Après son assassinat, les Américains rendent un hommage géant à Charlie Kirk en banlieue de Phoenix, dans l’Arizona, ce dimanche. À Paris, vendredi soir, des militants français de la droite radicale s’étaient réunis dans le centre de la capitale.
Vendredi 19 septembre, à 18 h, la statue de La Fayette, située à deux pas de la place de la Concorde et du Grand Palais, s’ennuyait moins que d’habitude. À ses pieds, environ cinq cents participants étaient venus rendre un hommage trumpiste à Charlie Kirk, la jeune star du conservatisme américain assassinée le 10 septembre en plein discours.
À mi-chemin entre liturgie trumpiste et revival protestant, l’ambiance était résolument américaine : banderoles étoilées, minute de silence, prières, discours ponctués de références bibliques, citations de Burke et de Tocqueville… Le tout rythmé par l’hymne américain, régulièrement interprété par une cantatrice italienne déjà sollicitée lors du tournoi de NBA à Paris.

Organisé dans l’urgence de l’émotion, le rassemblement a réuni toute la galaxie des trumpistes français, familiers des vidéos de Charlie Kirk bien avant que son assassinat n’en fasse une icône du conservatisme mondial. Au micro se sont succédé Philippe Karsenty, ancien adjoint à la mairie de Neuilly-sur-Seine et animateur du comité Trump France, puis Kate Pesey, directrice de la bourse Tocqueville, qui « perpétue l’héritage intellectuel d’Alexis de Tocqueville » en envoyant chaque année de jeunes gens prometteurs découvrir le modèle politique américain. Elle a déclaré mener un combat « contre les forces anti-chrétiennes », tandis qu’un abbé venu spécialement a fait réciter un Notre-Père, le tout sous une banderole « Je suis Charlie » en hommage aux laïcards de Charlie Hebdo. Singulier syncrétisme : un brin de biblisme américain mêlé à l’esprit voltairien français.


Biblisme américain et « Je suis Charlie »
En France, on sépare volontiers politique et religion. Ce soir-là, la droite s’était mise à l’heure américaine et brouillait les frontières. La militante féministe Marguerite Stern, poing et chapelet levés, évoqua le « martyre » de Charlie Kirk et invoqua sa présence « mystique », tout en faisant applaudir à tout rompre la décision de Donald Trump de classer les Antifa comme organisation terroriste. Randy Yaloz, pour Republicans Overseas (association qui regroupe les membres du Parti républicain expatriés), rappela le goût de Kirk pour les débats difficiles – le jeune homme avait fait de la confrontation en terrain universitaire hostile sa marque de fabrique. Un orateur rappela que Moïse, bègue à ses débuts, dut apprendre à bien parler pour convaincre Pharaon : « On affûte mieux ses arguments dans la confrontation d’idées. »
A relire, Nicolas Conquer: Assassinat de Charlie Kirk, le point de bascule
Damien Rieu, l’influenceur identitaire, adopta parfaitement le ton à l’américaine avec séquence émotion et évocation de la famille du militant assassiné : « Chers enfants d’Erika et Charlie Kirk, votre père n’était pas seulement le plus brillant débatteur de notre camp : il était d’abord celui qui vous portait sur ses épaules, qui vous lisait des histoires, qui priait pour vous chaque soir. » Dans ce climat où la foi se mêlait à l’action politique, la conclusion paraissait presque naturelle : le « martyre » de Charlie Kirk, ainsi que le rappelait Tertullien pour les premiers chrétiens, deviendrait lui aussi « semence de chrétiens » – mais de chrétiens… trumpistes.
Réunion de famille
Trump et la droite américaine comptent déjà quelques fans en France. Sur place, un public varié : quinquagénaires catholiques pratiquants de l’Ouest parisien en perfecto, Franco-Américains, fans de Trump français, bikers arborant casquette MAGA et bannière étoilée en bandoulière, mais aussi quelques militants issus des syndicats étudiants comme la Cocarde (RN-compatible) ou l’UNI (LR-compatible). La députée IDL (Identité et libertés) Anne Sicard, proche de Marion Maréchal, avait également fait le déplacement. Plus inattendu, on croisait aussi quelques jeunes du « lycée autogéré » de Paris, venus anonymement mais sensibles aux discours sur la « liberté d’expression » et les « risques personnels et professionnels » encourus par les militants conservateurs.
Beaucoup avaient déjà découvert les influenceurs MAGA ou conservateurs américains sur Internet. Outre le défunt Charlie Kirk, les vidéos de PragerU (dont un message a été lu à la tribune) ou celles de Joe Rogan, populaires aux États-Unis, ont aussi trouvé un public à l’étranger. Ces contenus ont contribué à ramener une partie du vote jeune, traditionnellement acquis aux démocrates, vers le Parti républicain en 2024 et joué un rôle décisif dans la victoire de Trump.
Un Turning Point à la française ?
Le Franco-Américain Nicolas Conquer, maître de cérémonie, diffuse activement les idées de la droite américaine en France. Par son style et son verbe facilement identifiables, il est devenu depuis les élections de 2024 le visage et la voix du trumpisme hexagonal. Dans sa conclusion, il a appelé de ses vœux à reprendre en France le combat de Charlie Kirk pour la liberté d’expression et le conservatisme. De là à envisager un Turning Point USA à la française, du nom de la plate-forme politique fondée par Kirk ? À la tribune, Conquer a loué la capacité qu’avait Kirk à lever des fonds et à bousculer les médias traditionnels.
Mais, un Américain de Floride installé en France tempère l’enthousiasme : « Ce modèle repose sur les fondations privées, la culture du don. Cela n’est certes pas complètement impossible, mais nos cultures politiques sont bien différentes. » La Ve République est en effet moins souple que la Constitution américaine concernant les dons. Outre-Manche, le projet a déjà trouvé un écho avec Turning Point UK. Pourquoi pas ici ? « Le plus tôt sera le mieux », confie une participante. « Il faut nous organiser », assure Nicolas Conquer, qui voit dans le GOP un modèle d’organisation politique capable d’inspirer les partis de droite français et européens, souvent trop centralisés et incapables de lancer de vastes plateformes de diffusion d’idées.
Le GOP américain, une inspiration pour les héritiers français du général de Gaulle, vraiment ? La statue de La Fayette, qui porta jadis les idéaux de liberté de part et d’autre de l’Atlantique, pouvait sourire : pour une fois, c’est Paris qui rejouait la partition américaine.





