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Les spadassins du consensus


Les spadassins du consensus
Les journalistes Audrey Pulvar et Patrick Cohen, en 2010 © MEIGNEUX/SIPA Numéro de reportage: 00602867_000008

Si une brèche a récemment été ouverte par quelques obscurantistes anarcho-réac, la tyrannie du consensus fait chaque jour plus de victimes dans nos médias.


Entre les matinales et les access de fin de journée, de France 5 à Canal +, en passant par TMC ou C8, il ne se passe désormais plus une seule journée sans que les héros permanents de l’idéologie dominante viennent tracer le sillon du prêt-à-penser, à la télé et à la radio.

Ce sont les Léa Salamé, Nicolas Demorand, Jean-Michel Apathie…

Ils sont aidés dans cette tâche par leurs disciples de la pensée unique qui les assistent plus insidieusement dans des talk-shows à la Barthes, Hanouna, et même dans les jeux. Nagui distille désormais régulièrement ses pensées philosophico-politiques avisées, tel un éditorialiste, au hasard des réponses des candidats.

Les exceptions CNews, RMC et Sud Radio

Qu’on le veuille ou non donc, ce sont eux qui « font l’opinion » en France. Ou qui tentent de la faire en tout cas. Ils ne sont pourtant pas si nombreux. Quelques dizaines tout au plus, sûrs que leurs injonctions empêcheront de penser en dehors de la ligne qu’ils ont tracée. On garde naturellement le droit de les regarder, de les écouter, sans les approuver. En conservant au passage nos convictions, notre objectivité et notre quant-à-soi. Mais, c’est lorsque l’on fait les comptes et que les chiffres de leurs audiences apparaissent qu’on reste pantois. Plusieurs millions de Français les écoutent quotidiennement. Certes, Médiamétrie jauge la quantité, pas le coefficient de satisfaction. De là à dire, que nous ne côtoyons majoritairement que le conformisme – cette « tendance à obéir aux usages en acceptant les manières de penser ou d’agir du plus grand nombre » me dit le dictionnaire – il n’y a qu’un pas. Et ce ne sont pas les tentatives, presque désespérées, de lignes éditoriales alternatives ou de pluralisme sur CNews, RMC ou même sur la petite Sud Radio qui semblent capables de changer les certitudes des médias mainstream. Bien convaincus qu’il n’y a donc qu’une vérité. La seule légitime.

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Si on les écoute donc, plus personne n’a guère le droit d’imaginer une autre issue que celle qu’ils ont dessinée au milieu des sujets essentiels que sont :

– les déplacements,
– l’énergie,
– le réchauffement climatique,
– l’immigration,
– les limitations de vitesse,
– la PMA,
– les pistes cyclables…

Et même l’humour.

Gare aux radars… sur les autoroutes de la pensée

Tout est même prévu dans le système de ces véritables cabines radar de l’idéologie dominante pour flasher, puis faire taire les contrevenants à leur vision. Et si l’idée saugrenue vient à quelques résistants de les contredire, ils sont alors désignés à la vindicte, puis épinglés au nouveau « mur des cons ». Le tableau d’honneur des rétrogrades. Le pilori des obscurantistes anarcho-réac. Il y a même un mot de novlangue pour désigner chacun de leurs prévisibles débordements.

Ainsi, un ingénieur météo qui explique qu’il est nécessaire de regarder l’évolution du climat sur deux mille ans et pas seulement depuis l’apparition des photos radars dans les années 50, n’est pas qu’un climatosceptique. C’est aussi un irresponsable salaud ;

Un mathématicien, simplement réaliste, qui ose affirmer que les feux en Australie n’ont pas été créés par un dérèglement climatique, est un possédé, même s’il amène la preuve qu’il y a eu des incendies – certes de différentes natures – deux fois plus importants en 1974 ;

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Un écologiste pragmatique (donc Américain) qui préconise d’abord le nucléaire troisième génération – donc la fusion sans déchets – avant l’éolien, est un complotiste. Un menteur, rétribué par les lobbies de l’atome;

Un VRP qui fait 80 000 kms par an et qui veut rouler au-dessus de 80 Km/h n’est pas seulement un salopard de Fangio. C’est un chauffard-serial killer et un pollueur impénitent. Même si la baisse de la vitesse, selon les derniers chiffres, n’a épargné que 0,3 % de vies par rapport à 2018 [tooltips content= »Selon 40 millions d’automobilistes »](1)[/tooltips]…

Un père de famille nombreuse, qui vacille en écoutant les discours sur la PMA, est un réactionnaire intégriste, membre du gang de la Manif pour tous. Un terroriste, sans doute chrétien, digne de la lapidation en car Pullman;

Un humoriste qui raconte une histoire vieille de trente ans mettant en scène une femme aux mœurs légères (il en reste quelques-unes) est un macho-sexiste. Un anti-Schiappa, passible de la sanction capitale: le tweet BTP (Balance Ton Porc). Les « Grosses Têtes » en sortent d’ailleurs des biens pires, mais restent – on ne sait pourquoi – encore audibles quelque temps.

