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Cyril Bennasar, l’homme qui dit non

Il publie "L’Affranchi", un roman préfacé par Renaud Camus


Cyril Bennasar, l’homme qui dit non
Cyril Bennasar © Hannah Assouline

L’Affranchi, de notre ami Cyril Bennasar, est un roman jubilatoire. L’histoire d’un homme qui refuse de se soumettre à une société de servitudes, du matraquage de l’Urssaf à la propagande immigrationniste en passant par les diktats du néoféminisme. Une liberté de ton et une autodérision rares et savoureuses.


Si tout roman est une variation sur son titre ou son explicitation, L’Affranchi a pour premier mérite le direct, ce dernier mot entendu de façon polysémique, comme on disait à l’université de Vincennes, dans les années 1970, un lieu où l’on pensait encore, et dans une France où le peuple français pouvait encore se dire tel sans nationalisme ni réduction à l’« extrême droite ». L’affranchi dont il sera question ici est un homme qui, soucieux de son indépendance d’esprit, se délivre de ce qui l’entrave tout en continuant à vivre parmi un peuple d’esclaves, ou, si ce mot est trop direct, de citoyens plus ou moins flous, asservis aux mots d’ordre de ce qu’on appelle le Bien mais qui, dans un monde entièrement inversé, est l’exercice même du Mal.

Cyril Bennasar est de la génération qui suit la mienne et celle de son préfacier, Renaud Camus, donc pas tout à fait celle des boomers, comme on nous nomme en ce globish qui, comme les tags, les hijabs, les casquettes à l’envers, les mauvais romans et les « incivilités », est une des plaies du monde contemporain. Dire que Bennasar écrit direct, c’est se référer à la boxe, à ce coup de poing porté à distance dans l’axe direct de l’adversaire. Le direct est donc la caractéristique du style de Bennasar et de son narrateur, Pierre Schwab, qui dresse tout au long de son chemin, comme Stendhal, un miroir qui reflète à la fois son itinéraire et le langage qu’il renvoie à l’ennemi.

Ce dont Pierre Schwab, menuisier de son état, s’affranchit en premier lieu, c’est de l’Urssaf, organisme à connotation soviétique et dont il se résout à être radié pour ne pas faire bénéficier de ses contributions les « remplaçants » privilégiés par le « parti immigrationniste » au pouvoir. « Ce dispositif qui consiste à transférer l’argent de ceux qui se retroussent les manches vers ceux qui tendent la main n’a jamais vraiment eu mon adhésion, mais maintenant que les mains qui se tendent lèvent un poing qui tient un couteau, la solidarité n’aura plus mon agrément », surtout, je cite encore, pour des types débarqués du « bled » en clamant que le hijab est « une tenue française » et Mohamed un prénom bien de chez nous. À ce compte-là, la France ne sera bientôt plus qu’une région de l’Oumma, et le sabir arabo-franco-globish un langage supérieur à la langue de Proust. On est au cœur du problème et l’évoquer, c’est se dresser contre la néo-civilisation selon Netflix, Disney et Arte, Bible chatoyante du monde tel qu’on voudrait qu’il soit mais non tel qu’il est, et que la soumission des masses au Divertissement général accepte sans rechigner.

Être radié de l’Urssaf : un des fils conducteurs de ce roman qui s’ouvre sur un bel hommage à Anne, qui vient de mourir et qui avait révélé au narrateur son pouvoir littéraire, sur Radio libertaire, avant que Schwab en soit exclu pour hérésie antiraciste, les « anars » étant aussi vertueux que les wokistes. Non content d’être un mâle juif, Schwab refuse le monde tel qu’on nous le vante pour mieux lui vendre notre âme, notre civilisation. Ce refus n’est pas une position de belle âme blessée : Schwab le manifeste publiquement en retouchant telle fresque consacrée à un « victime » devenue « iconique » de prétendues violences policières, comme le sont ces épouvantables chanteuses « issues de l’immigration », notamment celle qui, quoique pesant un quintal, s’« approprie » le prénom d’Yseult, tandis que les Blanches cultivent la « laideur pour échapper au diktat du séduisant ou de sexy ». Certaines des actions schwabiennes vont jusqu’à la confrontation directe avec des représentants de l’incivilité « décomplexée », pour reprendre une épithète dont la presse bien-pensante affuble ce qu’elle appelle l’« extrême droite ».

Le plus grand péché de notre narrateur est bien sûr son comportement avec les femmes. Dire qu’il les aime est d’emblée suspect de domination sexiste. Les scènes de sexe, comme on dit au cinéma, sont des plus crues, chacun des deux « partenaires » jouant son rôle, les corps ne pouvant plus tricher, les fantasmes féminins ne se souciant plus de féminisme, ni les masculins de « domination mâle ». Et quand le narrateur déclare : « C’est magique de mettre sa main dans la culotte d’une fille pour la première fois », on est d’autant plus d’accord avec lui qu’il ne fait que citer non pas Miller ou Bukowski mais Mathieu Amalric, dans un film de Desplechin. Amalric, Desplechin : on est bien loin de la « faschospère »… Si on ne peut citer ici sans danger ni éclater de rire devant ce à quoi Schwab voue le personnel politique féminin actuel, on l’écoutera donner la formule de son hétérosexualité : « Le type de relations que je préfère avec les femmes, c’est : Moi Tarzan, toi Jane. » Que les scènes érotiques soient à ce point réussies montre aussi combien Bennasar est dans le vrai – la chose étant bien plus difficile à écrire qu’on ne croit, faites-en l’expérience avec les romanciers contemporains, même les libertins autoproclamés qui semblent, à côté de Bennnasar, des euphémistes qui ont anticipé la domination féministe du monde éditorial et du roman, qu’ils tirent du côté du vertueux, là où Bennasar nous rappelle à l’ordre naturel des choses.

Ainsi, sans militer pour personne, mais refusant la « propagande des immigrationnistes assurée par des LGBT », l’existence de Schwab est celle d’un être libre dans un monde hyperconnecté et en proie à cette servitude non seulement volontaire mais qui cherche son propre néant : l’aveuglement rejoint le consumérisme, l’antiracisme et le néo-féminisme dans le nihilisme du Bien. Évoquer ici Houellebecq serait réduire Schwab à une posture de citoyen un peu lunaire ; plus drôle que déprimé ou acerbe, Schwab est plutôt du côté de Muray, et ce que ce roman révèle ou rappelle, c’est une réalité qu’abhorrent les écrivains auto-émasculés de la « rentrée littéraire » : la vérité sur la France et sur le monde, à travers la vérité sur soi, non pas dans un miroir esthétique où se coiffer à la rebelle, le cou ceint d’un keffieh, mais en se montrant tel qu’on est, avec une autodérision dont les imbéciles font les frais.

L’Affranchi, Cyril Bennasar (préf. Renaud Camus), Périphérique, 2025.

Octobre 2025 – #138

Article extrait du Magazine Causeur



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