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Dans la suite de Philippe Bilger à propos de Robert Brasillach

La dérision


Dans la suite de Philippe Bilger à propos de Robert Brasillach
Procès de Robert Brasillach défendu par Jacques Isorni. © Capture d'écran Twitter @Avi_Bitton

Dans sa chronique du 15 août, Philippe Bilger déplore que l’on puisse rejeter en bloc et avec mépris l’oeuvre de Robert Brasillach au motif de son engagement politique. S’il a produit des chefs-d’oeuvre littéraires, il faut les reconnaître comme tels. C’est le cas, par exemple, de Comme le temps passe, un roman d’amour incomparable, notamment pour son évocation de l’acte d’amour.


Philippe Bilger, tombant par hasard sur un article du Nouvel Obs du mois de mai sur Robert Brasillach, dit ce qu’il en pense et le dit très bien. La dérision qui est la tonalité affreuse de notre époque croit être critique lorsqu’elle n’est que nihiliste, et, en ce sens, ne dit rien, mais absolument rien. Elle ne témoigne jamais que de l’humeur mauvaise et fanfaronne de celui ou celle qui s’en réclame, et se met bien commodément après-coup du bon côté. Quant à la capacité de nous apprendre quoi que ce soit sur la littérature, la dérision, par définition, en est incapable.

Je voudrais ajouter quelques lignes à l’excellent texte de Philippe Bilger, à partir d’une expérience que je fis d’un roman de Robert Brasillach intitulé Comme le temps passe et que je considère comme un des plus grands romans que j’ai jamais lus. Je crois savoir d’ailleurs que François Mitterrand partageait ce point de vue… Je me trouvais en convalescence en 2003 dans une clinique perdue dans la campagne normande. On voulut bien m’ouvrir la bibliothèque où je trouvais ce livre. Le nom de l’auteur ne m’était pas inconnu, mais comme il n’y avait pas d’ordinateur à ma disposition et certainement aucun accès internet, je n’eus pas le loisir d’aller vérifier ce que je savais a priori de ce monsieur, ni de lire les textes journalistiques où il s’égara.

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Cela eut un effet capital, car je suis absolument convaincue que la moindre information à son sujet aurait modifié ma lecture. Celle-ci se fit donc sans connaissance du mauvais sujet et je pus m’y consacrer sans arrière-pensée. Ce récit, dont le titre n’était pourtant pas des plus heureux, me fit un effet saisissant. Nous sommes dans l’avant-guerre et le roman suit à la fois la relation amoureuse de René et Florence et la découverte que chacun fait du monde, chacun de son côté, jusqu’aux années 1920. Je me souviens en particulier d’un chapitre, « La nuit de Tolède » où l’acte d’amour est relaté avec une précision sensorielle qui ne doit rien à la pornographie mais tout à la capacité de sentir et décrire la moindre émotion, le moindre mouvement et la moindre pensée dans un instant où l’intensité et une certaine absence au monde en général le permettent rarement. Je me souviens avoir pensé que c’était la première fois que je lisais un texte pareil, et que nos « modernes » pouvaient, et c’est le cas de le dire, aller se rhabiller.

Alors, bien sûr en rentrant, je pris connaissance plus en détail du destin de Robert Brasillach, mais à aucun moment, je ne revins sur ma première impression de lecture de l’ouvrage en question. J’avais lu un grand roman et je le maintiens. J’en étais d’ailleurs si fortement convaincue que, doutant que l’ouvrage fût encore édité, et parce que l’on m’avait fait là-bas une indélicatesse peu admissible, j’estimai que je pouvais bien prendre le roman en partant… Ce que je fis et ne regrettai jamais, ne serait-ce que pour pouvoir le relire.

Robert Brasillach, Comme le temps passe, Plon, 1937.



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Professeur de lettres modernes à la retraite, ayant enseigné dans le 93.

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