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L’école Potemkine

L’édito politique de Jérôme Leroy


L’école Potemkine
Le président français dans une école de Poissy, pendant la crise du coronavirus, le 5 mai 2020 © Ian Langsdon/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22452925_000015

La communication désastreuse de Macron sur l’école a trouvé son apothéose ce mardi 5 mai



Je ne sais pas encore à quoi ressembleront le déconfinement et les premiers jours qui suivront le 11 mai. Je sais en revanche à quel point Macron, ce président qui prend ses désirs pour la réalité aura tenté jusqu’au bout de se donner l’illusion que tout était parfaitement calé. Comme c’est l’école qui est le domaine le plus sensible, celui où se sont cristallisées de manière légitime toutes les peurs des parents, des enseignants et parfois même des enfants eux-mêmes, il a décidé, le 5 mai, de faire une opération de communication avec Blanquer, l’homme qui pense que le virus est une offense personnelle inventée par les syndicats enseignants pour saboter ses réformes (!), et qui continue à annoncer le matin n’importe quoi, n’importe quand et à n’importe qui, pour être contredit le soir même. Quelqu’un est-il aujourd’hui, par exemple, capable de dire ce qu’il en est de l’épreuve anticipée du bac de Français qui, jusqu’à preuve du contraire, est maintenue au mépris des anxiétés des lycéens de 1ere et de leurs enseignants de Lettres ? À moins que Blanquer, c’est toujours possible, ait décidé de relancer l’économie en favorisant un boom de la consommation de Lexomil…

Macron optimiste et déconnecté, Philippe paniqué et en prise avec le réel

Mais revenons à Macron. Il ne se rend pas compte du rejet qu’il inspire de plus en plus violemment par sa gestion éthérée d’une crise pendant que son Premier ministre épuisé tente d’agir concrètement tout en se faisant maltraiter par son N+1 qui se moque de son catastrophisme. 

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Il décide donc d’aller visiter une école de Poissy qui accueille des enfants de soignants, accompagné du ministre de la Continuité Pédagogique et du Présentiel/Distanciel, comme ils disent. Macron est sans doute encore persuadé que son intervention sur le terrain rassurera la population. La réalité est qu’on en est arrivé à un point où même s’il disait qu’il fait jour à midi, l’opinion serait persuadée qu’il trafique les montres ou qu’il veut nous faire confondre le jour avec la nuit !

Exercice d’autosatisfaction et cancres en devenir

Il s’est livré, à Poissy, à cet exercice qui est déjà en temps normal, complètement artificiel et un peu ridicule : aller voir des enfants dans une école le jour de la rentrée pour dire que tout se passe bien. On nous permettra de l’appeler « la visite à l’école Potemkine » du nom des villages en carton pâte que son ministre faisait visiter à Catherine de Russie pour la convaincre du bonheur dans lequel vivait la paysannerie alors qu’elle crevait de faim.

L’école de Poissy a tenté de jouer ce rôle pour le bon peuple et, qui sait, pour Macron et Blanquer qui ont besoin de se mentir à eux-mêmes pour continuer d’avancer et oublier que leurs décisions se prennent à un moment où une crise sanitaire a fait 26000 morts en un peu plus de deux mois et mis le pays à l’arrêt, à cause de la pénurie d’armes adéquates.

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Ils sont donc arrivés dans la classe avec deux beaux masques noirs made in France qui les faisaient ressembler à des envoyés de Dark Vador. Il ne manquait plus que la célèbre musique et on s’y serait crus. L’ennui, pour commencer, c’est qu’il n’y avait pas quinze élèves dans cette salle mais dix, ce que s’époumonent à demander les enseignants pour le 11 mai. Ensuite, on s’est assez vite aperçu que Macron a bien fait de faire banquier plutôt que professeur des écoles avant d’être Président car question pédagogie, il a été assez peu convaincant puisqu’une capture d’écran de la visite montre un gamin qui s’est levé et qui est en pleine conversation avec son camarade. 

On peut imaginer que celui qui est debout explique à celui qui est assis que le type avec la voix énervante, c’est celui qui avait dit à son frère qu’il suffisait de traverser la rue pour trouver du boulot. Ou qu’il ne fallait pas avoir peur de l’autre, celui qui n’avait plus de cheveux. Il avait beau être le chef de la maîtresse, il y avait belle lurette que plus personne ne l’écoutait…




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