Accueil Édition Abonné Jean-Philippe Tanguy (RN) se fait chiper sa place par un «islamo-gauchiste»

Jean-Philippe Tanguy (RN) se fait chiper sa place par un «islamo-gauchiste»

La présidence de la commission des Finances qui lui revenait finalement décrochée par Éric Coquerel!


Jean-Philippe Tanguy (RN) se fait chiper sa place par un «islamo-gauchiste»
Le député RN Jean-Philippe Tanguy © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Le très contesté Éric Coquerel (LFI) a été élu hier à la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, place qui devait revenir au Rassemblement national. Ancien trotskiste, élu d’un département miné par le communautarisme, la Seine-Saint-Denis, Monsieur Coquerel avait entraîné Jean-Luc Mélenchon à la marche contre «l’islamophobie» de novembre 2019. Récit de cette élection surprise.


Qui nous aurait dit que l’élection du président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale aurait un jour passionné le pays et coupé la France en deux ? C’est peut-être l’un des premiers effets de cette chambre introuvable élue le 19 juin, et un aperçu des cinq années infernales de combinazioni qui nous attendent !

Inquiétudes à gauche

En effet, le président de la commission des Finances est traditionnellement élu en début de législature. Depuis 2007, à l’initiative de Nicolas Sarkozy, la coutume veut que ce poste stratégique revienne à un député de l’opposition. Avec la nouvelle composition très éclatée de l’Assemblée, le problème c’est que l’opposition est fragmentée entre le Rassemblement national, les Républicains, les quatre tendances à l’intérieur de la Nupes et le groupe « Libertés, indépendants, outre-mer et territoires », fourre-tout réunissant centristes de gauche, de droite, radicaux et nationalistes corses. Avec ses 89 députés élus, le Rassemblement national constitue toutefois le plus important groupe d’opposition, devant les 75 députés de la France insoumise, et il n’aurait pas été totalement scandaleux que ladite présidence lui revienne. Le candidat RN au poste, le député de la Somme Jean-Philippe Tanguy, qui a fait ses gammes dans le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, n’a pas vraiment l’air d’un nervi issu de l’ancienne Troisième Voie de Serge Ayoub.

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Des négociations semblaient d’ailleurs s’établir quelques jours avant le scrutin entre LR et le RN, indiquait mardi l’Obs, afin de favoriser l’élection de Jean-Philippe Tanguy, en échange de quoi le Rassemblement national s’apprêtait à laisser l’un des trois postes de questeur à Éric Ciotti. Ce dernier admettait ainsi que « la position […] selon laquelle la présidence de la commission des Finances devrait revenir au premier groupe d’opposition me paraît d’un point de vue institutionnel, pertinente ». Point-de-vue qui semblait contrarier l’Obs : « Les institutions auront bon dos. La réalité : la droite prévoit de faire alliance avec l’extrême droite à l’Assemblée, contre la gauche. Ou comment acter que le front républicain a définitivement été relégué au fin fond des livres d’histoire ».

Le cordon sanitaire est toujours là

L’hypothèse d’une alliance de circonstance entre Les Républicains et le Rassemblement national derrière Charles de Courson, issu du fameux groupe « Libertés, indépendants, outre-mer et territoires » et ancien conseiller au cabinet du ministre d’Alain Madelin, pour barrer la route à Coquerel, a également circulé en fin de matinée, hier.

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Heureusement pour le salut de la République, au prix d’un troisième tour, c’est finalement Eric Coquerel, candidat de la France insoumise, qui a remporté l’élection. Avec une majorité fixée à 21 voix, le candidat LFI comptait 20 voix ; le candidat RN en comptait 11 ; la candidate LR, Véronique Louwagie 8 et Charles de Courson 2. Grâce à des tractations de couloir et un coup de fil opportun de Jean-Luc Mélenchon à Charles de Courson, le candidat Coquerel a finalement obtenu au troisième tour sa dernière voix manquante, après désistement de Courson, tandis que les députés LR maintenaient leur candidate et refusaient leurs voix à Tanguy… Le cordon sanitaire a tenu le coup, contrairement à ce que craignait l’Obs. Tout en finesse, le député européen EELV David Cormand pouvait twitter au sujet de Courson : « Fils de résistant, petit-fils de l’un des députés ayant refusé de voter les pleins pouvoirs à Pétain. Que « le nouveau monde » politiquement décérébré et le ramassis de collabos que sont devenu les LR, pourtant censé être issus du gaullisme, en prennent de la graine. Mais bon… »

À gauche, le député LFI Eric Coquerel.

Évidemment, on a le droit de trouver le profil d’Eric Coquerel beaucoup plus rassurant que celui de Jean-Philippe Tanguy. Ancien trotskyste, soutien du terroriste Georges Ibrahim Abdallah, instigateur de la Marche contre l’islamophobie en 2019, Coquerel a grandement contribué au virage islamo-gauchiste de la France Insoumise ces dernières années, rappelait Elisabeth Lévy hier soir chez Pascal Praud sur Cnews. Élu président de la commission grâce à ce petit coup de pouce venu du groupe centriste, Eric Coquerel aura le pouvoir de réclamer des déclarations fiscales d’entreprises ou de particuliers afin « de nourrir des enquêtes budgétaires ». Prise de guerre non négligeable pour un anticapitaliste revendiqué, membre de la LCR jusqu’en 1998 !

La droite vivement critiquée

Quant à la droite dite républicaine, inquiète de l’effet renvoyé à ses propres troupes par le résultat du scrutin, elle s’est sentie bien obligée de faire des rappels arithmétiques. Bruno Retailleau recomptait ainsi les voix hier après-midi : « Stop à l’enfumage ! Avec huit voix, contre 11 au RN et 21 à la Nupes, LR ne pouvait pas empêcher l’élection d’Eric Coquerel à la présidence de la commission des Finances. Une addition suffit à le comprendre. Merci aux commentateurs d’arrêter de faire semblant de confondre arithmétique et politique ». Il n’empêche, LR aurait pu s’opposer moins mollement à l’élection de Coquerel, par exemple en désistant sa candidate.

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Avec cette alliance de fait entre centre, droite et extrême-gauche, entre anciens trotskystes et anciens conseillers d’Alain Madelin, on se demande si le Rassemblement national n’a pas réveillé contre lui le bon vieux mouvement trotsko-balladurisme ! En 1995, Le Monde, alors tenu par l’ancien militant de la LCR Edwy Plenel, ne cachait pas sa sympathie pour le candidat Balladur. On avait parlé alors de « trotsko-balladurisme ». Le terme était ensuite vite devenu une insulte, notamment dans la mouvance de Jean-Pierre Chevènement, pour brocarder « l’anarcho-libéral [1] » Daniel Cohn-Bendit, à la fin des années 1990. Dans un article de 2017 sur le site Slate, le politologue Gaël Brustier qualifiait le « trotsko-balladurisme » de « concept oublié mais préfigurant probablement notre actualité politique » et permettant de désigner grosso modo les « euro-fédéralistes » et les « libéraux-libertaires ».

Avec l’élection de Coquerel à la présidence de la commission, on a peut-être assisté au retour de ce concept.


[1] https://www.letelegramme.fr/ar/viewarticle1024.php?aaaammjj=19981130&article=4764237&type=ar




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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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