À la recherche de l’esprit français
« L’esprit français ? » : un pléonasme ; et c’est un Allemand qui le dit. Non le moindre : Emmanuel Kant, qui, dans son Anthropologie (1798), réfléchit aux caractères des peuples. « La nation française se caractérise par le goût de la conversation ; elle est à ce point de vue un modèle pour les autres nations. » « Le Français, ajoute-t-il, est courtois, non par intérêt [contrairement à l’Anglais], mais par une exigence immédiate de son goût. Puisque le goût concerne le commerce avec les femmes du grand monde, la conversation des dames est devenue le langage commun des gens de ce milieu ; et une pareille tendance […] doit avoir son effet sur la complaisance à rendre service, sur la bonne volonté à venir en aide, et peu à peu sur la philanthropie universelle fondée sur les principes : elle rend un peuple aimable dans son ensemble… » Voilà comment on passe, sans solution de continuité, du parler au penser et du particulier à l’universel. Sans doute, ajoute Kant, y a-t-il un « revers de la médaille » : une certaine frivolité, comparée à la profondeur germanique ; un goût du paraître, face à la gravité anglaise ; et, bien sûr, l’appétit de liberté qui peut aller jusqu’à la rébellion, voire la révolution. Sommes-nous toujours fidèles à ce portrait peint au zénith des Lumières ? D’aucuns en douteront, voyant dans l’esprit français surtout celui de contradiction, voire celui qui « toujours nie », et qui, envahi par la passion de l’universel, en arrive parfois à celle de l’autodestruction.





