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Ligue 1: quels chants homophobes?

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Ligue 1: quels chants homophobes?
Image d'illustration Pixabey DR

Avertissement : Afin de permettre la compréhension totale de la problématique étudiée, ce texte est truffé de gros mots. Les lecteurs mineurs, sensibles ou macronistes sont donc priés de passer leur chemin.


C’est donc le nouveau combat. Bouter les chants homophobes des stades de football. La ministre des sports Roxana Maracinéanu avait exprimé son malaise en fréquentant ces antres mal famés que sont les tribunes de supporteurs, lesquelles tranchent évidemment avec l’ambiance feutrée des piscines olympiques. Nicole Belloubet et Marlène Schiappa ont dit, l’une qu’il fallait réprimer ces chants, et l’autre elle-même fan de football, qu’elle quitterait désormais les stades si l’on venait à lui chatouiller ses oreilles (on préfère de loin la romancière aux écrits moins chastes) !

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Donc, il y aurait des chants homophobes dans les stades. Fréquentant des tribunes depuis mon enfance, je n’en avais pas été témoin. Alors je me suis renseigné. Et paraît-il que sous l’influence de Madame la ministre des sports, deux matches, l’un en Ligue 2 lors du match Nancy-Le Mans, l’autre en Ligue 1 lors du match Brest-Reims, ont été arrêtés par l’arbitre, brièvement, avant de faire constater par le délégué de la Ligue de football professionnel cette atteinte aux bonnes mœurs. Quels étaient donc ces chants homophobes ? Et bien, renseignement pris, dans les deux cas, il s’agissait de « La Ligue, la Ligue, on t’encule ! ». Et là, permettez-moi de manifester mon étonnement. D’abord je ne savais pas que La Ligue de Football Professionnel était un garçon. Je ne suis pas d’ailleurs plus certain qu’il s’agisse d’une fille malgré son genre féminin. Il n’est pas évident non plus de prêter à cette institution la moindre orientation sexuelle. Conclusion, je voudrais bien qu’on m’explique en quoi ce chant serait davantage homophobe qu’hétérophobe. A priori, il s’agit surtout d’un chant liguophobe.

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On va me dire, tu joues sur les mots. Le terme « enculé » ferait référence à une pratique – la sodomie – plutôt prêtée aux homosexuels et l’utiliser est donc par nature homophobe. Et là, je me demande à quelle époque ces gens vivent. Aujourd’hui toutes les études sur les pratiques sexuelles indiquent que la sodomie fait partie de la vie privée de nombreuses femmes, parfois mères de famille irréprochables. Et je me demande si considérer qu’elle est réservée aux homosexuels ne constitue pas un stéréotype absolument scandaleux dont le gouvernement nous avait pourtant dit qu’il fallait d’urgence les déconstruire. On me dira que les arbitres victimes de ce genre de chants sont très rarement des femmes et que leur prêter cette pratique depuis très longtemps dans les tribunes quand ils refusent un pénalty évident pour la troisième fois à l’équipe locale est donc forcément leur attribuer une orientation sexuelle gay. Et les hommes qui aiment diversifier leurs pratiques avec leurs épouses, qu’en faites-vous (aucun dessin n’est prévu à l’appui de cet article) ?

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Si nos autorités ministérielles et footballistiques se mettent à assimiler cette vieille insulte, le verbe enculer, qu’il soit utilisé en participe passé ou conjugué au présent, à une pratique sexuelle, dont on vient de prouver qu’elle n’est nullement réservée à une orientation sexuelle, le football ne devrait pas être le seul concerné. Ainsi, le comique troyen Raphaël Mezrahi, pas plus tard que cette semaine a indiqué crûment – en défenseur de la cause animale – qu’il (je cite) « enculait les chasseurs ». Outre qu’on peut lui reconnaître un courage supérieur à s’attaquer ainsi à des gens armés d’un fusil alors que les hommes en noir sont seulement équipés d’un sifflet, je n’ai entendu aucun ministre ni éditorialiste (dont la corporation a largement applaudi l’arrêt des matches pour des chants prétendus homophobes qu’elle n’avait pas entendus) demander l’arrêt des spectacles de l’humoriste.

Si on souhaite continuer sur la même lancée, que penser d’un terme qui signifie rigoureusement la même chose pourtant popularisé par Coluche, « enfoiré », lequel est aujourd’hui souvent utilisé avec bienveillance voire affection ? Madame Belloubet va-t-elle demander que cessent les concerts de la compagnie des « Enfoirés » et mettre ainsi en péril le financement des « Restos du cœur » ? Va-t-on, dans la même logique implacable, sanctionner le doigt d’honneur, dont la signification ne fait aucun doute et invite de la même manière notre interlocuteur à aller se faire… Licenciera-t-on le salarié pour homophobie lorsqu’il quittera excédé une réunion où on l’a mis à l’index en hurlant ces mots « allez tous vous faire foutre ! » ? Fera-t-on enfin pression sur la société Larousse dont les dictionnaires impriment chaque année cette définition d’enculé : « Vulgaire. Terme injurieux pour marquer le mépris que l’on a de quelqu’un. » ?

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Parties comme le sont toutes ces illustres autorités, il ne serait d’ailleurs pas exclu que toutes mes questions trouvent rapidement une réponse positive. Et il n’est pas sûr que l’homophobie supposée demeure longtemps la seule cible. Par exemple, dans les tribunes du Stade-Vélodrome de Marseille, on entend parfois lorsque le club de la capitale vient y rencontrer l’équipe locale : « Parisien, va niquer ta mère, sur la Cane-cane-bière ». Le ministre de la protection de l’enfance ne pourra-t-il pas y voir un chant faisant la promotion de l’inceste ? Et ce chant entendu par mes propres oreilles vendredi dernier au Stade-Bonal lors du derby Sochaux-Nancy, « Et Nancy la salope, oh oh oh oh, oh oh oh oh ! », n’est-il pas foncièrement misogyne, s’interrogera certainement Madame Schiappa, alors qu’il ne s’agit nullement de remettre en cause les mœurs de feu la veuve de Ronald Reagan.

A tous les supporteurs de foot, je conseille désormais d’entonner des chants à base de thèmes de Walt Disney. On verra alors qui se sent le plus ridicule.



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