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Montal, le cœur battant

"Leur chamade" de Jean-Pierre Montal (Séguier, 2023)


Montal, le cœur battant
image d'illustration Unsplash

Jean-Pierre Montal, dans La Chamade, se révèle un excellent romancier antimoderne.


Mon confrère Thomas Morales a récemment fait l’éloge en ces colonnes de l’écrivain Jean-Pierre Montal, dont le dernier roman, Leur Chamade, paru aux éditions Seguier, est sélectionné pour le prix Renaudot. Comme à une course de relais, il me laisse le soin de chroniquer ce roman très réussi. Le titre fait bien évidemment référence au roman La Chamade de Françoise Sagan, adapté au cinéma en 1968 par Alain Cavalier, avec Catherine Deneuve et Michel Piccoli. Olivia de Lamberterie, du Masque et la Plume, a qualifié le roman de « saganien et moderne. » Voilà qui ne fait pas beaucoup avancer le schmilblick… D’autant plus que je qualifierais plutôt Montal d’antimoderne, selon la définition d’Antoine Compagnon: « Qui sont les antimodernes ? Non pas les conservateurs, les académiques, les frileux, les pompiers, les réactionnaires, mais les modernes à contre courant, malgré eux, ceux qui avancent en regardant dans le rétroviseur ». Cela commence par un enterrement, celui de la mère d’Edwige Sallandres, une architecte de 50 ans. Il va tirer le fil d’Ariane du récit, et en ouvrir également la boîte de Pandore… Jacqueline, la mère, a participé jadis au tournage de La Chamade, où on lui fit cadeau d’une robe Saint Laurent, qu’elle conserva toute sa vie. Comme un trophée et une preuve qu’elle fut, un court instant, au milieu d’un monde déjà en train de se déliter… Elle emporte ce monde et ses secrets, avec elle, dans la tombe. Car, même si cette robe en soie au bleu si particulier « ni ciel, ni marine, ni roi, plutôt comme une toile de jean », avait été conçue pour faire partie du tourbillon de la vie, Edwige décide que son rôle est maintenant d’accompagner sa mère dans la mort.


Haute couture et architecture

Des grands couturiers aux architectes, il n’y a qu’un pas. Et Montal est un fondu d’architecture – que dis-je – un obsessionnel de l’architecture. C’est d’ailleurs en réalité le sujet principal de son roman. Il m’a confié son admiration pour Parent et Pouillon, qui, selon lui, sont eux-mêmes des personnages de roman. Il les a donc incarnés à travers ses personnages. Le roman nous présente ainsi Daniel Giesbach, un architecte tendu, passionné, représentant de cette époque où les architectes avaient encore des rêves, établissaient des théories quelquefois fantaisistes, étaient des artistes en somme, parfois des escrocs, mais pas des fonctionnaires de l’appel d’offres.

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Poupée gigogne

Va se jouer une histoire d’amour entre Edwige Sallandres et ce Giesbach. En devenant elle-même architecte, et en prenant comme amant un bâtisseur idéaliste, Edwige Sallandres venge en quelque sorte son père, qui toute sa vie a rêvé d’architecture et n’est resté que simple entrepreneur en mobilier de bureau. Un personnage à la Sautet, un peu loser, déjà paumé dans son époque, mais rassurant, un type solide à la Montand dans Vincent, François Paul et les autres, le côté beau parleur en moins. Amour de l’architecture oblige, Jean-Pierre Montal m’a également confié avoir beaucoup travaillé sur la structure de son texte, et c’est ici que nous pouvons alors effectivement évoquer la modernité du roman. Le récit n’est pas linéaire, les allers retours entre le passé et le présent sont incessants, mais impeccablement liés entre eux. Edwige, née en 1969, une année après la sortie de La Chamade, tient le fil d’Ariane, et nous emporte dans un labyrinthe bien ficelé sans jamais perdre le lecteur. La structure de ce roman me fait également penser à une poupée gigogne, où s’empilent la fin des années 60, les robes Saint Laurent et le charme de Sagan déjà en train de se ternir. C’est d’ailleurs ce qu’affirme le petit jeune homme politisé du roman : « Un monde révolutionnaire n’aura pas besoin de Françoise Sagan » ! Cependant, Montal n’est pas Monsieur Nostalgie non plus (petit clin d’œil à Thomas Morales cité plus haut). Il dresse un constat objectif de ces années, un peu amer peut-être, désabusé bien sûr, mais évite l’écueil du « c’était mieux avant ». Grâce à son style nerveux, précis, clair comme de l’eau de roche, avec un je ne sais quoi très français, voire balzacien dans la description et la caractérisation des personnages, et une narration parfaitement huilée.

Leur chamade de Jean-Pierre Montal (Séguier), 256 p.

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est enseignante.

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