Pays-Bas : droite nationale et libéraux de gauche sont au coude à coude aux élections législatives anticipées. Analyse.
Suspense électoral aux Pays-Bas, où la droite radicale de Geert Wilders se retrouve au coude-à-coude avec les libéraux progressistes du D66. Mercredi soir, le premier sondage sortie des urnes donnait l’avantage aux libéraux, menés par Rob Jetten, avec 27 sièges contre 25 pour le Parti de la liberté (PVV) de M. Wilders. Mais, à l’aube jeudi, renversement de situation : après le dépouillement de la quasi-totalité des bulletins, les deux rivaux se retrouvaient soudain à égalité, chacun crédité de 26 sièges.
C’est la lutte finale
Celui qui aura obtenu le plus de voix pourra le premier tenter de former une coalition gouvernementale, comme le veut la tradition. Le duel final se joue donc à quelques milliers de voix. Celles des Néerlandais de l’étranger, jugées cruciales, ne seront peut-être connues que lundi prochain.
Mais, il est peu probable que M. Wilders, dont le parti perd onze sièges, soit invité à former un gouvernement. M. Jetten, qui en gagne 17, semble mieux placé. Après son triomphe électoral de 2023, quand le PVV obtint 37 des 150 sièges au Parlement, Wilders mit sur pied une coalition quadripartite qu’il dynamita l’été dernier. Depuis, aucun parti sérieux ne veut s’allier à lui, comme nous l’expliquions hier.
La liesse de Rob Jetten aura finalement été un peu prématurée. Mercredi soir, devant des partisans euphoriques, il s’était réjoui : « Des millions de Néerlandais ont tourné la page de tant d’années de négativité et de haine. » Sans le citer, le chef de file du D66, 38 ans, visait clairement Geert Wilders, qu’il accuse de polluer le climat politique du pays depuis près de vingt ans.
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Selon les analystes, Geert Wilders a vu une partie de son électorat se tourner vers un autre parti de la droite dure, JA21, jugé plus disposé à collaborer avec d’éventuels partenaires sans les humilier. À l’inverse, M. Wilders continue d’adopter une ligne inflexible, tout en conservant un noyau dur de partisans farouchement fidèles. « Nous espérions un autre résultat, mais nous sommes restés fidèles à nous-mêmes », a-t-il déclaré, la mine renfrognée, avant que les résultats ne commencent à basculer en sa faveur.
Dans d’autres partis, de telles pertes auraient eu des conséquences pour le dirigeant. Mais, le PVV n’a pas de membres, M. Wilders, âgé de 62 ans, est seul maître à bord et les rarissimes velléités de rébellion sont immédiatement sanctionnées.
Rob Jetten, qui a du sang indonésien dans les veines, comme M. Wilders, a convaincu bien des électeurs par son approche optimiste et volontaire. C’est un pro-européen convaincu, qui fut brièvement ministre du Climat et de l’Energie, vice Premier ministre et fervent défenseur des droits LGBT. Il est fiancé avec un jeune homme argentin, joueur de hockey sur gazon dans l’équipe nationale de son pays et d’une équipe de La Haye. M. Jetten envisage de fonder une famille avec son amoureux et d’avoir des enfants, mais ces projets sont encore au stade d’étude.
Les bobos aux portes du pouvoir ?
Son parti D(émocraten)66, d’après l’année de sa fondation au siècle dernier, ne s’est que très récemment converti à l’idée qu’il était temps de limiter le nombre de demandeurs d’asile et des migrants. Le sujet intéresse peu ses électeurs, préoccupés surtout par le changement climatique, l’environnement, la pénurie de logements et l’état de l’enseignement national où ils sont nombreux à travailler. Sous M. Jetten, D66 tente de se défaire de son image bobo et soixante-huitarde. Il est vrai qu’on voit ses affiches électorales surtout dans les beaux quartiers, alors que celles du PVV prédominent dans les quartiers populaires. Durant sa campagne, Rob Jetten, issu de la classe moyenne, avait cherché à se rapprocher du « peuple » en imposant davantage de drapeaux rouge-blanc-bleu lors de ses meetings. « Notre drapeau ne doit plus être l’apanage de l’extrême droite », proclamait-il. Message reçu : la soirée électorale, hier, en était couverte, et l’atmosphère est restée festive tant que le parti apparaissait en tête.
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Aux Pays-Bas, la droite raille souvent les « juges D66 », un refrain comparable aux critiques françaises contre la supposée « République des juges » : les magistrats seraient, selon elle, trop indulgents envers les criminels et trop alignés sur les idées progressistes.
M. Jetten lorgne vers le centre-gauche, dont le principal parti, GroenLinks/PvdA, perd cinq sièges et en conserve vingt. Grande déception pour son dirigeant Frans Timmermans, qui a démissionné. Les chrétiens-démocrates, qui ont fait de bons scores, et les libéraux conservateurs, qui enregistrent une légère perte, sont également prêts à gouverner. Tous disent fuir M. Wilders, qui termine quand même ex-aequo avec l’homme qu’il estime être un immigrationniste pur sucre. Wilders assure qu’il veut et peut gouverner le pays. Y croit-il vraiment, après sa demi-victoire quelque peu tristounette et solitaire?
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