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Qui c’est celui-là?

Werenoi: quand la France ne chante plus ensemble


Qui c’est celui-là?
Le rappeur Werenoi aux Francofolies de la Rochelle, 13 juillet 2024 © SADAKA EDMOND/SIPA

Nous avons appris la disparition du chanteur Werenoi, mort samedi à 31 ans. Le numéro 1 des ventes de disques en France était inconnu de tous les membres de notre rédaction – et même de notre cheffe Elisabeth Lévy dont le travail consiste pourtant à tout savoir. Nous vous proposons d’écouter la chronique radio de cette dernière.


Werenoi a été fauché en pleine jeunesse et en pleine gloire, nous dit Le Monde. Jérémy Bana Owona était numéro un des ventes en 2023 et 2024, 5ème artiste sur Deezer avec un milliard de streams, et ses clips cumulaient des millions de vues sur YouTube. Or, comme pratiquement tous mes amis consultés hier, même les jeunes (mais mes jeunes amis sont très vieux monde), je n’en avais jamais entendu parler.

Je le regrette. J’ai écouté quelques titres ; c’est assez beau et mélodique. Il raconte la France des banlieues, mais il ne critique jamais les forces de l’ordre, les juges ou la France. « Werenoi évite les sujets qui fâchent, religion, politique, conflit israélo-palestinien » m’apprend Léna Lutaud dans Le Figaro[1]. Quand tant d’autres se servent du rap pour maudire les kouffars de Charlie Hebdo ou la France, ça me le rend très sympathique.

Un triste symbole

Il était très discret, loin de l’image du rappeur bling-bling plus connu pour ses frasques et sorties crypto-islamistes que pour sa musique.

Ce qui me frappe, c’est qu’il était une star pour les uns, et pourtant inconnu pour des millions de Français. David Doucet se demande ainsi dans Le Point s’il n’est pas le symbole d’une France qui ne chante plus ensemble[2].

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Le fossé générationnel a toujours existé. Mes parents n’écoutaient pas les Stones. Mais, ils savaient que les Stones existaient. Il y avait une culture populaire commune, véhiculée par les mass medias. Tout le monde écoutait les mêmes radios. Ma mère et moi, on fredonnait les mêmes tubes. Et à l’école, les gosses avaient vu le même film.

La technologie a accompagné la fragmentation culturelle de nos sociétés. Comme le dit Michel Maffesoli, il y a des tribus virtuelles qui se croisent peu. Cela recoupe en partie nos fractures identitaires. Certes, le rap est devenu la musique jeune – de tous les jeunes. Il est aussi en quelque sorte le soft power des quartiers ; il popularise leur argot et leurs références. Mais il ne produit plus ces tubes entonnés de 7 à 77 ans lors des mariages.

Comme le sport, la musique ne rassemble plus. Elle ne rassemble même pas d’ailleurs toute la jeunesse immigrée. Depuis la mort de Werenoi, et c’est bien triste, des musulmans revendiqués insultent la radio Skyrock qui annonce un hommage au rappeur, menacent les fans qui postent des extraits et appellent les plates-formes à retirer ses morceaux parce que la musique, c’est « haram » et que ça l’empêche d’aller au Paradis… Ces propos ont été dénoncés par l’entourage qui précise que seuls les clips – que j’imagine plus osés – seront indisponibles pendant le deuil.

On dira que ce sont quelques hurluberlus. Ça commence toujours par quelques hurluberlus. Après le voile dans le sport, la prohibition de la musique sera peut-être la prochaine bataille du salafo-frérisme.


Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio


Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale


[1] https://www.lefigaro.fr/musique/le-rappeur-werenoi-plus-gros-vendeur-de-disques-en-france-est-mort-a-31-ans-20250517

[2] https://www.lepoint.fr/culture/werenoi-symbole-d-une-france-qui-ne-chante-plus-ensemble-18-05-2025-2589841_3.php



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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