah était dieu et que Mahomet était son prophète ? Certainement non : ainsi il lui est impossible de qualifier ses dessins de blasphème, mais seulement d’instruments destinés à blesser ses voisins. C’est ici l’exacte vérité du propos de Charlie Hebdo, et il est outrageant pour la liberté et l’intelligence de lui conférer les attributs de la résistance ou de la saine critique.

Moi vivant, la charia ne sera pas instaurée dans ce pays ; mais moi vivant, jamais Charb ne représentera aux yeux du monde la fleur fragile de la liberté qu’a inventée ma civilisation. Mourir pour Charb, ce collaborateur de L’Humanité et ce soutien de Mélenchon, ce n’est pas mourir pour la France, la raison ou la tolérance : c’est mourir pour la connerie. « Bombardez, insultez, blasphémez, il en resta toujours quelque chose », disent de concert les BHL et les Charb qui ne tiennent pas un magasin casher à Sarcelles et ne sont pas des chrétiens d’Orient ou d’Afrique. Alors, à qui profite le crime ? Certainement pas à moi qui ne me sens pas ni plus grand ni plus libre depuis que Charlie Hebdo a dessiné Mahomet fesses à l’air. Je n’ai pas l’impression de résister à l’islamisation du monde quand, après une manifestation de 250 fanatiques devant l’ambassade américaine, une feuille de chou sort ses laborieux ouvriers de la déconne subventionnée. Il profite sans nul doute à tous les fous qui, des deux côtés de l’Atlantique et des deux côtés de la Méditerranée attendent avec impatience le choc des civilisations.

Mon problème, c’est que ni le hidjab ni le mauvais goût ne font partie de ma civilisation. Je suis pour l’éradication des deux.[/access]

*Photo : Zoriah.

Octobre 2012 . N°52

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste et essayiste.

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