Il y a indéniablement quelque chose de touchant dans l’obstination du président de la République à continuer à parler des choses du pays et du monde comme s’il avait encore le moindre pouvoir sur elles.
Quand on aime la France comme nous l’aimons, on ne peut que ressentir un sentiment de tristesse lorsqu’on assiste à ces prestations qui nous font penser à ce que serait la performance d’un acteur jouant la grande tirade du Mariage de Figaro alors que le public a déserté le théâtre et que les lumières de la scène sont éteintes depuis longtemps déjà.
Ces derniers jours, un mot a retenu mon attention. Le mot « intention ». Lorsque Zelenky a fait un passage express à Paris, on nous en a fait des tonnes autour d’un marché de quelque cent Rafales, le fleuron de notre industrie aéronautique militaire. En fait, ce qui a été signé ne serait qu’une lettre d’intention. Aimable formulation. L’Ukrainien aurait donc « l’intention » d’acquérir cent Rafales que nous aurions « l’intention » de lui livrer et que, doit-on en conclure, il aurait « l’intention » de nous payer.
Nous voici donc entré de plain-pied dans une forme toute nouvelle de gouvernance, la gouvernance « d’intention ».
On en a eu un autre exemple lors des échanges franco-germaniques à Berlin ce mardi. En est sortie cette formule que M. de La Palice ne démentirait certainement pas : « Quand la France et l’Allemagne s’alignent, l’Europe avance. » Dans quelle direction ? On n’en sait trop rien, si ce n’est que « l’intention » est que ces deux pays s’entendent pour s’engager avec ardeur dans la conquête d’une souveraineté numérique qui permettrait à l’Europe de « ne pas être le vassal » technologique des États Unis et de la Chine. Louable intention, il est vrai.
Dans un registre quelque peu différent, on apprend lors de la même prestation, que le président français aurait « l’intention » de rencontrer prochainement son homologue algérien, histoire peut-être de s’offrir une nouvelle session de mea-culpa et d’autoflagellation post-coloniale, comme précédemment, avec dépôt de gerbe sur la tombe du terroriste FLN nullement inconnu. Là encore, on ne sait pas.
Il est vrai qu’on n’écoute plus vraiment ce qu’il dit, le président. Il est vrai en effet que sa parole – la parole présidentielle – qu’elle soit en anglais, en français, en swahili – ne porte plus guère. Radicalement démonétisée qu’elle est.
Alors oui, nous sommes en droit d’éprouver une forme de tristesse devant ces sursauts verbeux d’une présidence en coma dépassé. Le sentiment que le fantôme de l’Élysée ne fait plus désormais que prêcher dans le désert, que ses Rafales ne sont que mirages, ses espérances d’une quelconque souveraineté qu’une velléité d’estrade, ses intentions de rencontre avec le dictateur algérien une vague péripétie touristique avec danse des sept voiles au programme. Oui, tout cela nous donne l’impression d’assister, impuissants, à la gesticulation pathétique d’un homme qui se complaît à bavasser dans le désert. Un désert dont il n’est plus lui-même également qu’un vague mirage…




