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Chants homophobes au parc des Princes: quand les mots font mâle

Toute la bonne presse et la classe politique tombent des nues : il y a des supporters de foot crétins. Ils dénoncent en cœur un "chant de la honte"...


Chants homophobes au parc des Princes: quand les mots font mâle
Parc des Princes, Paris, 24 septembre 2023 © J.E.E/SIPA

« Les Marseillais c’est des pédés, des fils de putes, des enculés (…) et par les couilles on les pendra, hélas des couilles ils en ont pas ! » Après le chant à connotation homophobe entendu lors de PSG / OM (4-0), la semaine dernière, la commission de discipline de la Ligue s’est réunie et entend prononcer des sanctions contre le club ou certains joueurs. Olivier Klein, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), aurait aimé voir le match interrompu. Seulement, les chants ont été entendus après le coup de sifflet final…


L’homosexualité est en France admise par la société depuis belle lurette et on s’en félicite. Connue depuis l’Antiquité, elle a été tolérée dans notre pays jusqu’en 1791, date à laquelle on a aboli le crime de sodomie. Si le Régime de Vichy a pénalisé ensuite les relations homosexuelles entre personnes du même sexe quand l’une d’elles se révélait mineure, depuis 1982 la majorité sexuelle est la même pour tous. On a créé enfin le PACS et le mariage a été autorisé aux homosexuels.

Voyez la vie en rose, mais n’en portez pas (Karl Lagerfeld)

La phrase attribuée à la mère du regretté Karl Lagerfeld : « L’homosexualité est comme une couleur de cheveux, rien de plus » sonne désormais comme une banalité pour la majorité des Français qui ne conçoit pas l’homosexualité comme une tare. Restaient des mots, frappés d’obsolescence. Par qui allaient-ils être proférés ? Qui allaient-ils viser ?

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La masculinité toxique a heureusement récupéré les vocables à connotation homophobe qui risquaient de tomber en désuétude. Les supporters des équipes de foot, représentants patentés du patriarcat, fervents amateurs du barbecue et buveurs de bière invétérés s’en sont emparés pour déprécier les joueurs de l’équipe opposée à celle qu’ils soutiennent. Des gradins montent les chants de ces fanatiques et leurs mots font mâle. D’aucuns soutiennent que les mots scellant cette connivence virile s’entendent jusque dans les vestiaires des clubs. Les insultes comme « fiotte », « lopette », « tarlouze », « tafiolle » ou même… « enculé » fusent.


Apolline de Malherbe scandalisée

Dimanche dernier, c’est bien « enculé » qu’on scandait dans l’enceinte du PSG. Apolline de Malherbe, scandalisée, s’en est vivement émue à l’antenne de RMC. Sa pudeur ne l’a pas autorisée à prononcer intégralement l’odieux vocable, elle s’est donc contentée d’en lâcher la première syllabe, du bout des lèvres. Les auditeurs qui ont reconstitué sans peine le détestable mot sont encore sous le choc.

Dans le même temps, partout dans la presse, on lisait ces propos convenus, également formulés : « Des chants homophobes envers l’Olympique de Marseille ont été entonnés par les supporters du PSG, dimanche soir, au parc des Princes qui accueillait le Classico. » D’après les journalistes sportifs présents, « ces chants de la honte » auraient duré plus d’une dizaine de minutes.

Olivier Klein hors-jeu

Qu’on se rassure, en haut lieu, l’affaire est prise très au sérieux. Olivier Klein, le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) a été très ferme dans « Apolline Matin », mardi matin, sur RMC et RMC Story. Il ne sera pas question de minimiser l’affaire au nom d’un « folklore » inhérent au monde du football. Martial, l’homme a clamé : « J’ai saisi la justice avec l’accord de la ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra et la ministre de l’Égalité, Bérangère Couillard. J’ai demandé au procureur, à travers l’article 40, de regarder ce qui s’est passé au parc des Princes. » Pour Olivier Klein : « ces chants sont insupportables (…) »  Il ajoute : « L’arbitre n’a pas arrêté le match comme il pouvait le faire (…) Il faut faire cesser ces chants odieux (…) Donc, on peut peut-être au moins trouver ceux qui ont lancé ces chants, faire preuve à la fois de fermeté et de pédagogie, parce que c’est l’intérêt de tous les clubs. Ces types de comportements n’ont pas leur place dans le sport. »

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Alors que le PSG, lui aussi, « condamne fermement » les chants en question, M. Klein ajoute, enfonçant le clou : « J’ai vu la condamnation du club et je m’en réjouis, mais je pense vraiment qu’on ne peut plus accepter ce genre de comportement dans un stade, que ça soit des propos homophobes ou des propos racistes, il faut dire stop pour que cela ne se reproduise plus. » La ministre des Sports fait chorus : « Il est impensable de rester sourd à de tels chants haineux et homophobes dans nos tribunes. » Aussi, elle invite le club de la capitale « à déposer plainte pour identifier les auteurs et les traduire devant la justice, pour qu’ils soient sortis des stades. » Elle précise : « Notre message est clair : fermeté absolue contre l’inadmissible. » On est ravi de voir ainsi l’État monter au créneau sur un sujet de cette importance.

Déconstruire les implicites

Cela n’a, en effet, que trop duré. Haro sur le patriarcat qui se sert de mots homophobes pour asseoir sa domination et renforcer l’idée selon laquelle la norme du courage et de la force est incarnée par le seul homme viril. On ne peut pas laisser affirmer de cette façon que la faiblesse et la lâcheté seraient l’apanage des femmes. Du reste, l’association Les Dégommeuses, qui, depuis 2012, lutte vaillamment contre les discriminations « dans le sport et par le sport » avait, dès 2016, appelé à un sursaut national. Dans une tribune de Libération, pionnière, elle soulignait déjà la nécessité de« déconstruire les implicites sexistes ou homophobes qui polluent le milieu du foot, chez les professionnel-le-s mais aussi chez amateur(es) (…) ». 

Pour ne pas faillir devant l’ampleur de la tâche à laquelle il s’attelle, le gouvernement devrait peut-être s’inspirer de Mattel : l’éditeur du Scrabble veille à épurer régulièrement le lexique autorisé dans son jeu pour en proscrire les termes injurieux et racistes. « (…) il faut bien avoir en tête que les mots employés, dans le jeu comme dans la vie, sont importants », précise le linguiste indépendant chargé en 2023 de nettoyer le jeu pour la francophonie. « Les mots ont le pouvoir de renforcer et d’honorer, mais ils peuvent aussi être utilisés pour affaiblir, décourager et manquer de respect. » poursuit-il. Parmi les mots ciblés par la purge, on relève « rital », « bimbo », « keuf » et « cagole ». Si « enculé », « grognasse » et « salope » en ont réchappé, on espère leurs jours comptés. On en profite aussi pour rappeler au gouvernement, en ces temps de crise, le mot de Boris Vian, à méditer : « Il y a deux façons d’enculer les mouches : avec ou sans leur consentement. »



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est professeur de Lettres modernes

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