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Non, Julien Rochedy n’est pas un masculiniste!

Il publie "L’amour et la guerre, répondre aux féministes"


Non, Julien Rochedy n’est pas un masculiniste!
L'essayiste Julien Rochedy Photo D.R.

L’essai de Julien Rochedy, L’amour et la guerre, répondre aux féministes (Hétairie, 2021), se veut un manuel de lutte contre le féminisme.  Malgré le caractère volontiers polémique du titre de l’ouvrage, Rochedy y détricote avec sérieux les fondements mêmes de l’idéologie féministe.


Généalogie de l’auteur

Ancien responsable du Front National de la Jeunesse, Julien Rochedy a quitté ce parti depuis 2014, pour tenter l’aventure du privé. Il a notamment créé et dirigé L’École Major, à la courte histoire, qui vendait des formations pour « refaire des hommes des hommes » … Depuis quelques années maintenant, il se consacre à la vie intellectuelle, que ce soit par des livres, ou avec sa chaîne YouTube, où il produit des formats variés, comme de courtes vidéos d’analyse de l’actualité, et, surtout, de longues conférences magistrales, sur le féminisme ou la philosophie nietzschéenne. Rochedy est souvent présenté comme un viriliste ou un masculiniste et fut, à ce titre, plusieurs fois convié à des débats avec des féministes.

Julien Rochedy démontre que l’organisation de la société « patriarcale » n’est pas un complot, mais le fruit de toute une série de stratégies individuelles de survie et de reproduction, et où les femmes trouvent aussi leur intérêt. Pour illustrer son propos, Rochedy s’amuse alors à propulser Chloé, étudiante féministe à la Sorbonne, au paléolithique!

Ses positions sont cependant moins caricaturales qu’on ne le pense, et la publication de ce nouveau livre visait en partie à synthétiser son avis sur le féminisme et sur le masculinisme, et à renvoyer dos à dos ces deux idéologies post-modernes. Car sa véritable ennemie est la modernité, et c’est à elle qu’il a déclaré la guerre, encore adolescent, armé de sa découverte de la philosophie nietzschéenne. Son véritable maître à penser est bien le philosophe allemand, de son mémoire de master en Relations Internationales jusqu’à son premier livre publié Nietzsche l’actuel, qui donne les clefs de compréhension de sa philosophie pour notre époque.

Nietzsche contre féminisme

Julien Rochedy relie féminisme et philosophie nietzschéenne.

Le premier est l’un des symptômes les plus flagrants du nihilisme ravageur prophétisé par le second. C’était à ce titre qu’il avait créé son think-thank, pour réenseigner à des hommes enfermés dans l’idéologie déconstructrice une vraie virilité qui ne serait pas passée par ce filtre nihiliste. La devise de L’École Major était d’ailleurs une citation de Nietzsche : « Il se forme une classe d’esclaves, veillons à ce qu’il se forme aussi une noblesse ».

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Féminisme pratique contre féminisme idéologique

Dans son essai, Julien Rochedy opère la distinction entre un féminisme qu’il nomme pratique, et un féminisme idéologique. Le premier vise à améliorer sincèrement la situation des femmes, et il s’en déclare même partisan, en tant qu’Européen, puisque ce féminisme n’est pas poussé par une idéologie mortifère. Le second, en revanche, est une réelle utopie post-moderne, engendrée par le nihilisme contemporain et l’individualisme forcené. Il ne vit que par la mort des figures féminines et masculines. Les femmes en sont en réalité victimes, tant ce projet utopique contredit la nature de l’être humain et les fondements d’une société saine. Ce féminisme idéologique repose sur quatre postulats, ou récits, que Julien Rochedy s’emploie à démonter au fur et à mesure de son livre.

Le féminisme est une négation de la nature

Le féminisme nie la nature. S’il veut bien concevoir – et encore – que les corps sont différents, il se refuse à admettre que les psychologies féminine et masculine le sont.

Les tenants de cette idéologie expliquent alors que les différences indéniables constatées ne sont que des produits de la société et de la culture, qui les créent et les entretiennent. Julien Rochedy, armé de la très décriée et très sous-estimée psychologie évolutionniste, démontre l’évidente différence entre les sexes et leur complémentarité. Tout nous pousse à transmettre nos gènes, nous ne sommes que les véhicules temporaires de ces derniers qui traversent les temps, vainqueurs de la mort à chaque génération, et exposés à la disparition à chaque génération. Les relations hommes/femmes sont donc ordonnées par cette réalité, et leurs rapports soumis à cette loi. Nos sociétés évoluées ne sont qu’une goutte d’eau à l’échelle de l’évolution humaine, et il faut reconnaître qu’elles ont peut-être bien changé, mais pas nos natures profondes. À l’heure où l’on cherche à sauver la nature autour de nous, on aurait intérêt aussi à protéger la nature en nous.

