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Le couronnement de Charles III passionne-t-il vraiment les Britanniques?

Sa mère avait été couronnée le 2 juin… 1953


Le couronnement de Charles III passionne-t-il vraiment les Britanniques?
Windsor, 4 mai 2023, Royaume-Uni © Geoffrey Swaine/Shutterstock/SIPA

Le couronnement de Charles III, samedi, est-il annonciateur d’une nouvelle ère britannique? Les monarchistes veulent y croire. Mais même si la popularité du roi est en hausse, de nombreux signes ne permettent pas d’être démesurément optimiste quant au devenir du royaume. Analyse de cette cérémonie historique.


Près de huit mois après le décès d’Elizabeth II et après des mois de préparations, Charles III va être couronné ce samedi 6 mai, comme roi du Royaume Uni et des autres royaumes du Commonwealth.

62% des Britanniques ont désormais une image positive du nouveau roi, contre 54% l’année dernière

Le 8 septembre 2022, il est devenu la personne la plus âgée à accéder au trône britannique, après avoir été le Prince de Galles ayant attendu le plus longtemps. Longtemps détesté par une partie de la population, Charles est en train de réussir son pari et de se montrer à la hauteur de sa nouvelle fonction, même s’il sera difficile de succéder à sa mère dans le cœur des Britanniques…

L’inflation n’aide pas

Le couronnement poursuit un rituel codifié. Ainsi, la cérémonie sera présidée ce samedi 6 mai par Justin Welby, l’archevêque de Canterbury, dans l’abbaye de Westminster. Après son entrée dans l’abbaye, le roi va prêter serment, récitant un texte rédigé en 1688 mais qui a connu des variantes selon les monarques. Les attributs royaux seront mis en avant lors de la cérémonie comme la Couronne de Saint Édouard, et même la pierre du destin qui fut acheminée d’Écosse pour l’occasion. De nombreux chefs d’État et têtes couronnées vont bien évidemment faire le déplacement, ainsi que les gouverneurs généraux et Premiers ministres des 14 pays pour lesquels Charles III est le monarque. Le coût total des trois jours de festivité a été revu à la baisse à cause de la situation économique actuelle et pour éviter l’indécence.

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Mais le couronnement de Charles III ne semble pas passionner les Britanniques outre-mesure, ce qui marque une forme de rupture par rapport à sa mère. Le dernier couronnement d’un monarque britannique, en date du 2 juin 1953, donna lieu à une grande célébration dans tous le royaume et à l’étranger ce qui en fait un précédent de taille. De plus, le jubilé de platine de la reine en juin 2022 avait vu beaucoup plus de ventes de bibelots à son effigie. À titre de comparaison, les ventes d’objets estampillés Charles III peinent à décoller, ce qui peut s’expliquer par une popularité plus faible de Charles III par rapport à Elizabeth II et par une forte inflation, supérieure à 10%, dans le Royaume. Ainsi, à la différence de sa mère, le nouveau roi a multiplié les accrocs dans le passé et possède une incarnation moins rassembleuse.

Londres, 13 mars 2023 © Jordan Pettitt/WPA Pool/Shutters/SIPA

La tarte à la crème de la « diversité » s’invite aux festivités

Charles III a décidé un mélange entre tradition et modernité lors des cérémonies, pour marquer sa différence mais surtout pour montrer qu’il est capable de s’inscrire dans une longue histoire. Ainsi cette cérémonie reprendra tous les codes royaux, mais le monarque a choisi d’incorporer de nouveaux éléments pour se montrer moderne. Ainsi à la musique traditionnelle se joindront des morceaux plus contemporains, et les représentants d’autres religions vont jouer un rôle lors de la cérémonie en saluant le roi. Des textes en gaélique ou gallois seront aussi lus pour la première fois pour illustrer la diversité du Royaume. Mais c’est le remplacement du traditionnel « Hommage des Pairs », quand des membres de la noblesse prêtaient serment au roi, par un serment d’allégeance que doit prêter le peuple qui a fait grand bruit car jugé désuet et insultant.

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Charles III est également un roi davantage politique et s’autorise certaines prises de position, ce que sa mère s’était toujours refusé à faire de son vivant. Ainsi il n’est pas rare d’entendre le souverain parler de sauvegarde de l’environnement ou même de géopolitique. Lors de sa récente visite d’Etat en Allemagne, il s’est prononcé devant le Bundestag pour un soutien à l’Ukraine, mais il a aussi abordé la question de la décarbonation de nos économies. Marquée par les prises de positions de son oncle Édouard VIII et surtout par sa proximité avec Adolf Hitler, la reine Elizabeth II eut toujours à cœur de ne pas se mêler de politique, si bien que nous savons peu de choses sur sa relation avec les différents Premiers ministres. Charles quant à lui confirme sa réputation d’animal politique, ce qui l’a par exemple amené à ouvrir la Conférence de Paris sur le Climat en 2015 ou à parler lors du G20 de Rome en 2021. Cette présence détonne et plaît aux Britanniques, qui apprécient ce changement de style de la monarchie sans que cela ne créé de vagues.

Des défis, mais une situation loin de la catastrophe annoncée

Le début de règne de Charles III se marque par une hausse de sa popularité et de la monarchie. En effet, selon un sondage Yougov, 62% des Britanniques ont désormais une image positive du nouveau roi, contre 54% l’année dernière. Le même sondage montre que 60% des sujets de sa majesté sont en faveur de la monarchie alors que seulement 26% d’entre eux veulent que le roi soit remplacé par un chef d’État élu démocratiquement. Ces chiffres contrastent avec la situation lors du décès d’Elizabeth II, avec un Prince Charles très peu populaire et ayant une image écornée. Alors que de nombreux commentateurs estimaient la monarchie britannique en danger à son accession au trône, leurs prévisions s’infirment avec le début de règne du nouveau souverain. Ainsi, même s’il faut rester prudent, il semblerait que Charles III ait pris toute la mesure de son nouveau rôle en ne commettant pas d’impair majeur.

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La place du Royaume-Uni était incertaine à l’automne dernier, avec des crises économiques et politiques d’envergure qui fragilisaient le pays. Le court mandat de Liz Truss, quelques jours avant le décès d’Elizabeth, a conduit les Britanniques vers une crise économique d’envergure. Son successeur Rishi Sunak parvient à stabiliser une situation économique qui reste fragile malgré tout. Par contre, il arrive à rétablir peu à peu l’influence du Royaume Uni dans le monde, avec des relations normalisées avec l’Union Européenne. Tout cela fait penser que le règne de Charles III ne démarre pas sur des si mauvaises bases que cela, même si le plus dur pourrait encore être devant lui… Alors que certains prédisaient les plus grandes catastrophes avec l’arrivée de Charles III sur le trône britannique, le nouveau souverain semble réussir ses débuts. La monarchie ne semble pas remise en cause et le pays est parvenu à surmonter la catastrophe provoquée par Liz Truss. Vraisemblablement, Charles III ne parviendra pas à surpasser sa mère, mais reconnaissons que ce n’est pas pour autant qu’il ne peut être un bon roi pour les Britanniques.




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Pierre Clairé est spécialiste des questions européennes, diplômé du Collège d’Europe et Directeur adjoint des Études du Millénaire, think-tank gaulliste spécialisé en politiques publiques.

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