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Cinéma: ce que le puritanisme a de bon

Le cinéma français verse trop souvent dans la fausse provocation, et la vraie vulgarité


Cinéma: ce que le puritanisme a de bon
Maïwenn dans "Jeanne du Barry", film actuellement en salles © Le Pacte

Avec son désir sérieux et sincère d’un nouveau puritanisme, notre chroniqueur voudrait battre en brèche cette propension à ériger la nudité inutile comme critère décisif et les scènes d’amour hard pour le comble de l’audace et de la création


Personne n’a de leçons à me donner. J’aime autant la beauté que quiconque, la grâce et l’allure des corps, l’allégresse puissante et douce des rapports intimes, la sensualité des gestes, le ravissement face à des êtres dont on est fier qu’ils appartiennent à la même humanité que la nôtre. Mais je refuse que cet univers splendide et émouvant soit de plus en plus dévoyé, instrumentalisé, exhibé dans des œuvres, des films qui jouent sur une curiosité et une vision malsaines plus que sur les authentiques nécessités de l’art. Ce n’est pas au nom de la morale que je dénonce ces dérives, mais à cause de la bassesse et de la dégradation du talent. Ou de son absence. Il est vrai que ce n’est pas le seul procès que, dans le fond, nous pourrions intenter au cinéma français. Par exemple, des réalisateurs qui se croient, à tort, doués pour l’écriture des scénarios, des histoires tellement plates et quotidiennes qu’elles copient mal le réel, en le banalisant encore davantage. Au lieu d’exalter le spectateur, de le rendre enthousiaste, éperdu de reconnaissance à l’égard de quelques rares cinéastes enchantant son existence avec leur fiction. Ce n’est pas privilégier l’eau de rose, c’est considérer que le génie a cet avantage si particulier de rendre tout splendide, même le laid et le triste.

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Mais, avec mon désir sérieux et sincère d’un nouveau puritanisme, je voudrais surtout battre en brèche cette propension à ériger la nudité inutile comme critère décisif et les scènes d’amour hard ou flou pour le comble de l’audace et de la création. Ces dernières sont la plupart du temps parfaitement pléonastiques et révèlent seulement, derrière l’argumentation prétendument artistique, une volonté de permettre au spectateur de « se rincer l’œil » en lui donnant bonne conscience puisque le plus simple appareil des actrices serait, parait-il, nécessaire au déroulement du récit. J’évoque en l’occurrence la multiplication de ces scènes et de ces séquences – pas forcément aussi longues que dans La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche – où on cherche à nous mettre les points sur les i et la caméra sur les corps alors que la classe serait dans la litote, l’allusif et un dialogue qui au matin nous révélerait la frénésie de la nuit. Mais ce serait sans doute trop élégant. Quelle perversion intellectuelle et artistique d’encombrer notre regard avec tant de scènes exclusivement racoleuses. Quand on n’éprouve pas le besoin, par vérisme, de nous faire assister à ce moment capital de personnages urinant ou déféquant ! En se complaisant, par le culte d’une fausse provocation, mais d’une vraie vulgarité, dans ces séquences qui réduisent trop souvent le rôle des actrices à des exhibitions corporelles, le cinéma montre ses limites et surtout qu’il est incapable, en usant de toute la gamme des mots, des sentiments, des sensations, de montrer ce dont sa salacité si ordinaire nous abreuve. Avec le progressisme ridicule dont certains se prévalent.

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D’ailleurs, pour s’en convaincre, il suffit de lire les interviews d’actrices – par exemple, Virginie Efira ou Lily-Rose Depp – où la question inévitable survient sur leur gêne ou non face à la nudité. Bien sûr, la plupart répondent que cela ne leur pose aucun problème, que montrer leur corps ne les dérange pas et elles ajoutent souvent: quand l’histoire l’impose… Mais comme, à quelques exceptions près, la narration pourrait toujours s’en dispenser, on voit dans quoi on tombe… Heureusement, il y a des résistants et évidemment ce sont les meilleurs, ceux qui honorent notre cinéma. Je songe à Emmanuel Mouret, dont les films où le langage est roi sont emplis d’une pudeur fine et profonde – voir mon billet du 17 septembre 2022 – et à Maïwenn qui a déclaré qu’elle n’aimait pas la nudité dans ses films et qui a réussi, dans le remarquable Jeanne du Barry, le tour de force de nous décrire l’intensité d’une passion amoureuse sans le moindre recours à des appâts ostentatoirement et inutilement découverts. Ce nouveau puritanisme auquel j’aspire n’a rien à voir avec la moraline qui censurait les scènes de sexe au nom de la décence, mais tout avec le talent et l’intelligence qui ont compris que ce qui est deviné est infiniment plus troublant que la nudité surabondamment exposée.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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