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Andrew Norfolk, journaliste de référence

Hommage au grand reporter qui avait révélé le scandale des grooming gangs


Andrew Norfolk, journaliste de référence
Andrew Norfolk © BBC

Andrew Norfolk est mort le 8 mai. Le grand reporter du Times avait révélé le scandale des grooming gangs, ces viols à grande échelle commis par des hommes d’origine pakistanaise dans le nord de l’Angleterre. Un travail d’enquête exemplaire qui aurait dû avoir l’effet d’une bombe


Le 8 mai, Andrew Norfolk, grand reporter du journal de référence britannique The Times, est décédé à l’âge de 60 ans. Il lui revient le mérite d’avoir fait plus que tout autre journaliste pour révéler le scandale des « grooming gangs ». Ces derniers pratiquaient dans différentes villes anglaises le « pédopiégeage de rue en bande », c’est-à-dire qu’ils ciblaient des jeunes filles blanches mineures qu’ils rendaient dépendantes de la drogue et qu’ensuite ils violaient, souvent en réunion, en les torturant physiquement et mentalement. Ces bandes, composées majoritairement d’hommes d’ascendance pakistanaise, ont pu opérer avec impunité pendant des années, parce qu’employés des services sociaux et élus locaux craignaient d’être accusés d’islamophobie, et que la police, par sexisme et mépris de classe, se désintéressait des cas de ces « petites prostituées ». Déjà en 2003, une élue parlementaire de la ville de Bradford a dénoncé des cas d’abus sexuel de jeunes filles, mais l’affaire a été étouffée. L’année suivante, un documentaire sur la question tourné par la chaîne de télévision Channel 4, a été déprogrammé de peur qu’il sape la « cohésion communautaire ».

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Correspondant de son journal pour le nord-est de l’Angleterre, Norfolk a commencé à enquêter en 2010. Son point de départ a été la condamnation de cinq hommes pour l’abus sexuel de filles âgées entre 12 et 16 ans dans la ville de Rotherham. Il y a décelé une tendance plus générale impliquant des hommes issus de l’immigration. En janvier 2011, la une du Times titrait sur cette « conspiration du silence ». Son rédac’ chef lui demande alors de se consacrer à la question à plein temps. Il s’est mis à recueillir les témoignages de nombreuses victimes, expérience naturellement très éprouvante. À partir de 2012, une série de ses reportages détaille toute l’horreur des crimes, suscitant plusieurs commissions d’enquête officielles, notamment sur les gangs de Rotherham, où le nombre de victimes avoisinerait les 1 400. La première réaction du conseil municipal est de demander à la police d’enquêter sur la source de la fuite ! Enfin contraint d’ordonner une vraie enquête, le président du conseil la justifie ainsi : « Le Times ne voulait pas nous laisser en paix. »

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Norfolk n’était pas de droite, mais cela ne l’a pas empêché de recevoir une avalanche de messages de haine, l’accusant d’être islamophobe, ainsi que des menaces de mort. Ses reportages ont changé la donne. Avant, c’était l’omerta générale ; après, presque plus obscène encore, politiques et journalistes progressistes ont tout fait pour nier l’évidence, minimiser les faits, et noyer les statistiques dans des calculs foireux. Mais personne ne pouvait nier la qualité du travail de Norfolk, à qui a été décerné le prix de « Journaliste de l’année » en 2014. Ancien fumeur à la chaîne, il est mort quelques mois seulement après avoir pris sa retraite. Le Premier ministre travailliste, sir Keir Starmer lui a rendu hommage, mais il refuse toujours une grande enquête sur le phénomène des grooming gangs parce que cela ne montrerait pas son parti sous la meilleure lumière. Pour notre part, remercions un confrère qui honore sa profession.

Juin 2025 – #135

Article extrait du Magazine Causeur




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est directeur adjoint de la rédaction de Causeur.

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