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Le patriarcat n’est pas responsable du malheur des femmes

Dans sa narration, le féminisme, comme toute idéologie, a besoin d’un facteur explicatif repoussoir, d’un ennemi. C’est le patriarcat qui joue ce rôle, les femmes étant présentées comme victimes d’un complot des hommes, tout au long de l’histoire, pour les maintenir sous leur domination.

Or, Julien Rochedy démontre que l’organisation de la société « patriarcale » n’est pas un complot, mais le fruit de toute une série de stratégies individuelles de survie et de reproduction, et de modes d’organisation sociale, justifiés par la nature et la nécessité, et où les femmes trouvent aussi leur intérêt. Pour illustrer son propos, Rochedy s’amuse alors à propulser Chloé, étudiante féministe à la Sorbonne, au paléolithique !

L’amour, ennemi des féministes

Le féminisme explique que l’amour et la complémentarité des sexes sont les principaux ennemis des femmes. Cette idéologie est confrontée à un fâcheux problème : les femmes aiment encore les hommes et les désirent. Aussi, elle cherche à complètement saper ce sentiment. Elle le présente comme une invention du patriarcat, visant à enchaîner les femmes, et prône plutôt des relations strictement égalitaires, entre individus carrément indifférenciés.

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Encore une fois, cette vision antinaturelle, selon Julien Rochedy, est vouée à l’échec et est extrêmement destructrice, pour les femmes comme pour les hommes. En niant l’altérité, base même de l’amour, le féminisme va le détruire, lui, l’habillement humain du désir reproductif, et tout ce qu’il entraîne.

En cherchant à établir une société d’individus totalement indifférenciés, le féminisme trahit son projet d’inspiration marxiste, qui vise à faire table rase – de la nature ici – et à faire advenir un homme nouveau.

Le féminisme est l’ennemi des femmes

Le marxisme a utilisé l’ouvrier pour son projet utopique. De la même façon, le féminisme utilise la femme et la rend malheureuse. Il cherche à faire croire que quiconque s’y oppose est l’ennemi des femmes et que tout leur malheur provient de ces anti-féministes. En réalité, c’est l’inverse. Julien Rochedy renoue ici avec sa conception nietzschéenne de la société post-moderne nihiliste. Cette dernière, portée par une pulsion de mort, va chercher à disparaître, en s’affranchissant même de la nécessité de se reproduire. Les postulats sur lesquels reposent le féminisme sont faux, et en réalité, il est engendré par l’évident ressentiment éprouvé par tous les individus, qui, cherchant l’altérité par nature, en sont privés par les conditions de vie de nos sociétés modernes.

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L’exemple, évoqué par Julien Rochedy, d’une journaliste d’un grand quotidien, lui avouant en marge d’une interview, que toutes ses collègues féminines se demandaient, mi-ironiques, mi-désemparées, si elles n’allaient pas se faire lesbiennes, car tous leurs collègues masculins se révélaient être « comme leurs copines, mais en moins bien » serait-il révélateur ? Une société où hommes comme femmes vivent indifféremment la même vie, font les mêmes métiers et partagent les mêmes goûts et loisirs, ne permet plus de rencontrer l’altérité, et tue, de ce fait, l’amour. Les femmes cherchent à rationaliser après coup leur mal-être, selon un ressort psychologique habituel chez l’être humain, et trouvent dans le patriarcat, un parfait bouc-émissaire à leurs malheurs. Julien Rochedy renvoie en miroir des féministes les masculinistes, dont il détaille les nuances (incels, MGTOW…), ces derniers étant portés par exactement le même mal-être et les mêmes ressorts psychologiques, mais accusant cette fois la société féminisée. Pour contrer cette idéologie mortifère et ranimer une société suicidaire, Julien Rochedy promeut une mise à bas de ses fondements intellectuels et y oppose une autre pensée. Pour éviter que les hommes et les femmes, incapables de se comprendre et d’accepter les inévitables tensions de la vie, vivent séparés, il est nécessaire d’appliquer une véritable écologie sexuelle, qui pourrait régénérer notre société nihiliste.

Julien ROCHEDY, L’amour et la guerre, répondre aux féministes, Éditions Hétairie, 2021.




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est historien.

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