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Un RIP pour le bien-être animal?

R.I.P. Démocratie française


Un RIP pour le bien-être animal?
Hugo Clément à la maison Tiérarche, Liart le 02/02/2017. ©J.Witt/SIPA/1702021806

Le RIC (référendum d’initiative citoyenne), emblème des gilets jaunes, est mort et enterré. Sa nouvelle mouture plus contraignante, le RIP (référendum d’initiative populaire), est inaugurée en grande pompe par le journaliste Hugo Clément et des entrepreneurs comme Xavier Niel. Laurence Trochu s’indigne et dit « R.I.P. la démocratie ! »


Après le RIC, le RIP. Au référendum d’initiative citoyenne succède le référendum d’initiative populaire, différence moins anodine qu’il n’y paraît. Si le RIC, non reconnu en droit français à ce stade, permet la saisine relativement facile de l’Assemblée nationale par tout groupe de citoyens un tant soit peu organisé, le RIP est plus contraignant : il faut, pour que les députés puissent se saisir du sujet, l’appui préalable d’1/5 des parlementaires (185) et de 10% des personnes inscrites sur les listes électorales (4,7 millions). Tenté sans succès au cours de la dernière année pour essayer de s’opposer à la privatisation d’Aéroports de Paris, le coronavirus aura finalement été plus efficace pour obtenir, à défaut d’annulation, le report du projet.

Le retour du RIP : Démocratie ou oligarchie ?

Toutes les grandes victoires étant précédées d’échecs cuisants, le RIP revient cette fois-ci sous une autre forme, plus mature, plus solide, et plus … dangereuse. Pour quelle raison? Là où la première fois il s’agissait surtout de la réaction épidermique de groupes para politiques sans organisation efficiente, cette fois-ci, les choses sont beaucoup mieux ficelées.

Outre le fait que ce référendum est inapproprié, malhonnête et malvenu, il pourrait finalement enfoncer un coin définitif dans notre vie démocratique

D’un côté, Hugo Clément, journaliste qui fait profession de l’indignation militante. De l’autre côté, des grands patrons aux fortunes récentes réalisées dans l’univers du numérique et du virtuel ; Xavier Niel (Free, Le Monde), Marc Simoncini (Meetic) et Jacques-Antoine Granjon (Veepee). Il s’agit en somme d’une rencontre de l’intérêt bien compris de part et d’autre : la Vertu marchant au bras de l’Argent-roi. Ou l’inverse. Les uns et les autres savent ce qu’ils peuvent retirer d’une telle alliance : Hugo Clément, la puissance de feu – le projet de référendum est déjà rédigé par les meilleurs avocats de la place, les entrées dans tous les cercles des gens qui comptent sont acquises. Les grands argentiers trouvent de leur côté une manière de faire passer leur rapacité pour de l’altruisme et de la philanthropie. Plus payant en somme que de donner quelques centaines de millions d’euros pour restaurer Notre Dame. Que manquait-il pour que tout soit parfait ? l’appui d’associations. Celui-ci fut acquis assez largement et sans trop de difficultés (Fondation Brigitte Bardot).

Le motif est, quant à lui, incontestable : ce sera le référendum pour le bien-être animal. Brillant. D’ores et déjà, dans l’intitulé, la réponse est évidente : qui peut-être contre, sous-entendu “Peut-on être pour le mal-être, pour la maltraitance animale ?”

La politique du mignon petit poussin ou la castanerisation du droit ramené à l’émotion

Seulement, comme souvent, le diable se niche dans les détails. Le référendum se propose, en six mesures, de régler la question. C’est proprement fascinant – tous les codes les plus efficaces de la communication contemporaine sont repris. D’abord, on s’appuie sur un groupuscule aux méthodes radicales, parfois violentes, mais qui, pour dénoncer de temps à autre d’authentiques scandales, reconnaissons-le, n’en est pas moins une organisation extrémiste : L214. Comment cela fonctionne-t-il : des photos choc, des slogans, de l’émotion. Des choses qui remueraient le cœur du plus fervent dévoreur de BigMac ! Et une fois la foudre affective passée par là, on en profite pour mixer pêle-mêle des demandes d’abolition en tous sens, sans autre cohérence que celle des images d’animaux en souffrance. Il est ainsi question de l’élevage en batterie, des chasses, parmi lesquelles le déterrage et la chasse à courre, des expérimentations animales, et tant d’autres choses. On notera au passage que l’abattage rituel, dont on sait l’atrocité des conditions, n’est visiblement pas un problème.

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Ce référendum est de fait un prémâché idéologique, inspiré par l’antispécisme qui infiltre doucement une conception soi-disant écologique de la société illustrant le principe nietzschéen “Les pensées qui mènent le monde viennent sur des pattes de colombe.” Et sur tous ces sujets, comme bien souvent, les choses sont plus complexes et nuancées que dans la tête d’Hugo Clément. Combien d’éleveurs respectueux de leurs bêtes, combien de chasseurs au service de la biodiversité chaque jour dans tous les territoires, combien de progrès de la médecine grâce aux tests, combien d’amoureux de la nature qui ne la vivent pas comme des « usagers », mais véritablement comme des acteurs du quotidien ?

De l’urgence de ressusciter la politique, la vraie…

Outre le fait que ce référendum est inapproprié, malhonnête et malvenu, il pourrait finalement enfoncer un coin définitif dans notre vie démocratique. À force de dépolitiser tous les sujets, on les laisse à la merci des puissances alliées des médias et de l’argent, des groupes de pression organisés. Et on dépouille par contrecoup les dépositaires légitimes de la souveraineté populaire que sont les élus, réduits à voter en l’état des propositions servies sur un plateau. Plus de travail. Plus de vision. Plus de politique ! Simplement entériner sans débat, paradoxalement, une cause huilée et remarquablement orchestrée médiatiquement, dans un ersatz d’expression de la souveraineté populaire.

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Comment lutter contre cela ? Il faut repolitiser, d’urgence.

Et cela ne peut passer que par la relégitimation des élus via une réforme de nos institutions: oui, il faut réinstituer le septennat et décorréler à nouveau le mandat présidentiel de celui des députés pour que ces derniers ne soient pas les godillots d’un Président en campagne permanente.

Oui, il faut une droite, il faut une gauche.

Oui, il faut des Conservateurs, il faut des Progressistes.

Oui, il faut que les sujets soient débattus, que ces débats soient enflammés et mobilisent largement la population française parce qu’il n’y a pas de sens de l’histoire et que rien ne va de soi.

C’est cela seul qui permettra de tuer dans l’œuf ce RIP, putsch aux atours populistes sans le dire mais qui a bien tout d’un populicide – le dernier clou dans le cercueil d’une démocratie française fragile et malade qu’ils sont nombreux à rêver d’enterrer en faisant croire qu’ils la portent en triomphe.



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Laurence Trochu est Présidente du Mouvement Conservateur et porte-parole de la campagne d’Eric Zemmour.

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