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Ras-le-bol des maires: il est encore temps d’agir!

Une tribune libre de Philippe Lottiaux, député du Var (RN)


Ras-le-bol des maires: il est encore temps d’agir!
Le LR David Lisnard, président de l'association des maires de France, Paris, 21 novembre 2023 © Jacques Witt/SIPA

Le Congrès des maires se tient à Paris jusqu’à jeudi. Les élus locaux souffrent de la vision tronquée du pouvoir central des réalités locales, voire de son mépris.


« Communes attaquées, République menacée ». En donnant cet intitulé aux débats de son congrès annuel, l’AMF n’imaginait pas que l’actualité allait malheureusement lui donner une acuité toute particulière. Car c’est bien une attaque en règle contre une petite commune rurale qui a coûté la vie, à Crépol (26), à un adolescent et blessé plusieurs autres personnes.

Aujourd’hui, la violence gratuite n’est plus l’apanage des zones urbaines de non droit que les gouvernements successifs ont laissé se développer. Elle gagne jusqu’aux plus petits villages, comme l’ont montré les récentes émeutes, où une grande partie des communes touchées n’avaient pas en leur sein un quartier pudiquement appelé « sensible ». Ceci alors que le gouvernement répartit sur le territoire des milliers de clandestins, dont les jurisprudences successives nous rappellent qu’ils n’ont « pas les codes ».

Parallèlement, les menaces ou atteintes physiques aux élus explosent : + 15% en 2023, avec des conséquences parfois tragiques, comme la mort du maire de Signes en 2019. Perte du sens de l’autorité, sentiment d’impunité de délinquants souvent mineurs, culture de l’excuse judiciaire, manque de moyens sécuritaires dans nos zones rurales : le cocktail est explosif.

Les maires voient en outre leur capacité d’action de plus en plus attaquée.

Depuis des années, la volonté de l’État de renforcer les intercommunalités dépouille les maires de leurs pouvoirs de base : urbanisme, gestion des déchets, et demain eau et assainissement. Le tout sous couvert d’une « efficacité » qui n’est que de façade, comme l’illustrent à la fois l’éloignement des centres de décision des citoyens, le caractère incompréhensible des répartitions de compétences et l’accroissement incessant des effectifs des intercommunalités. La Cour des Comptes elle-même, dans son rapport sur 40 ans de décentralisation, concède que notre organisation territoriale « marquée par une grande complexité, manque de lisibilité pour le citoyen et ne favorise pas l’amélioration du service rendu ni la recherche d’une plus grande efficience de l’action publique ».

La situation des finances locales n’est pas en reste. La suppression de la taxe d’habitation – plus ou moins compensée par un reversement de TVA, ce qui ne conduit en aucun cas à une baisse des impôts des Français -, a délité le lien entre les habitants et le territoire. Pis, elle fait peser sur les propriétaires la seule charge de l’imposition locale. Mais il est vrai qu’en macronie, les propriétaires, par essence « enracinés », ne rentrent pas dans le schéma de la « start up nation ». Les transferts et dotations de l’État représentent ainsi une part prépondérante des recettes locales, réduisant l’autonomie fiscale des collectivités.

Cette évolution traduit une recentralisation larvée, dont les exemples abondent. Les dotations aux investissements sont de plus en plus « fléchées » sur des priorités définies par l’État. Le poids croissant des normes fait désormais de chaque projet un parcours du combattant pour les maires, entraînant des coûts et des délais supplémentaires. Les injonctions parfois contradictoires se succèdent, comme la création de logements sociaux sous peine de lourdes amendes mais « en même temps » la réduction des capacités de construction avec la loi « zéro artificialisation nette ». Sans oublier un pouvoir réduit des maires sur les attributions, les empêchant de répondre en priorité aux besoins de leurs habitants.

Résultat logique : les candidats sont de moins en moins nombreux, dans la ruralité, pour endosser le costume et l’écharpe de maire. Depuis 2020, plus de 1300 maires ont démissionné. Dans de nombreuses communes, il sera difficile, en 2026, de trouver des candidats à ce sacerdoce de plus en plus risqué, physiquement comme pénalement.

Il est encore temps d’inverser la tendance. Mais il faut agir vite. La vision tronquée des réalités locales en vigueur au sommet de l’État, selon laquelle tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes et qu’il suffirait simplement, comme le déclarait récemment la Ministre déléguée aux collectivités locales, que « les maires fassent des efforts », n’incite guère à l’optimisme. Surtout si on y ajoute le mépris macroniste pour la ruralité et son attirance constante pour le « big is beautiful » : métropoles omnipotentes, intercommunalités XXL, grandes régions, etc.

Il faut définitivement mieux considérer nos maires et nos élus locaux, à la hauteur de leur dévouement et de leur implication pour nos territoires. Bien sûr, la question du statut de l’élu comme des indemnités est importante. Mais ce dont les maires ont avant tout besoin, ce n’est pas de davantage de reconnaissance : c’est de moins de méconnaissance.

Pour le Rassemblement National, autorité, subsidiarité et confiance doivent guider la nouvelle politique dont nos communes ont besoin.

Autorité retrouvée de l’État et de ses représentants, pour les fonctions régaliennes qui leur incombent, avec le retour de l’ordre républicain sur le territoire, la fin de l’impunité pour les délinquants, y compris mineurs, des peines réelles pour les atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique, et des pouvoirs renforcés pour les polices municipales.

Subsidiarité, en redonnant aux maires les compétences nécessaires à la gestion de leurs communes, et en refaisant des intercommunalités des établissements publics « de coopération intercommunale », et non pas de mutualisation forcée comme c’est le cas aujourd’hui. Les maires doivent retrouver la plénitude de leurs compétences et être libres de décider de celles qu’ils transfèreront, ou non, aux intercommunalités, dès lors que ce transfert garantira une action publique plus efficace et efficiente.

Confiance enfin, en mettant fin à l’accumulation des normes et en redonnant à nos élus locaux une véritable autonomie fiscale, par le transfert d’impôts nationaux sur lesquels ils auront un véritable pouvoir de taux, en lieu et place de TVA et de dotations incompréhensibles et soumises au bon vouloir de l’État. Celui-ci retrouvera alors son rôle de partenaire et de stratège, et non pas de tutelle approximative.

C’est ainsi que nos communes ne seront plus « attaquées », et qu’un nouvel équilibre des pouvoirs leur permettra de retrouver le dynamisme et la sérénité qu’attendent nos élus locaux comme l’ensemble des Français.



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