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Déconstruire est plus facile que construire

Le devoir de déconstruire...


Déconstruire est plus facile que construire
Anne Hidalgo à l'inauguration du musée Carnavalet, 26 mai 2021, Paris © JEANNE ACCORSINI/SIPA Numéro de reportage : 01021232_000027

Notre monde est porté par une pulsion de déconstruction qui souille tout ce qui est beau et noble, et abat tout ce qui a lentement été construit…


Nicolas d’Estienne d’Orves venant présenter son « Dictionnaire amoureux de Paris », publié en livre de poche, a dressé un cinglant réquisitoire contre l’état du Paris d’Anne Hidalgo : saleté repoussante, laideur du nouveau mobilier, laisser-aller, refus de tout ce qui pourrait distinguer, embellir, enjoliver. Multitude des travaux qui viendront non pas faciliter l’existence ou la circulation mais les rendre jour après jour plus difficiles, épuisantes, stressantes. Pour que le plaisir si ancien et aujourd’hui disparu de la merveille de Paris soit remplacé par le « dur métier de vivre » et l’incommodité structurante d’une gestion sadique.

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Ce qui a immédiatement suscité ma réflexion est le caractère universel sur tous les plans et dans tous les domaines de cette obsession de déstructurer, de briser l’ordre et la cohérence, de dégrader l’harmonie, d’éradiquer tout ce qui a pu faire sens, inspirer une forte et admirative adhésion, de favoriser une homogénéité par le bas, une grisaille qui avec acharnement viendrait effacer, étouffer tout ce qui aurait pu laisser apparaître une différence de qualité, donc un privilège, donc une injustice. Le beau, dans cette conception, constitue à l’évidence une discrimination puisque cet avantage n’est pas partagé. De la même manière qu’il y a des gens sales et que la pente naturelle est de laisser faire et de ne pas apposer une main rigoureuse sur une réalité imparfaite, au nom d’un progressisme de facilité on théorise. Pour se justifier d’accepter ce qu’on n’ose plus interdire. Plutôt que d’imposer une organisation sociale qui aurait de la tenue et serait donc inévitablement conduite à séparer le bon grain de l’ivraie, on préfère faire de l’ivraie de tout.

Tout est à déconstruire

Il n’est pas un champ de l’histoire française et mondiale, de la culture, de la littérature, de l’expression humaine et du langage, il n’est pas un lieu de pensée et de connaissance, il n’est pas une école, une université, une institution, qui ne soient gravement gangrenés par cette aspiration à l’indétermination, à la confusion, non plus à une synthèse enrichissante mais à la mise en pièces de ce qui hier représentait un territoire défini, une visée forte, une appréhension lucide, un jugement sain et un courage certain.

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Le président de la République est un parfait exemple de cette tendance, de cette ambition dévastatrice ayant pour finalité de ne rien laisser de noble sur le bord du chemin, de questionner la culture française, la colonisation et notre Histoire. Mais les questionner revient en réalité à les priver de leur spécificité, de ce qui donc pouvait aussi et fièrement les faire applaudir. Quand on affirme que notre génie n’est pas le seul, cela relève moins d’une équité de bon aloi que de cette perversion à sous-estimer, voire à ruiner. Tout, absolument tout est atteint par cette lèpre. Les apparences elles-mêmes n’ont plus le droit de demeurer dans leur genre mais doivent se soumettre à tous les genres aux frontières floues, imprécises, indistinctes. L’identité, quelle qu’elle soit, où qu’elle s’attache, est une réduction, un péché, une honte. Se déstructurer, se perdre dans le halo du mystère qu’on veut être, laisser autrui dans l’incertitude, déstructurer aussi le langage, récuser toute articulation, proférer grognements, borborygmes, enlever la forme pour lui substituer l’informe, l’inachevé, la pauvreté ne relève pas seulement du délitement culturel et langagier mais de cette obscure descente collective vers l’informulé ; parce que ce dernier au moins met tout le monde à la même aune : les classes ont disparu au profit d’une égalité de misère.

Il est dur de construire

Déconstruire tout et partout devient un devoir, une mission, un humanisme à l’envers, le but d’un monde qui, ne sachant plus jouir de ce qu’il a eu de meilleur, a décidé de casser les paradis d’hier pour leur substituer l’universelle déconstruction d’aujourd’hui. Et, malgré les résistances, demain sera encore pire. Il est dur de construire, de faire durer, de magnifier, il est malheureusement trop aisé de réduire en miettes la splendide certitude qui nous faisait vivre, estimer, admirer, nous battre, défendre, préserver, rendre meilleur. Déconstruire nous tue.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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