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Au Ghana, homophobie d’État

3 ans de prison pour toute personne s'identifiant comme homosexuelle, jusqu'à 10 ans pour « campagnes LGBT + à destination des enfants »


Au Ghana, homophobie d’État
La Chambre du Parlement ghanéen, à Accra, criminalise les homosexuels en février 2024 © Misper Apawu/AP/SIPA

Le Parlement ghanéen renforce encore sa législation anti-LGBT, une des plus dures du continent africain. La loi votée à l’unanimité par les 275 députés sera-t-elle ratifiée par l’exécutif?


Le 28 février 2024, les députés du Ghana ont entériné un projet de loi controversé imposant des peines de prison sévères à toute personne s’identifiant comme homosexuelle1. Il prévoit même cinq ans de détention pour la création ou le financement de groupes gays, et dix ans pour ceux qui initieraient des campagnes pro-LGBTQ+ à destination des enfants. Surnommée « projet de loi anti-gay », la loi dite « des droits sexuels convenables et des valeurs familiales ghanéennes » a été soutenue par les deux principaux partis politiques du Ghana et défendue également par les principaux leaders religieux (chrétiens comme musulmans) ainsi que par différents rois traditionnels.

Votée à l’unanimité par l’ensemble des élus, elle constitue le dernier signe d’une opposition grandissante aux droits LGBTQ+ sur le continent africain et reste considérée comme l’une des plus dures d’Afrique de l’Ouest. C’est sous la colonisation britannique que les premiers éléments d’une législation anti-homosexuelle ont été introduits en Gold Coast (ancien nom du Ghana). Ils criminalisaient déjà les pratiques homosexuelles répandues au sein des ethnies Ashanti, Nzema ou Fanté. Aujourd’hui, sur l’ensemble des pays africains existants, plus de la moitié ont mis en place une législation similaire de répression contre les gays et lesbiennes africains, renforçant dernièrement leur arsenal juridique afin de faire interdire une sexualité qui n’entre pas dans le concept traditionnel de famille promu aujourd’hui par différentes élites africaines.

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Victimes de délation, les homosexuels sont aussi en proie à de véritables chasses à l’homme et les leaders de cette communauté ne sont pas à l’abri d’éventuelles tentatives d’assassinat. Le meurtre particulièrement violent du militant Kenyan et mannequin Edwin Chiloba, il y a deux ans, a particulièrement marqué les esprits sur le continent. Récemment, c’est un Sénégalais décédé, suspecté d’être gay, qui a été brutalement exhumé de son tombeau et son corps brûlé vif par une foule en colère. Le tout filmé et mis en ligne sur les réseaux sociaux. Une vague d’homophobie régulièrement dénoncée par les défenseurs des droits de l’homme et des organisations telles qu’Amnesty International, poussant de nombreux Africains, candidats à l’immigration, à se réfugier en Europe. Les exemples ne manquent d’ailleurs pas au Ghana. En 2012, un mariage a été attaqué par un groupe de personnes, accusant les invités de célébrer un mariage gay. Loin de prendre la défense des agressés, la police a emprisonné la plupart des participants sans inquiéter les agresseurs. En 2013, un Ghanéen a été poursuivi par des musulmans qui l’accusaient de déviance et menaçaient de l’enterrer vivant s’ils réussissaient à l’attraper. En 2015, des lesbiennes ont été « bombardées de merde » et « lapidées » en raison de leur préférence sexuelle. Enfin, en 2018, un pasteur a appelé ses concitoyens chrétiens à appliquer la peine de mort à toute personne qui serait reconnue comme étant gay.

Il n’est cependant pas certain que la loi dite « des droits sexuels convenables et des valeurs familiales ghanéennes » puisse entrer en vigueur. En effet, elle nécessite la signature du président Nana Akufo-Addo. Winnie Byanyima, directrice de l’organisme des Nations Unies chargé de lutter contre le sida, a rappelé les conséquences néfastes de ce texte sur la liberté d’expression, la liberté de mouvement et la liberté d’association. Bien qu’il ait déclaré qu’il suivrait la décision des parlementaires, à la veille de la fin de son deuxième mandat, il est probable que Nana Akufo-Addo ne prenne pas le risque de l’entacher par la promulgation de cette loi, jugée discriminatoire comme vigoureusement condamnée par les diplomates et des organisations internationales, et qu’il laisse le dossier entre les mains de son successeur.

  1. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/02/29/au-ghana-le-parlement-durcit-la-loi-contre-les-homosexuels_6219284_3212.html ↩︎




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Journaliste , conférencier et historien.

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