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Le baron de Googleberg


Le baron de Googleberg

Karl-Theodor Maria Nikolaus Johann Jacob Philipp Franz Joseph Sylvester Freiherr von und zu Guttenberg, 39 ans, ministre de la Défense de la République fédérale d’Allemagne vient de présenter sa démission à la chancelière Angela Merkel, qui l’a acceptée. Celui que ses amis appellent familièrement KTG n’est pas victime d’une erreur de destination vacancière, comme MAM, mais d’un scandale qui a alimenté pendant des semaines la presse et la blogosphère germaniques.

Des fouineurs mal intentionnés ont en effet découvert que la thèse de doctorat en droit du ministre, soutenue en 2007 devant l’université de Bayreuth, était en grande partie pompée sur d’autres publications, sous la forme primitive du copier-coller bien connue des étudiants flemmards. Lorsque l’on aura précisé que cette thèse avait pour objet l’étude comparative de l’évolution constitutionnelle des Etats-Unis d’Amérique et de l’Union européenne, on nous pardonnera de ne pas en faire de recension plus approfondie.

Cette affaire fait d’autant plus de bruit chez nos voisins allemands que Karl Theodor zu Guttenberg était considéré comme l’une des étoiles montante de la droite de son pays : député à 30 ans, ministre à 37 ans, il bénéficiait jusqu’au déclenchement de son « affaire » d’une popularité stratosphérique dans l’opinion allemande. Jamais moins de 65% d’opinions favorables dans les sondages, alors que la chancelière et son parti, la CDU, sont à la peine à la veille d’une année électorale à haut risque, où une demi-douzaine de scrutins régionaux s’annoncent difficiles pour la coalition de centre-droit actuellement au pouvoir. On prédisait même qu’en cas de défaite trop lourde, il serait le mieux placé pour remplacer Angela Merkel.

La Bavière, et son parti dominant, la CSU, qui n’ont jamais réussi à placer l’un des leurs à la chancellerie, voyaient dans cet héritier d’une grande famille aristocratique de l’ancien royaume de Louis II celui qui allait, enfin, damer le pion aux Prussiens dans leur capitale historique.
Il faut dire que Karl-Theodor a construit son existence dans cette perspective. Le handicap bavarois qui empêcha jadis Franz-Josef Strauss de monter la dernière marche du podium politique allemand ? KTG l’efface par son mariage avec Stephanie von Bismarck-Schönhausen, arrière-petite-fille du chancelier de fer. Aux nostalgiques du IIIème Reich, il n’aura pas échappé que la mère de Karl-Theodor, Christina Henkell, a épousé en secondes noces le fils de Joachim von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères de Hitler exécuté à Nuremberg, qui se prénomme, comme il se doit, Adolf. Aux antinazis, notre ex-ministre pouvait faire valoir que sa famille était apparentée à celle des Stauffenberg, dont est issu le chef du complot contre Hitler qui échoua d’un rien le 20 juillet 1944…

Il ne manquait plus à son blason qu’un titre de « Herr Doktor » qui vaut outre-Rhin toutes les légions d’honneur et tous les prix Goncourt. Ce titre est tellement important qu’il est intégré dans l’état-civil de celui ou celle qui l’obtient. Ceux qui connaissent un peu le système universitaire allemand savent bien qu’on ne le trouve pas dans une pochette surprise, et que le piston ne fonctionne bien que dans le moteur des grosses berlines dont il est inutile de citer la marque…

Helmut Kohl, politicien hors-pair mais étudiant moyen, n’avait obtenu son doctorat en histoire que grâce au coaching intensif d’un camarade de la CDU, Bernhard Vogel, qui était, par ailleurs, le frère du président du Parti social-démocrate Hans-Jochen Vogel. Mais cela se passait avant l’existence de Google et des touches de clavier permettant de noircir du papier sans trop se fatiguer les méninges.

Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour que le baron von und zu Guttenberg fasse oublier le sobriquet dont aujourd’hui l’impitoyable presse allemande l’affublé : monsieur le baron de Googleberg.

Lorsque j’étais, il y a quelques lustres, correspondant à Bonn pour un quotidien du soir dans l’Allemagne chère à François Mauriac[1. le cher François avait déclaré, au lendemain de la guerre qu’il aimait tellement l’Allemagne qu’il était ravi qu’il en existe deux…], les hommes politiques du cru me faisaient régulièrement part de leur admiration étonnée pour leurs homologues français qui parvenaient à écrire des best-sellers en dépit des lourdes charges exigées par leurs fonctions. Jamais, patriotisme oblige, je ne vendis la mèche en leur révélant que dans notre vieille nation coloniale, le nègre était encore une valeur sûre…



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