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Pourquoi «Downton Abbey» nous fascine tant?

« Downton Abbey III : Le Grand Final », actuellement dans les cinémas


Pourquoi «Downton Abbey» nous fascine tant?
"Downton Abbey III : Le Grand Final" de Simon Curtis (2025) © Rory Mulvey / Universal Pictures France

Un monde d’avant le monde…


Downton Abbey III : Le Grand Final, sorti le 10 septembre, est le dernier volet de cette saga britannique qui a passionné le monde entier. C’est le troisième film, et probablement l’ultime. Il s’agit d’un chef-d’œuvre que j’oserais qualifier d’absolu tant mon esprit critique généralement prompt à s’exercer est resté sans la moindre réaction négative face à ce spectacle dont je craignais pourtant qu’il ne fût pas à la hauteur des deux précédents.

Une réussite

C’est, en effet, une merveille d’intelligence, de finesse et de délicatesse. Une conclusion parfaitement à la hauteur de cette remarquable réussite, tant à la télévision qu’au cinéma, avec ce sentiment de tendre et réjouissante familiarité qui nous conduit à suivre le destin de plusieurs personnages et à nouer une relation presque fidèle avec les acteurs qui les incarnent. J’ai ressenti ce film comme un régal, une œuvre qui nous purifie des grossièretés parfois surabondantes du cinéma français – trop souvent marqué par une pauvreté d’invention – et plus largement des vulgarités ordinaires, qu’elles soient politiques, sociales, culturelles ou autres.

Non que Downton Abbey soit dépourvu, grâce à l’imagination profuse et variée de Julian Fellowes, de tout ce que la modernité peut charrier de tromperies, d’infidélités ou de trahisons, quels que soient les milieux. Mais sa représentation évite tout ce qui, ailleurs, deviendrait insupportable : la lourdeur, l’insistance, l’exhibition constante de nudités qui satisfont moins l’intérêt que le simple voyeurisme. Comme l’a écrit Marcel Proust, ce n’est pas la matière qui fait la différence, mais le regard que l’on porte sur elle.

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Je voulais justement m’interroger sur les raisons de l’exceptionnelle attraction qu’a suscitée chez beaucoup Downton Abbey, ce monde d’avant le monde que nous connaissons, dans sa crudité comme dans ses rares grandeurs.

D’où vient cette fascination qui existe même chez les esprits les plus républicains ? Il s’agit bien plus que de la nostalgie, puisque la plupart des admirateurs n’ont jamais connu cet univers singulier, fait de politesse, de hiérarchie courtoise et de privilèges acceptés sans la moindre révolte. Au contraire, la parfaite cohabitation de deux mondes, chacun satisfait du rôle qui lui revenait, s’accordant harmonieusement avec l’autre. Sans que la dépendance et le service que l’un assumait avec un dévouement consenti et libre ne portent atteinte à l’atmosphère générale inspirée et dirigée par l’autre.

Étrange concorde

C’est sans doute ce sentiment, pour chacun – société comme individus – d’être à sa place, qui, dans ce microcosme à la fois somptuaire et raffiné, suscite cette étrange concorde : nul mépris d’un côté, nulle servilité de l’autre, mais un ordre social légitimé par l’assurance qu’aucune mauvaise surprise ne surviendrait ni d’un côté ni de l’autre. Une harmonie où la spontanéité n’est pas étouffée par les rites, où les tensions venues de l’extérieur se brisent sur le bloc d’une inaltérable conscience de durée et d’éternité.

Dans la société, tout bouge, on peut continuer à croire à la lutte des classes, aux affrontements, la révolte n’est pas morte, on peut même détester ce paradis lointain des riches, des privilégiés et être cependant fasciné par lui. Car c’est un monde à part, protégé, avec ses règles, ses principes, son harmonie, ses récompenses, sa familiarité discrète, ses connexions douces et gratifiantes entre ceux qui servent et ceux qui sont servis, une halte dans la fureur, une oasis contre la contestation, un ordre qui ne brime pas. Downton Abbey comme un royaume sûr et bienheureux.

2h04



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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