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Enfin un garde des Sceaux !

Le billet justice de Philippe Bilger


Enfin un garde des Sceaux !
Gérald Darmanin dans les jardins du ministère de la Justice, 31 juillet 2025, Paris © Anthony Quittot/JDD/SIPA

Gérald Darmanin affiche une ligne de fermeté et de pragmatisme qui tranche avec ses prédécesseurs. Soutenu par le Premier ministre et Bruno Retailleau, il s’attaque aux retards et aux dysfonctionnements de la justice avec des réformes ciblées : peines adaptées contre la criminalité organisée, classification des détenus, expulsions de prisonniers étrangers et lutte contre la surpopulation carcérale. La place Vendôme a enfin trouvé un ministre digne de ce nom !


Gérald Darmanin est le ministre dont la magistrature avait besoin et il paraît qu’il est « attaqué de toutes parts : avocats, syndicats, magistrats […] parce qu’il assume une ligne de fermeté » (JDD). Ce qui n’est pas pour me surprendre, tant il est classique qu’une forme de saisissement et même d’hostilité se dégage, avant l’appréhension du fond de sa politique, lorsqu’un ministre se montre actif, pragmatique et animé par le bon sens.

Pragmatisme et rien d’autre

On n’était plus habitué, avec Emmanuel Macron, à une telle configuration. Il convient de rendre hommage au Premier ministre qui l’a permise en lui associant Bruno Retailleau, partenaire indispensable à ce couple régalien, auquel Gérald Darmanin a rendu hommage. L’entretien que le garde des Sceaux a accordé au JDD ne concerne quasiment que ses projets judiciaires, son argumentation pour les défendre, sa méthode et sa vision du futur. En dehors de l’hommage obligatoire à son prédécesseur parce qu’il a fait augmenter le budget de la Justice (ce n’est pas non plus un Himalaya !) et de la confirmation qu’un ministre d’État peut aborder tous les sujets politiques et autres, Gérald Darmanin, avec talent, conviction et maîtrise de sa matière, développe ce qu’il a déjà accompli, ce qu’il prépare et les axes principaux de son action. Comme il le résume lui-même avec justesse, « Je mets du bon sens dans la justice ».

Il s’est d’emblée placé en dehors d’une posture partisane, refusant de dériver vers une ligne strictement idéologique. Contrairement à l’avocat devenu ministre, obsédé par l’idée de démontrer à tout instant sa haine du Rassemblement national — sans jamais distinguer ce parti de l’ensemble des citoyens qui le soutiennent — Gérald Darmanin s’inscrit dans une démarche équilibrée, au service de l’État et de l’intérêt général.

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Par ailleurs avec quelle lucidité Gérald Darmanin, dès sa nomination, plutôt que de se pousser du col – il est vrai qu’il n’avait pas à faire oublier une arrivée très mal comprise place Vendôme ! – a considéré sa mission comme un devoir d’inventaire fondé à la fois sur ce que son expérience lui avait appris et le sentiment majoritaire de citoyens déçus, voire exaspérés par les retards et les dysfonctionnements de la justice.

Il a eu d’autant plus de mérite à tenir sa ligne de pragmatisme — refusant de disserter sur le sexe des anges, uniquement préoccupé par l’efficacité et les progrès opératoires — que, comme c’est souvent le cas en France, les exigences politiques et médiatiques allaient toutes dans le même sens avant sa nomination, mais il a suffi qu’il commence à y répondre, à les satisfaire, pour qu’une opposition paradoxale se manifeste. Il accomplissait ce que beaucoup attendaient : quel scandale !

Enfin du bon sens !

Dans le projet de loi qu’il tient à faire voter au plus vite — si la configuration politique le permet —, aucune disposition n’échappe au bon sens dont il se réclame, et toutes peuvent être justifiées par une argumentation intelligente. Il ne s’agira pas d’une réformette.

Il était grand temps de prévoir des peines d’emprisonnement assorties de mesures adaptées à l’extrême gravité du narcotrafic et de certains crimes, afin d’empêcher leurs auteurs, pourtant condamnés, de poursuivre depuis leur cellule des agissements mortifères et anti-sociaux, longtemps facilités par une impunité de fait.

Cette remise en ordre pénitentiaire s’accompagnera d’une classification des détenus selon leur niveau de dangerosité. Ce système, structuré en cinq catégories — la dernière correspondant à un régime de semi-liberté sous contrôle renforcé — entrera en vigueur d’ici la fin de l’année. L’expulsion des détenus étrangers constitue une nécessité, et grâce à l’implication du ministre, elle commence à produire des effets positifs, notamment à la suite des accords conclus avec des pays comme le Brésil, le Maroc et la Roumanie.

Des actions sont également engagées pour lutter contre la surpopulation carcérale, un sujet jusqu’ici négligé par Éric Dupond-Moretti. Gérald Darmanin envisage notamment la création de structures modulaires pouvant être construites en 18 mois, contre sept ans habituellement. La première devrait être livrée à l’automne 2026.

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Plus largement, ce garde des Sceaux n’hésite pas à intervenir chaque fois que l’exécution des peines permet à des personnes incarcérées de bénéficier d’aménagements ou de facilités jugés choquants. Même si son idée initiale de supprimer le sursis a été infléchie et réduite, elle demeure, dans son principe, excellente. En effet, cette sanction — épée de Damoclès bien trop molle — n’est jamais véritablement perçue comme telle par les prévenus. De plus, le sursis n’étant pas systématiquement révoqué en cas de récidive, il perd toute portée dissuasive.

Gérald Darmanin, malgré les attaques dont il fait l’objet, reste serein, animé par une seule préoccupation : la défense de l’intérêt général. Il affiche une double volonté claire : relever, d’une part, le défi de la criminalité organisée ; et ne plus permettre, d’autre part, que se reproduise l’horreur des assassinats d’Incarville.

Loin d’être un handicap, l’absence de « grand soir judiciaire » apparaît au contraire comme un atout pour Gérald Darmanin. Le ciblage précis et pertinent de ses initiatives, allié à leur pragmatisme, démontre chaque jour leur efficacité. C’est sans doute là la meilleure méthode pour un ministre de la Justice.

Nous avons enfin un garde des Sceaux.

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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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