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La légende Martha Graham danse encore au Châtelet

« Martha Graham Dance Company », actuellement au Théâtre du Châtelet à Paris


La légende Martha Graham danse encore au Châtelet
Xin Ying, "Cave of the Heart" © Photo : Melissa Sherwood.

Des œuvres, des chefs-d’œuvre! toujours aussi stupéfiants! Et des interprètes toujours magnifiques. Aujourd’hui centenaire, la plus ancienne des compagnies de danse américaines affiche une vitalité d’adolescente.


Quel émerveillement ! 100 ans après la création de la compagnie en 1927, 34 ans après la disparition de sa créatrice, la Martha Graham Dance Company offre un profil demeuré extraordinaire avec le répertoire de l’une des plus grandes chorégraphes de tous les temps encore servie par des danseurs admirables.

Ceux d’aujourd’hui demeurent généralement au niveau de leurs prédécesseurs, même s’ils ne feront pas oublier les extraordinaires interprètes qui, génération après génération, se sont succédé en un siècle au sein d’une compagnie passée au rang de mythe.

Des figures de grandes tragédiennes

Les danseuses surtout ! Ici, dans Cave of the Heart, une pièce d’anthologie qui figure au premier des deux programmes qu’affiche le Théâtre du Châtelet, dans leur véhémence, leur hiératisme et leur noblesse, elles font penser à ces grandes figures de tragédiennes qui illuminaient jadis la scène du Théâtre Français :   

Xin Ling qui interprète le personnage de Médée et poursuit la lignée des danseuses d’origine asiatique qui ont marqué l’histoire de la troupe ; Marzia Memoli en Créuse, princesse de Corinthe ; Anne Souder qui personnifie le chœur antique. Chacune, dans des rôles de nature extrêmement différente, est remarquable, sinon éblouissante. Et l’on dira la même chose de Laurel Dalley Smith incarnant l’Ariane d’Errand into the Maze.

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Face à elles, deux hommes athlétiques, puissants:  Zacchary Jeppsen-Toy dans le rôle du Minotaure et Llyod Knight dans celui de Jason. Ils sont de ce lignage de danseurs athlétiques qu’affectionnait Martha Graham… pour mieux souligner leur pouvoir destructeur et mieux les anéantir.

Comme un trait de peinture éclatante

Souvent froide, pas toujours convaincante au cours de sa carrière de danseuse étoile à l’Opéra de Paris, Aurélie Dupont, venue en invitée, se lance ici dans un solo, Désir, créé pour elle par une ancienne danseuse de Martha Graham, Virginie Mécène, d’après quelques traces subsistant d’un solo oublié de la chorégraphe américaine.

Virginie Mécène y déploie avec une parfaite intelligence et une impeccable rigueur un vocabulaire parfaitement grahamien. Et dans une robe d’un rouge superbe qui illumine la scène comme un trait de peinture éclatante le ferait sur un fond noir, Aurélie Dupont, ici magnifique, se glisse à merveille dans une brève chorégraphie qu’elle a adoptée et qu’elle restitue avec une perfection confondante.  

Unanimité tribale

Afin de ne pas confiner les danseurs dans un répertoire uniquement grahamien, la compagnie dirigée par Janet Eilber commande des pièces contemporaines. Pour elle, l’Israélien Hofesh Shechter a composé Cave qui regroupe onze interprètes d’une vaillance et d’une virtuosité à toute épreuve. Ils sont remarquables et paraissent s’y divertir.

« Cave » Photo: Brian Pollock.

La pièce est menée à un rythme d’enfer sur un fond sonore électronique binaire, accablant d’indigence. Shechter y déploie une énergie et un savoir-faire indéniables. Mais pour accoucher de quelque chose de parfaitement creux, vite ennuyeux, déjà vu cent fois, affichant une unanimité tribale, un élan collectif qui plaisent beaucoup par les temps qui courent. C’est racoleur, sinon populiste, si tant est que l’on puisse appliquer cet adjectif à un ouvrage chorégraphique.

Le public a applaudi chaleureusement les deux chefs-d’œuvre de Graham et le solo dansé par l’étoile française. Mais il a acclamé sans retenue une pièce faite pour flatter les perceptions les plus primaires. Voilà qui en dit long sur la dégénérescence du goût de foules qui se laissent si facilement séduire par la seule énergie d’un rythme pauvrement binaire et d’ensembles au fond terriblement racoleurs.


Jusqu’au 14 novembre. Théâtre du Châtelet. 01 40 28 28 40 ou https.//billetterie.chatelet.com

Le solo Désir n’est interprété que les 7, 9, 12 et 14 novembre




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