Mélange foutraque de danses traditionnelles, de cirque et de music-hall, délire de formes, de couleurs et de kitsch asiatique, Post-Orientalist Express, au titre aussi divertissant qu’habilement accrocheur, est une explosion de virtuosité physique et d’images faites pour épater.

Sans queue, ni tête, et par là même devenant bientôt d’un mortel ennui, exécuté cependant à une vitesse infernale et avec une technique sidérante par des virtuoses, danseurs et acrobates, Post-Orientalist Express, ouvrage de la dame coréenne Eun-Me Ahn, est un déballage d’images spectaculaires qui font l’effet désiré sur un public peu exigeant sur le plan artistique, mais prompt à l’enthousiasme dès lors qu’on saute en l’air, que l’on tournoie avec frénésie et qu’on galope plus vite encore que son ombre…
L’ensemble tient du Cirque de Pékin, mais en moins tapageur, du music-hall, mais sans vulgarité, et d’un improbable patchwork de danses traditionnelles ayant fleuri dans plusieurs pays d’Asie.
Elle ose tout
Dans une capitale sinistre comme Séoul où parmi les tenues occidentales des fonctionnaires et des employés uniformément ternes et grises, une cravate rougeâtre ou bleu nuit apparaît comme une audace inouïe, sinon comme un signe de dépravation avérée alors que l’anthracite et le plomb sont les teintes de rigueur, les costumes du spectacle sont la grande affaire d’Eun-Me Ahn qui en est aussi l’auteur.
A lire aussi: La boîte du bouquiniste
Elle semble se rattacher à la floraison de couleurs vives et franches des vêtements traditionnels en Corée qui sont, chez les femmes surtout, aussi flatteurs et élégants… que dépourvus de fantaisie. Mais son délire à elle n’a pas de limites. Et même s’il vire parfois au kitsch de baraque foraine, il est d’une inventivité stupéfiante et joyeuse. Dans ce domaine, Madame Ahn ose tout. C’est même à ça qu’on la reconnaît, comme le balance la célèbre réplique de Michel Audiard. C’est cette inventivité folle des costumes qui porte Post-Orientalist Express et occulte bien à propos une « chorégraphie » d’un vide abyssal relevant au mieux de la gymnastique artistique. Pour l’assurer, il faut cependant des danseurs d’une énergie renversante, de petits soldats kamikazes qui n’ont vraiment pas froid aux yeux et qui acceptent d’aller au front avec une vaillance et une virtuosité sans bornes.
Incongru
Sur la scène du Théâtre de la Ville qui a vu se dérouler les œuvres maîtresses de Pina Bausch, de Merce Cunningham, de Lucinda Childs, de Jean-Claude Gallotta ou de Dominique Bagouet, découvrir ce divertissement coloré et racoleur apparaît tout à fait incongru. Mais l’opportunisme d’Eun-Me Anh y a déjà exercé ses ravages avec un Dancing Teen Teen qui mettait en scène des adolescents peroxydés.
Et le public d’aujourd’hui acclame sans se poser plus de question. Comme dans les émissions de variétés télévisées, il adule désormais le divertissement décérébré à l’état pur.
1h 15. De 5 € à 34 €
Informations pratiques et horaires.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !




