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Le règne du billard à trois bandes et des politiciens à deux balles

Ma vie à l'Assemblée, la chronique d'Emmanuelle Ménard


Le règne du billard à trois bandes et des politiciens à deux balles
© Cedric Lemoine/SIPA

On aurait pu croire que le mois de décembre verrait l’esprit de Noël descendre sur l’Assemblée nationale… Mais pour cela, il faudrait que les députés croient à l’esprit de Noël !


49-3.

Bon, pour tout vous avouer, j’ai perdu le fil… 19, 20, 21, 22e 49-3 d’Élisabeth Borne depuis sa nomination à Matignon. Et, je l’ai déjà dit, dans une indifférence quasi générale. Même les députés du Rassemblement national ont abandonné l’idée de déposer des motions de censure et ne prennent plus la peine de voter celles de La France insoumise qui, elle, continue de s’époumoner sans que plus personne ne l’écoute… Avec pour seule conséquence – mais c’est peut-être leur seul objectif ? – d’agacer considérablement notre Première ministre. Selon des propos rapportés par La Tribune dimanche, elle aurait dit : « Ça me bouffe du temps. Dans leurs discours, ils ne savent même plus quoi raconter. Cela n’a d’intérêt pour personne, ça devient lunaire. » « Lunaire » ? Tout serait tellement plus facile si le Parlement n’existait pas…

Minute de silence

Lors de la séance de questions au gouvernement du 28 novembre, une minute de silence a été observée pour le jeune Thomas Perotto, tué à Crépol d’un coup de couteau en plein cœur. Enfin ! Ces derniers mois, on s’est (trop !) souvent levé dans l’Hémicycle. Mais cette minute-là est lourde, épaisse. Et vraiment silencieuse. Quand nous nous rasseyons, Élisabeth Borne parle. Elle évoque « un devoir d’unité, un devoir de dignité ». Et puis, elle condamne la « récupération politique » et les « démonstrations et actes de violence de l’ultradroite ». L’art de tout gâcher… Il y a des jours où on aimerait vraiment qu’elle se taise…

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Immigration

Le mardi 28 novembre, en commission des lois, les députés passent plus de trente minutes pour savoir si les candidats au regroupement familial doivent apprendre ou non le français… Ces gens m’épuisent !

« Mamie vapote »

Alors qu’elle s’exprimait à la tribune le jeudi 30 novembre, la députée Caroline Fiat – vice-présidente de l’Assemblée nationale – a dû s’interrompre parce que la Première ministre vapotait dans l’Hémicycle durant sa prise de parole. Assez justement, la députée a rappelé à Élisabeth Borne que son ministre de la Santé venait de présenter un plan antitabac qui prévoit l’interdiction de fumer ou vapoter sur les plages, les parcs ou devant les établissements scolaires. Mais pas dans l’Hémicycle, c’est vrai… Et la députée de pointer du doigt « un mépris total et un manque de respect ». Ce n’est pas la première fois que la chef de gouvernement est prise en flagrant délit de vapoter, à l’Assemblée comme au Sénat. L’article L.3513-6 du Code de la santé publique précise d’ailleurs que « le fait de vapoter dans un lieu à usage collectif est puni d’une amende pouvant aller jusqu’à 150 euros ».Chiche !

Pétaudière

Le 30 novembre dernier, Ugo Bernalicis, député de La France insoumise, arrive comme une furie en commission des lois. Il reproche au président de la commission des lois, Sacha Houlié, d’organiser l’examen du projet de loi immigration en même temps que la niche parlementaire de son groupe, qui se déroule au moment même dans l’Hémicycle. Le ton monte et certains craignent qu’on en vienne aux mains. Gérald Darmanin, présent, ironise en expliquant que « Ugo n’est visiblement pas prêt à entrer à Beauvau ». Référence à un clip de campagne du député que je ne connaissais pas, modèle de narcissisme et d’indécence sur le thème de « la police tue »… Pour les curieux, vous pouvez taper « Ugo à Beauvau » dans votre barre de recherche. C’est sur YouTube

Hanouka à l’Élysée

Au risque d’offusquer les adorateurs de la secte de la laïcité, je n’ai pas été choquée quand Emmanuel Macron a allumé la première bougie de Hanouka à l’Élysée. Après avoir refusé de manifester contre l’antisémitisme, après avoir si peu fait pour les 40 Français tués par le Hamas le 7 octobre, c’était bien le moins…

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« Vive les vacances ! »

Ce lundi 11 décembre, c’est la déflagration. Le projet de loi de Gérald Darmanin sur l’immigration vient d’être rejeté par l’Assemblée nationale sans même avoir été examiné par les députés… À qui la faute ? À Gérald Darmanin d’abord, qui a tout fait pour humilier les députés LR dans les jours précédant le vote. À « l’aile gauche de la majorité » ensuite, qui n’a cessé de savonner la planche du ministre. Quinze minutes avant d’entrer dans l’Hémicycle, je m’aperçois en effet que le président de la commission des lois vient de déclarer irrecevables presque un tiers des amendements que j’avais déposés. Prise de curiosité, je regarde le sort réservé aux députés Républicains : même chose, même proportion. Avouez que pour une majorité qui se prétendait « ouverte aux propositions » et « la main tendue », on pouvait attendre mieux… Troisième responsable, la droite de l’Hémicycle, qui n’a aucun scrupule à voter avec les pires immigrationnistes. Cette droite que cela ne dérange pas de rejeter le texte avant même qu’il soit discuté et donc, de ne pas accomplir la mission pour lequel elle a été élue. J’ai même entendu quelques « Vive les vacances ! » à l’issue du vote… Pour moi qui me suis abstenue (pas question de s’associer à la Nupes et à ses positions pro-immigration ; pas question de croire à la bonne foi d’une majorité qui refuse d’emblée de discuter sur ce qui constitue pour moi une véritable une ligne rouge…), je me sens dépossédée. Tout ce travail pour finir en déconfiture. Décidément, c’est le règne du billard à trois bandes et des politiciens à deux balles.

Amateurisme

Avant la motion de rejet, les tractations battent leur plein. Le cabinet du ministre de l’Intérieur chouchoute les élus LR pour les convaincre de voter contre la motion de rejet. Et tous les moyens sont bons pour parvenir à leurs fins. Les voilà qui appellent le député Fabrice Brun pour lui annoncer la création d’une nouvelle brigade de gendarmerie à Rosières. Manque de chance, ce n’est pas Fabrice qu’ils contactent, mais Philippe Brun, député PS, qui est appelé. Rappelez-vous,il y a quelques mois, Emmanuel Macron enjoignait ses députés d’être fiers d’être des « amateurs ». Certains l’ont pris au mot.

Janvier 2024 – Causeur #119

Article extrait du Magazine Causeur




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Ancienne députée

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