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Pacte de Marrakech: non contraignant toi-même!

Théoriquement non contraignant, il pourrait peser dans le droit français


Pacte de Marrakech: non contraignant toi-même!
La chancelière allemande Angela Merkel lors de la conférence des Nations unies sur les migrations de Marrakech, 10 décembre 2018. ©MICHAEL KAPPELER / DPA / DPA PICTURE-ALLIANCE

Le 10 décembre, 150 États dont la France ont signé le pacte de Marrakech sur les migrations. Théoriquement non contraignant, ce document onusien qui fait de la migration un droit de l’homme et pénalise toute critique de l’immigration pourrait peser dans le droit français. Car nos juges constitutionnels et administratifs sont friands d’acrobaties juridiques pour créer des normes en faisant fi de la démocratie.


De très vives polémiques se sont déroulées en Europe à propos d’un texte émanant de l’ONU. Nommé « pacte de Marrakech », parce qu’il devait faire l’objet d’une signature solennelle le 10 décembre dans la ville marocaine, le document n’avait fait l’objet d’aucune communication préalable permettant de vraiment s’en faire une idée. Et comme c’était prévisible, en plein mouvement des « gilets jaunes », cette initiative destinée à présenter les processus migratoires massifs comme souhaitables a provoqué une levée de boucliers. Une partie de la presse et les réseaux s’en sont donné à cœur joie, et les protestations ont fait rage sur les ronds-points.

Une lecture positive des migrations

Six pays de l’UE ont préféré se retirer : l’Autriche, la République tchèque, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne et la Slovaquie. Les accusations habituelles de populisme, de xénophobie, voire pire, ont fusé pour condamner cette abstention et qualifier ceux qui s’opposent à ce texte. Sa lecture fastidieuse est pourtant édifiante au regard des objectifs qu’il affiche. Comme l’affirment ses promoteurs, le document propose une lecture positive des migrations, qui permettraient un enrichissement mutuel des pays et des populations. Et tant pis si ce n’est manifestement pas l’opinion des peuples des pays d’accueil.

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Pour tenter d’éteindre l’incendie, les bien-pensants ont brandi un argument à leurs yeux imparable : celui du caractère juridiquement non contraignant du pacte pour les pays signataires. C’est simplement une plaisanterie.

La migration, un nouveau droit de l’homme

Le pacte de Marrakech est l’aboutissement d’un processus ouvert par la Déclaration de New-York pour les réfugiés et les migrants du 19 décembre 2016, votée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies. En dehors des défaillances précitées, il a bien été approuvé lundi 10 décembre 2018 à Marrakech (Maroc), devant les représentants d’environ 150 pays réunis en conférence intergouvernementale.

Prenant acte des migrations comme conséquence heureuse de la mondialisation, au travers d’une liste de 23 « objectifs pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », il propose finalement de faire du droit à la migration un droit de l’homme, et souhaite enclencher un processus devant déboucher sur la disparition des citoyennetés nationales au profit d’une citoyenneté mondiale. Or, sur l’ensemble de la planète, les peuples se cabrent contre cette évolution dont ils ne veulent pas. Et font de la question migratoire une question politique majeure de la vie démocratique. La France n’y échappe évidemment pas, résultats électoraux et études d’opinion montrant que le peuple français perçoit de plus en plus les vagues migratoires comme une menace.

L’Assemblée nationale peut le rendre contraignant 

L’argument principal avancé par les défenseurs de ce texte consiste donc à expliquer qu’il s’agit d’une pétition de principe sans aucune valeur normative obligatoire. Voyons pourquoi ce n’est pas recevable.

Certes, le pacte n’est pas un traité ou une convention. Il n’a donc pas vocation à entrer directement dans l’ordre juridique national, comme ont pu le faire les traités européens ou la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ce cas, pourquoi vouloir à tout prix signer un vœu pieux ? Eh bien, tout simplement, parce que ce n’est pas le cas. Parmi les 23 objectifs que les signataires s’engagent à mettre en œuvre, les deux tiers pourraient donner lieu très rapidement en France à des évolutions juridiques qui les rendraient obligatoires, en particulier avec l’Assemblée nationale issue des élections de 2017, qui a toutes les caractéristiques d’une chambre d’enregistrement caporalisée. Examinons l’objectif numéro 6 : « Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d’un travail décent. » Doit-il permettre d’instaurer une préférence à l’embauche des migrants, avec des quotas, comme c’est déjà le cas, et à juste titre, pour des travailleurs handicapés ? L’Assemblée nationale actuelle en est tout à fait capable. Dans un pays où il y a 6 millions de chômeurs et 9 millions de pauvres, on imagine l’acceptabilité sociale d’une telle mesure et les troubles qu’elle pourrait entraîner. L’objectif 17 ensuite invite à « éliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues. » C’est clairement un appel à une propagande publique en faveur d’une orientation politique dont les couches populaires ne veulent pas. Et à une répression des positions divergentes. Que des tribunaux zélés ne manqueraient pas d’appliquer.

Les juges donnent du zèle

En effet, même si le phénomène est peu connu, l’ordre juridique national est désormais à la merci d’un pouvoir judiciaire devenu particulièrement actif. Notre pays est doté de pas moins de quatre cours suprêmes. Toutes, outrepassant leur rôle, s’autorisent à imposer des interprétations maximalistes du droit tout en délivrant des cours de morale intempestifs – qui vont généralement à l’encontre de ce qui est souhaité et décidé par le peuple. Nous avons le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d’État, sans oublier la Cour des comptes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nos magistrats n’ont pas froid aux yeux quand il s’agit de tordre le droit et d’oublier qu’ils statuent au nom du peuple français. La haute fonction publique judiciaire n’a plus besoin pour complaire au pouvoir politique de recevoir des ordres. Pour des raisons politiques, idéologiques et sociologiques, elle s’est auto-instituée en source de droit supérieure à celles de la loi. Elle fera de même avec le pacte de Marrakech.

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Prenons, par exemple, l’annulation par le Conseil constitutionnel de la loi réprimant l’aide aux migrants clandestins par les passeurs de la nouvelle traite humaine. L’astuce cette fois-ci a consisté à intégrer au « bloc de constitutionnalité » le terme « fraternité », issu de la devise de la République, et à lui donner une valeur constitutionnelle ! On voit mal le Conseil s’abstenir d’acrobaties du même genre quand il s’agira de faire plaisir aux belles âmes immigrationnistes. Le Conseil d’État, pour sa part, a largement montré, tant dans ses rapports que ses arrêts, son zèle en faveur de l’immigration irrégulière. Quant à la Cour de cassation, elle pourra continuer à étendre à l’infini la répression de la « discrimination », comme elle le fait déjà depuis quelques années grâce à son interprétation de l’article 225-1 du Code pénal.

Le texte du pacte se révélera ainsi une source d’inspiration invoquée à tout propos dans des décisions qui s’inscriront immédiatement dans l’ordre juridique.

Le pacte des fous

Le fonctionnement du dispositif de production normative en France est devenu aujourd’hui le moyen d’imposer un droit qui n’est plus national, et encore moins issu de l’expression souveraine du peuple français. Nous en avons pris l’habitude avec le droit européen. L’utilisation du pacte de Marrakech en sera une nouvelle illustration. Un droit supranational étroitement articulé avec un système économique, celui de la mondialisation néolibérale, va une fois de plus peser sur notre ordre juridique interne. Donc sur notre destin collectif.

Janvier 2019 - Causeur #64

Article extrait du Magazine Causeur




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