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Un gynécée pour le jihad

“Rabia”, un film de Mareike Engelhardt, sortie mercredi en salles


Un gynécée pour le jihad
© Omar Rammal / Memento

La réalisatrice de “Rabia” Mareike Engelhardt affirme ne pas avoir fait un film sur l’islam ni sur le jihad mais sur l’embrigadement de masse et la frustration d’une jeunesse sans repères.


Jessica (Megan Northam), 19 ans, a la foi du charbonnier : flanquée d’une copine aussi ingénue qu’elle, la fille pas trop fûtée fait son baptême de l’air en vol low cost, sous la protection d’Allah et du Prophète, direction Raqqa, ville centrale d’une Syrie alors tombée pour partie sous le joug de l’EIIL (État Islamique en Irak et au Levant). Comme on pouvait s’y attendre, rien ne se passe comme prévu pour ces idiotes parties pour la charia comme pour une colonie de vacances : privées de smartphone, de bouquins (à part le Coran), réduites à l’état d’esclaves domestiques et sexuels, les voilà séquestrées dans une de ces madafas qui sont au culte mahométan ce que le couvent est au catholicisme – en moins marrant. Car, juste bonne à être engrossée, cette blanche chair fraîche doit essentiellement servir à repeupler la Terre de futurs martyrs, sitôt mariée (de force) au combattant djihadiste qui aura bien voulu convoler – l’affaire de cinq minutes. Baptisée « Madame » (Lubna Azabal, dans le rôle), une ex-juriste fanatisée régente cet aimable gynécée.

Lubna Azabal, sadique au regard de braise

Rabia suit en huis-clos le chemin de croix de Jessica dans ce cloître un peu spécial, depuis le moment où,  dessillée, elle tente en vain de se révolter (punition : fouet, et mitard privé de gamelle), puis de se carapater (sa copine y laisse la vie), jusqu’à celui où l’ancienne victime, ayant fait acte de soumission à « Madame », se change en nervi à sa botte – comme jadis les kapos des camps de la mort. Entre temps, elle aura, de justesse, échappé à un viol, tentative perpétrée par un grand freak blondasse aux yeux d’azur qu’on lui présente comme son futur, et qui, assujettissant son falzar, se rue soudain sur elle après l’avoir charmé de sa voix doucereuse. (Pour camper ce taré l’espace d’une courte séquence, le bel Andranic Manet, ex. rappeur de 27 ans qu’on a pu voir au théâtre incarner…  le jeune Poutine !)

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Bref, Rabia trouvera son dénouement, sans surprise, avec le siège de Raqqua, détruite comme l’on sait à 80% en 2017 sous l’assaut de la coalition des mécréants. Morphinomane passablement secouée des méninges, « Madame » rappelle (de loin) Hitler dans son bunker. Saluons au passage la prestation de l’excellente comédienne belge d’origine hispano-marocaine Lubna Azabal, dans ce rôle de sadique au regard de braise.

Pas un film sur l’islam

Evidemment, le parallèle était tentant. Pourtant, s’il faut en croire Mareike Engelhardt, ex. danseuse contemporaine, ex. assistante de mise en scène auprès de Polanski sur Carnage, ou de Volker Schlöndorff sur Diplomatie, entre autres, et dont feu son grand-père sévit dans la SS, secret bien gardé par les géniteurs de la réalisatrice (laquelle dit en garder le traumatisme) : « ma démarche n’est pas de faire des raccourcis entre le terrorisme islamiste et le nazisme, mais le film rappelle que la faille vient de l’intérieur de nos sociétés et qu’il faut l’affronter collectivement au lieu de la fuir. Ce n’est pas un film sur l’islam ni sur le jihad mais sur l’embrigadement de masse, les mécanismes de déshumanisation, et la frustration d’une jeunesse sans repères ». Dont acte.

Mais alors, nécessairement tourné en Jordanie et en France pour fictionner un régime de terreur historiquement avéré, parfaitement identifié dans sa spécificité irréductible, alors de quoi Rabia est-il le film – sinon celui de l’hydre islamiste ?  


Rabia. Film de Mareike Engelhardt. Avec Megan Northam, Lubna Azabal, Natacha Krief. France, couleur, 2024. Durée: 1h35.

En salles le 27 novembre 2024.




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