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«On marche sur la tête»: le système mis en accusation

Le billet d’Ivan Rioufol


«On marche sur la tête»: le système mis en accusation
Nantes, 25 janvier 2024 © Sebastien SALOM-GOMIS/SIPA

Gabriel Attal, à peine nommé, se retrouve dans l’enfer de Matignon. Le mouvement de colère des agriculteurs, très populaire, et soutenu par l’opinion, fait craindre au pouvoir une fédération de mécontentements, voire le retour des gilets jaunes.


La révolution du réel a imposé son slogan, simple et potentiellement dévastateur : « On marche sur la tête ». Les agriculteurs du Tarn ont été les premiers, en novembre 2023, à retourner les panneaux identifiant les communes, en signe de protestation contre une technocratie tombée en Absurdie. Depuis, ce procédé subtil et non-violent a été repris un peu partout dans la France périphérique et rurale. Or ce réveil contestataire pourrait faire tache d’huile, tant son message touche au cœur d’un système généralisé qui, jusqu’au sein de l’Union européenne convertie à l’écologisme, a perdu le contact avec la vie des gens ordinaires. Le bon sens, décrié par l’intelligentsia parisienne et ses avatars politiques, est en train de s’installer dans le débat public, au vu des désastres commis par la tyrannie des idéologues. Montesquieu avait déjà noté : « J’aime les paysans. Ils ne sont pas assez savants pour penser de travers ». L’histoire qui s’écrit pourrait bien s’appuyer sur leur colère légitime. Elle oblige les dirigeants à de profondes remises en question, qui dépassent les seuls problèmes liés à l’agriculture. Les morts tragiques d’Alexandra Sonac, éleveur de bovins, et de sa fille de 12 ans, Camille, fauchées par un chauffard en Ariège alors qu’elles participaient à un barrage routier près de leur commune de Saint-Félix-de-Tournegat, sont venues rappeler la perte de contrôle par l’État des frontières nationales : les trois occupants de la voiture étaient des Arméniens visés par une obligation, non respectée bien sûr, de quitter le territoire (OQTF).

Alexandra Sonac et sa fille Camille. DR.

Lors de la conférence de presse du 16 janvier d’Emmanuel Macron, la crise agricole, qui allait éclater quelques jours plus tard, n’avait été abordée ni par le président ni par les journalistes. Cette indifférence parisienne illustre l’effacement dans lequel le monde rural a été maintenu, et explique son obligation de hurler pour se faire entendre. A la différence des gilets jaunes, mouvement autonome, les syndicats agricoles sont cette fois partie prenante de la jacquerie. Reste que ce sont des leaders non mandatés qui ont lancé le mouvement en Occitanie, avec notamment Jérôme Bayle dont le père agriculteur, qui s’est suicidé, touchait une retraite de 690 euros et dont la mère, en retraite avec 49 ans d’activités, touche 217 euros.

Gabriel Attal s’adresse aux agriculteurs, au lieu-dit Saint-Martin, à Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), le 26 janvier 2024 © Miguel MEDINA / AFP

Une convergence de révoltes spontanées n’est pas à exclure, si le gouvernement n’arrive pas à éteindre le début d’incendie. L’inflation des normes, ce mal français déjà dénoncé par Montaigne (« Nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble ») attend des réponses concrètes. Le code rural est passé de 755 pages en 1965 à 3068 pages ! Mais c’est surtout la défense de la souveraineté nationale qui, en tous domaines, s’impose comme une priorité. Ce mercredi, sur Europe 1, Jordan Bardella (RN) a réclamé une « exception agro-culturelle » et un « patriotisme économique » dans les commandes publiques. La révolution du réel ne va pas plaire aux « progressistes » qui ont perdu le Nord…



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Journaliste, éditorialiste, essayiste. (ex-Le Figaro, CNews, Causeur)

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