Sébastien Lecornu est enfermé dans son bureau.
Cela fait maintenant bientôt quinze jours que Sébastien Lecornu a été nommé à Matignon. Non seulement on attend toujours la composition de son gouvernement, mais on constate également que le nouveau locataire des lieux (« le bail le plus précaire de Paris », disait Michel Rocard !) reste comme cloîtré dans son bureau.
Premiers jours au 57, rue de Varenne
Tout juste après sa nomination, Le Figaro et Paris Match révèlent que Sébastien Lecornu a rendu visite à l’ancien président Nicolas Sarkozy dans ses bureaux du 8ᵉ arrondissement de Paris, lequel lui a assuré son amitié et son soutien. En tant qu’anciens de l’UMP, cela paraissait logique ! Par la suite, le nouveau Premier ministre s’est rendu le samedi 13 septembre au matin dans un centre de santé de Mâcon (71). Il y a déclaré viser, pour 2027, 5 000 maisons conçues sur le modèle « France Services », proposant un guichet unique pour diverses démarches administratives. C’est une excellente initiative, mais manquant encore de moyens.
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Le même jour, dans un entretien accordé à la presse quotidienne régionale, M. Lecornu a annoncé une série de projets de réformes, notamment le renoncement à la suppression de deux jours fériés (mesure aussi impopulaire que symbolique) et la fin du SNU, jugé inutile. Puis, le 15 septembre, il a annoncé la fin des « avantages à vie » pour les anciens membres du gouvernement à partir du 1er janvier 2026. Là encore, on reste dans le registre du symbolique.
Taxe Zucman : tout le monde en parle
Attendu au tournant, mais toujours au calme dans ses bureaux, Sébastien Lecornu avance sur l’idée d’une contribution des plus riches à l’effort budgétaire. Mais, face à la réaction unanimement défavorable des patrons, ce ne sera évidemment pas la fameuse « taxe Zucman ». De leur côté, les syndicats maintiennent la pression avec des grèves qui se multiplient. Les Insoumis, les écologistes, les communistes et les socialistes, à peine sortis du bureau de Lecornu, ont annoncé qu’ils s’associeraient à un nouvel appel à la mobilisation le jeudi 2 octobre.
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L’équation est ténue pour le Premier ministre : cette taxation des « riches » doit se faire, c’est une évidence, mais elle ne doit pas handicaper les investissements ni les embauches, et ne pas concerner les entreprises dont la majorité de la valeur est boursière, comme les start-up telles que Mistral AI. On dit que, dans le secret de son bureau, Lecornu envisagerait également le retour d’un Impôt sur la fortune…
Calendrier serré
Le nouveau Premier ministre est probablement le plus discret depuis 1958. Mais peut-il réussir là où Michel Barnier et François Bayrou ont échoué ? Dans une France profondément marquée par la colère et l’envie de « renverser la table », et dans un paysage politique fragmenté comme jamais, sa mission principale — bâtir un budget pour 2026 capable d’échapper à la censure — semble hors de portée.
La tâche est ardue. Sans majorité à l’Assemblée nationale, sous la menace d’une censure immédiate du Rassemblement national et de La France insoumise (LFI), Sébastien Lecornu doit faire des concessions à la gauche sans perdre la droite, et inversement. Le temps lui est compté : contraint par le calendrier constitutionnel, il doit déposer au plus tard le 13 octobre le projet de loi de finances sur le bureau de l’Assemblée nationale. « En choisissant le vote de confiance, François Bayrou a rendu l’exercice plus périlleux pour son successeur », regrette Manuel Valls.
Pour œuvrer, tel Pompidou en 1968, M. Lecornu multiplie les concertations avec le monde politique et syndical. « Il écoute beaucoup et parle peu », d’après un élu parisien. Il sort peu, voire pas. Il téléphone beaucoup, envoie des e-mails et des SMS. Comme c’est un proche du président, il le consulte également régulièrement. « Il est à la manœuvre », confie un conseiller proche. De mémoire d’analyste, on n’a jamais observé un tel ascétisme dans l’exercice de la fonction. Cette fonction est tout sauf une sinécure : former un gouvernement tout en élaborant un budget, dans un contexte social tendu, est un défi bien plus grand que celui rencontré par ses prédécesseurs immédiats. Mais le Premier ministre est présenté comme opiniâtre et endurant.
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Rappelons que, selon le Larousse :
- Bunker n.m. : Casemate servant de réduit fortifié ou d’abri.
- Bunker n.m. : Obstacle artificiel (creux rempli de sable) d’un parcours de golf.
Le terme bunker, issu de l’anglais, désignait initialement un coffre ou une soute à charbon dans un navire ou un immeuble. Par la suite, il a désigné un abri pouvant être la cible d’obus ou de bombes, et servant à s’en protéger. Londres en avait, Berlin aussi. Matignon semble être devenu un peu cela depuis l’arrivée de son nouveau locataire. À un Bayrou qui parlait et communiquait souvent à tort et à travers, a succédé son exact contraire ! Le souci, c’est qu’un jour ou l’autre, il faut bien sortir du bunker. Un Premier ministre, a fortiori de crise, doit s’exposer. C’est la règle immuable, implacable même, de la Ve. Le général de Gaulle estimait que « le Premier ministre est là pour durer et endurer ». Sébastien Lecornu devra essayer de se contenter de la seconde partie de la phrase !
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