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Maurice Genevoix, nos morts, la France


Maurice Genevoix, nos morts, la France
Maurice Genevoix en 1915, en uniforme pour la première guerre mondiale. D.R.

En Grande Bretagne, la marche monstre en faveur de la cause palestinienne, et les heurts qui en ont résulté dans les cortèges et à l’extrême droite, ont perturbé le 11-Novembre et provoqué la démission du ministre de l’Intérieur. Si nous n’en sommes pas là, en France aussi, des déconstructeurs estimant qu’être Français n’est pas un cadeau, et des révolutionnaires « insoumis » ou islamo-gauchistes cracheront peut-être bientôt sur le visage des poilus morts à Verdun, craint notre contributeur.


A l’occasion de son transfert au Panthéon, le 11 novembre 2020, j’espérais que Gallimard allait publier, en Pléïade, l’œuvre complète de Maurice Genevoix et notamment les cinq livres qui forment « Ceux de 14 ». Pour l´instant, aucun projet semble-t-il, et c’est regrettable. Ce témoignage sur la Grande Guerre est pourtant unique et indépassable ; sans lyrisme déplacé, sans fioritures de style, sans désir d’enjoliver le réel ou de passer sous silence certains aspects pas très reluisants. Il fut d’ailleurs censuré dans certaines premières éditions. Un texte admirable de dignité et d’humanité, transpirant de vérité sans fard sur la souffrance de l’homme livré à une guerre, la plus terrible qui jamais fut. Il devrait être un livre obligatoire dans les écoles, pour faire comprendre mais aussi sentir quelle vie fut celle de la génération de Genevoix et à quels sommets de sacrifice elle consentit pour la patrie.

Cette patrie que certains prennent pour un paillasson, comme disait de Gaulle. Dire qu’aujourd’hui l’obtention de la nationalité, par droit du sol, n’est même pas conditionnée à l’amour de son pays et de sa culture ! Il faudrait pourtant un serment solennel et que le mot de serment et l’acte primordial, fondateur, qu’il recouvre, eût encore un sens. Dire qu’aujourd’hui l’obtention de la nationalité par filiation n’est, elle non plus, soutenue d’aucune initiation longue à la culture française, à la langue française, au génie français dans ce sanctuaire laïque essentiel qu’on appelait École (1882-circ 2000) ! Qu’aucune fierté française n’est enseignée, tout au contraire. Qu’aucune mise à l’épreuve n’est demandée par aucun service ni militaire ni civique. Tout se fait sans effort, sans mérite. Tout est dû, tout est indolore, rien n’est à prouver. On peut hausser les épaules ou siffler à la Marseillaise, on peut se moquer des soldats morts et dire, en haussant les épaules, qu’ils sont morts pour rien.

Être Français, ce cadeau inestimable

Pourtant, nous respirons un air de liberté sur une terre qui est encore nôtre. Nous parlons, chantons, trinquons en terrasse en parlant en français parce que ces morts, en défendant la France, ont défendu aussi un mode de vie et une identité. Sans parler des morts, soldats ou résistants, de la Seconde Guerre mondiale à qui on doit de n’être pas dans un 3ème Reich nazi, tous Allemands. Aujourd’hui le refus de la dette bat son plein :« Je ne dois rien à personne ! », comme le surenchérissement victimaire : « Je ne dois rien ET on me doit tout car je suis né lésé, discriminé. Si je vais d’échecs en échecs, c’est de votre faute, ou celle de la société, etc ». Pour accéder à la gratitude et donc aussi au respect, il faut être capable de prendre conscience qu’on est acteur de sa vie, et qu’il y a déjà beaucoup de très bon dans ce qu’on a trouvé, tout cuit, naturel ou normal, et que nous ne méritons pas forcément mieux, par principe. C’est sortir d’un état d’ingratitude infantile, oublieux et inculte. C’est aussi accéder à une joie et un bonheur car la gratitude, l’action de grâce, rendent heureux contrairement à ce que certains pensent. L’admiration et la gratitude sont des aliments essentiels de l’âme. Mais il est vrai qu’aujourd’hui l’ingratitude est un sport valorisé. Nul ne songerait qu’être Français ou le devenir puisse être un cadeau inestimable !

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On peut être Français par défaut ou pour des allocations ou pour le plaisir d’en dire toujours du mal et de la dénigrer. On peut vouloir être Français pour être… député et chercher à liquider la France, la moquer, l’humilier, lui ajuster de force un masque odieux, l’offrir à la détestation et au ressentiment, lui interdire d’avoir des lieux de mémoire, une personnalité, une histoire, des lieux sacrés ou consacrés, d’avoir une langue et une littérature.

