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Musique du confinement Vol. 2


Musique du confinement Vol. 2
Léo Ferré Capture d'écran YouTube

Sébastien Bataille revient égayer vos après-midi de confinés


L’après-midi se poursuivra idéalement avec une compilation des chansons d’amour incandescentes de Léo Ferré. Elle contiendra « Ça t’va », probablement le plus beau chant d’amour en langue française, jusqu’à preuve du contraire. Et ce n’est pas Robert Belleret, biographe du poète anarchiste, auteur de l’ouvrage de référence Léo Ferré – Une Vie d’artiste, qui me contredira : « Une chanson comme un aveu, comme un bouquet de fleurs des champs, comme un baiser volé dans le cou et pour laquelle on donnerait beaucoup des plus grands poèmes d’amour d’Aragon. Avec des vers de cinq pieds qui ont l’air d’en avoir cent tant ils en disent long, et des relances en dix pieds qui battent la mesure de la passion, avec des mots de Prisunic et des images de bazar, Ferré a ciselé un joyau. » 

A l’heure de l’apéro, on savourera les cocktails morriconiens de François de Roubaix, aux vagues à l’âme sortis des limbes de l’enfance. Cet autre samouraï des plages électroniques – avec Christophe -, a disparu prématurément lors d’un accident de plongée, à l’âge de 36 ans. Sa dernière musique résulte d’une commande que lui passa un réalisateur pour le générique d’une série télé en cours de production. Le 16 novembre 1975, François de Roubaix déposa la bande au domicile du cinéaste en question avant de prendre l’avion, destination Tenerife, pour faire des photos sous-marines destinées à son beau livre en préparation, La nuit sous la mer. Une grotte située à vingt-cinq mètres de profondeur, au large de l’île, lui ôtera la vie cinq jours plus tard. Il ne connaîtra donc pas l’incidence de son ultime composition sur l’inconscient collectif : la mélodie en sous-sol lugubre du Commissaire Moulin, avec ses synthés fantomatiques, allait plonger dans l’effroi toute la génération Casimir à partir du 4 août 1976, date de diffusion de la première enquête criminelle du jeune flic incarné par Yves Rénier. La France de Roger Gicquel, qui avait déjà assez peur comme ça, ne se remettra pas de cette pandémie anxiogène de l’ère Giscard, au point de voter ensuite Mitterrand-le-vampire pour tenter de conjurer le sort. 

La corrélation tragique entre l’œuvre et la mort de François de Roubaix s’inscrit tout entière dans l’angélique « Enterrement sous-marin », extrait de son excellente BO en apesanteur du non moins excellent film Les Aventuriers (1967), avec la paire Delon-Ventura dirigée par Robert Enrico : 

Si l’apéro se prolonge avec l’arrivée des beaux jours, les mélomanes portés davantage sur les joies de la glisse que de la plongée apprécieront une compilation des Beach Boys bien huilée. 

Quand sonne le début de la veillée avec le décompte quotidien, macabre, des victimes du coronavirus, optons pour une prise en charge thérapeutique de nos angoisses par deux infirmières de charme capables de nous apaiser au quart de tour. Une cellule de soutien psychologique de choc, à domicile ! Tout d’abord, laissons nos sens se faire chatouiller avec délectation par les hymnes sexy de Blondie, portés par la voix encanaillée et gouleyante de la belle Debbie Harry. La créature féline nous enserre dans ses griffes vocales sauvagement glamour, son innocence dangereuse transmue en feu blond platine le son post-punk dans nos esgourdes consentantes, la maisonnée roucoule intérieurement. 

Poursuivons les libations médicinales avec Niagara et sa vamp Muriel Moreno. Le duo a souvent été touché par la grâce pendant sa courte carrière, du premier single « Tchiki Boum » en 1985 à la séparation définitive survenue en 1993. Aujourd’hui, « L’amour à la plage » paraît bien loin : il n’aura plus jamais ce goût sucré-salé chanté à l’époque par le couple rennais, surtout avec un masque sur le visage cet été. Mais quand Muriel aborde le thème du suicide dans « Soleil d’hiver », c’est le monde merveilleux de Lewis Carroll qui tourne dans sa bouche.

 

Enfin, pour vous endormir, rien de tel que Mozart. L’intégrale vous permettra aisément de tenir jusqu’à la fin de l’année, avec ses petites musiques de nuit immaculées. Surtout pas de Beethoven pendant le confinement, même en sourdine, si vous ne voulez pas finir confinés comme le psychopathe d’Orange mécanique.

Au bout du compte, c’est l’intégrale de notre enfance et adolescence qu’on peut s’amuser à rejouer sur la platine pendant cette période, entre quatre murs et deux coups de chapi-chapo de Macron.

Playlist Vol. 2 : 

Avec le temps (Les chansons d’amour de Léo Ferré) 

L’essentiel de François de Roubaix

The Very Best Of The Beach Boys

Greatest Hits : Sound & Vision de Blondie

Flammes de Niagara

Mozart – L’Intégrale en 170 CD



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est l'auteur de nombreux ouvrages biographiques, dont Jean-Louis Murat : Coups de tête (Ed. Carpentier, 2015). Ancien collaborateur de Rolling Stone, il a contribué à la rédaction du Nouveau Dictionnaire du Rock (Robert Laffont, 2014) et vient de publier Jean-Louis Murat : coups de tête (Carpentier, 2015).

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