Le président de la République, dans un beau et émouvant discours prononcé pour rendre hommage aux victimes du 13 novembre 2015, a notamment déclaré : « Une douleur insensée, injuste, insupportable, et cette question sans réponse: pourquoi? »
Je sais que la pensée même la plus sincère a besoin parfois de s’orner de l’artifice de la rhétorique. Je connais le talent et l’intelligence de ceux qui préparent les discours d’Emmanuel Macron et je me doute du soin qu’il met pour y apposer sa patte et son style.
Mais tout de même, « cette question sans réponse » me reste en travers de l’esprit.
Alors que par ailleurs il nous alerte sur « un djihadisme qui renaît sous une autre forme ».
Personne ne se pose « cette question », tout simplement parce qu’il n’est personne qui ne connaisse « la réponse ».
Bien avant le cataclysme effroyable du 13 novembre 2015, nous avions déjà eu d’atroces signes de la haine que le terrorisme islamiste vouait à la France, à notre société et à notre civilisation. Le jour du Stade de France, du Bataclan et de tous ces lieux de convivialité et de bonheur frappés et meurtris, nous n’avons pu que déplorer, sans le moindre doute quant au dessein de nos assassins, l’obsession qui les habitait de faire payer le prix fort à un monde où la grâce et la douceur de vivre continuaient d’être préservées, où la détestation d’autrui pour ce qu’il pensait, dessinait ou croyait était encore récusée et rejetée, et où n’existait nulle envie de rejoindre l’étouffement et l’inhumanité islamistes.
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J’entends bien que ces lignes peuvent apparaître comme des banalités, tant les enseignements sans cesse renouvelés de la terreur islamiste — parfois déjouée, toujours redoutée — n’étaient plus un secret pour personne, inscrits qu’ils étaient dans les morts, les corps, les désespoirs, l’héroïsme de nos services de police et l’impossible oubli de ce qui a dévasté des familles, coupé net le fil de l’espérance et dissipé la naïveté de beaucoup. Même si, pour certains responsables politiques davantage inspirés par leur idéologie que par le souci de la vérité nue, il convenait toujours, au nom d’un humanisme prétendu, de baisser la garde et de nous exposer, nous et nos valeurs — valeurs que la volonté de nous les arracher par la terreur rend chaque jour plus précieuses — à de nouveaux massacres.
Alors, oui, monsieur le président, votre « pourquoi » était beau, mais inutile, et la réponse, vous la connaissiez comme nous tous.
Il y a un paradoxe amer : les islamistes, qui cherchent à nous détruire ainsi que la qualité de notre univers et la force de notre démocratie, qui ne visent que l’éradication de notre vivre-ensemble et de notre unité apparemment maintenue malgré leurs assauts criminels, se battent en réalité sans percevoir qu’ils pourraient l’emporter simplement en nous laissant faire…
Cette société qu’ils s’acharnent à effacer, à coups d’attaques au couteau, d’explosions et de massacres, n’est-elle pas déjà en crise, en déclin et en doute ? Nous avons à mener une double bataille, si la lucidité et le courage nous sont donnés ainsi qu’à l’ensemble de nos responsables politiques.
Celle, évidemment, contre le terrorisme islamiste, et des progrès incontestables ont été accomplis sur ce plan.
Mais aussi celle qui devra nous mobiliser pour que la France demeure, dans tous les domaines, le symbole vivant de ce que le Mal cherche à anéantir.