Les révolutionnaires crachent sur le visage des jeunes poilus morts à Verdun

Que fait d’autre une députée, je pense à Mme Obono (LFI), qui est non seulement ingrate mais haineuse ? Haïr la personne à qui on doit tout est un processus connu qui d’ailleurs est le symptôme le plus infaillible de la bassesse et de la médiocrité. Non seulement Mme Obono ne reconnaît rien, mais elle invite les immigrés à en faire de même : la France n’est pas « décoloniale », elle est raciste, « islamophobe ». Sa police tue. Elle a « le feu vert pour massacrer des noirs et des arabes », comme j’ai entendu le dire le réalisateur de cinéma Ladj Li… devant la presse américaine. Quelle honte ! Quelle pensée amalgamante, fausse, ignoble ! Propagande non pas simplement infâme, mais d’un gauchisme criminel qui fomente la guerre de tous contre tous. Mme Obono et tous ses amis ne s’en tiennent pas à ce ressentiment permanent ; ils travaillent à criminaliser ceux qui marquent de la gratitude et de la fidélité, ceux qui au fond respectent nos morts. Les déconstructeurs, c’est aussi, mais oui, un crachat sur le visage du jeune poilu mort à Verdun parce qu’il voulait demeurer Français. A défaut de crachat, nos révolutionnaires jetteraient-ils sur lui un tract pour la Palestine victime d’un « génocide » pour donner à ce fossile ancien une leçon de présent révolutionnaire.

Quoi de plus réactionnaire et ridicule que la fidélité, de plus anti-revolutionnaire que la nostalgie, quoi de plus idiot que le sacrifice pour un pays capitaliste et colonial honni en bloc ? Pour un révolutionnaire, il n’y a qu’un seul temps : maintenant. Qu’un seul horizon : un futur unique, auquel personne ne coupera, et dont il faut hâter l’accouchement avec toute la radicalité souhaitable et sans le moindre scrupule démocratique ou humaniste.

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Mme Obono, ou j’aurais pu dire M. Guiraud, voudraient, on le sait à présent, une France « créolisée »: islamisée à marche forcée, et multiculturelle, après liquidation du substrat culturel chrétien, avec peut-être la remise en cause de la mécréance, de l’athéisme ou du blasphème (islamophobes), de la pensée des Lumières (pour des raisons ethnocentriques) et, bien sûr, de la galanterie, qui offense le féminisme et choque les musulmans les plus rigoristes ! Une France multiculturelle, encore, après mise en pièces de cette vieille laïcité qui nous donne la paix : voilà qui est inédit pour un programme de « gauche ». Je pense notamment à l’école. La formation politique de Mme Obono et de M. Guiraud osa ainsi prétendre que l’interdiction de l’abaya était une mesure raciste et « islamophobe », comme toujours. En outre, la « cancellation » des auteurs de toute l’histoire suspectés de racisme, sexisme, apologie du viol, colonialisme, suprémacisme, homophobie, islamophobie, est au programme. Bref, tout le monde ! Peintres, sculpteurs, écrivains, musiciens, ethnologues, généraux, hommes d’Etat, philosophes, rois, humanistes : tous seront sur la sellette pour finir au pilori et à la casse. Mme Obono, Française depuis 2011, douze ans donc, veut changer la France de la cave au grenier comme dirait Mélenchon. En vérité non pas la changer mais bien plus la faire cesser d’être : l’anéantissement est rebaptisé aujourd’hui « déconstruction ». Peut-être que sans la France, Mme Obono ne serait rien, et qu’il est donc logique qu’elle veuille se venger ?

Mots d’autrefois

Une civilisation ne vit pourtant sans quelques idéaux, quelques fictions sublimes, ou des romans nationaux – qui d’ailleurs n’excluent pas l’histoire scientifique et critique, ni le décentrement. Qui a inventé le décentrement et le regard extérieur distancié et ironique du Persan, sa phénoménologie naïve qui interroge nos évidences, fait surgir nos vices ou nos absurdités, relativise notre perception et rappelle donc à la considération de l’Autre et de son point de vue ? Montesquieu ! Mais « serment », « fierté », « honneur » sont des mots d’autrefois, comme Montesquieu est un auteur d’hier.

Ceux qui aujourd’hui crachent sur le patriotisme (l’amour des siens n’est pas la haine des autres, disait Gary, opposant le patriotisme au nationalisme), ceux qui le tournent en dérision comme s’il était une valeur obsolète et caduque, tout juste bonne à alimenter des thèmes d’extrême-droite ou « réactionnaires », jettent une boue noire et hideuse sur les visages des jeunes gens, si brûlants de vie, qui tombèrent sous la mitraille. Quelle autre religion est plus forte que celle qui nous lie à nos morts et par laquelle on dialogue sans cesse avec eux ? Nous marchons sur un sol sédimenté par l’histoire. Il n’est même pas sûr que nos révolutionnaires somnambuliques sachent ce qu’ils font, tant ils sont oublieux des choses du passé. Ils n’ont même plus les moyens de circonscrire l’étendue et de sonder la profondeur, le volume, de ce qu’ils ignorent.  C’est au fond leur oubli lui-même qu’ils sont en train de ne plus percevoir comme tel. Pourtant, contrer les forces de l’oubli, c’est contrer la barbarie. Il ne faut pas claquer la porte du monde aux disparus, aux grands hommes, écrivains, poètes, artistes, scientifiques, mais aussi à tous ceux, inconnus parfois, qui se sont sacrifiés pour nous.

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est professeur de lettres modernes, membre du Comité Orwell, co-auteur du livre Sauver les lettres, des professeurs accusent, entretiens avec Philippe Petit . Libertin érudit, joueur d'échecs façon neveu de Rameau, écrivain polymorphe, polémiste.

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