Ne pas contredire Nicolas Hulot

Tout-est-prévu, tout-est-écrit pour empêcher de penser autrement qu’en rond. La récente réaction de Nicolas Hulot qui menaça de quitter le studio de RTL plutôt que d’écouter la réalité des chiffres du GIEC sur les catastrophes naturelles (elles ne font pas plus de victimes qu’il y a soixante-dix ans, même moins), est encore une nouvelle preuve de l’ouverture d’esprit de nos amis les nouveaux sachants. (1931 : sept cyclones en Chine, quatre millions de morts…)

Dans l'émission Quotidien, le journaliste Eric Zemmour est souvent brocardé pour ses positions hors les clous Capture d'écran TMC
Dans le talk show « Quotidien », le journaliste Eric Zemmour est souvent brocardé pour ses positions hors les clous… Capture d’écran TMC

Tout cela ne serait pas si grave, seulement voilà : les statistiques et sondeurs font désormais vaciller les belles certitudes. Année après année, la défiance du public vis-à-vis de la presse et des médias ne fait que progresser. La radio a perdu ainsi 1,1 million d’auditeurs en un an. La télé c’est pareil. Les audiences ne font que baisser inexorablement. La traditionnelle étude Kantar La Croix, publiée en janvier 2020, est catastrophique. Elle manifeste une nouvelle chute de la crédibilité des médias et atteste de l’élargissement permanent du fossé existant entre eux et leur public. En cinq ans, l’intérêt pour l’actualité a reculé de 17 points. Seulement 40% des Français interrogés pensent encore que les évènements se sont passés comme la télévision le raconte. C’est le niveau le plus bas depuis 1987… Pire, 71% des Français n’ont pas le sentiment que les médias rendent « mieux et davantage compte » de leurs préoccupations.

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C’est bien la preuve qu’il y a péril. Et la récente réussite d’Eric Zemmour sur CNews, qui atteint certains jours jusqu’à 391 000 téléspectateurs (soit presque 3,5 fois plus que les audiences précédant son arrivée), emmenant CNews en tête des chaînes d’info à cette heure, est aussi là pour faire comprendre à ceux qui croient détenir l’unique voix de la raison, qu’on peut faire de la télévision autrement qu’en marchant tous d’un même pas sur l’autoroute de la pensée unique.

L’attitude, au début empruntée, voire plus que circonspecte, des politiques qui se succèdent désormais par poignées sur le plateau de CNews, toutes tendances confondues, est également un excellent indicateur.

Mais ce n’est évidemment pas cette programmation courageuse de la chaîne qui interrompra le ballet des gendarmes de la pensée matin et soir. Peut-être qu’elle les obligera cependant à descendre un peu de leur tour d’ivoire afin de toucher enfin la réalité que les Français côtoient chaque jour… Cette vie dont ils ignorent quasiment tout… Et qu’ils ont récemment découverte. Parce qu’ils ont fini par la lire dans les bouquins des journalistes du Monde, les seuls habilités d’ailleurs à la décrire, avec les anciens édiles du 9-5. Et qu’importe si ces témoins, visionnaires sur le tard, ne font que répéter ce que dénoncent certains de leurs confrères depuis plus de dix ans.

Suivez le sens de la file

On ne sait pas bien pourquoi, mais même si la bien-pensance isole des réalités, elle garde pourtant la faveur des élites. À tel point qu’elle a toujours raison. Même si elle se trompe. Elle n’a peut-être pas Free, mais elle a donc tout compris. Après tout, pourquoi acheter ses macarons chez Carette, son saumon Gravlax à L’Avenue et son céviche de daurade au Murat de la Porte d’Auteuil, priverait cette caste du droit d’être légitime ?

Laisser tomber le Coca light à cause des dangers de l’aspartam et privilégier désormais l’Eau de Volvic au citron, c’est aussi savoir être résolument responsable.

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C’est surtout être le seul garant d’une société où il fait bon vivre, entre trottinette et ouverture d’esprit.

Veganisme et taxi G7 Premium électrique. Identité heureuse et geste architectural contemporain. C’est ça les médias inclusifs. Un monde où il fait bon traverser dans les clous. Sauvegarder sur le cloud. Et surtout ne jamais penser Out of the box, comme on dit au pays du Brexit dur avec contrôles douaniers. C’est bien trop risqué. Faudrait pas enflammer les réseaux sociaux. Et si on perdait de l’audience ? En 68 il était interdit d’interdire. Cinquante ans plus tard on est prié de tomber dans le panneau des sens interdits.

Les Rien-pensants

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Francois Tauriac est journaliste et éditeur

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