Il paraît que le jambon nuit gravement à la santé. Au nom de la chasse aux nitrites, l’hygiénisme a trouvé une nouvelle cible : la charcuterie.
Vous êtes fatigué de cette société où l’on ne peut plus rien dire, où l’on ne peut plus conduire, ne plus faire la cour, ne plus manger de viande rouge et évidemment, ne plus fumer? Vous êtes fatigué des injonctions à faire du sport et à manger cinq fruits et légumes par jour? Vous pensez encore pouvoir vous réfugier dans ce petit plaisir si bien de chez nous qu’est la charcuterie? Profitez en avant les bonnes résolutions de 2020, car désormais, vous pourriez risquer de déchanter.
Méfions-nous du cochon trop rose
Le Journal du Dimanche nous a mis en garde un peu avant Noël et ses saucisses apéro: une consommation de 50 grammes de charcuterie par jour augmenterait de 16% le risque d’être atteint par un cancer colorectal. Dans les pages de l’hebdomadaire dominical, Denis Corpet, ancien directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) nous prévient: « il y a une certitude : le fait de manger de la charcuterie est cancérogène ». Et il ajoute un paragraphe plus loin: « en matière de risque, manger une petite tranche de jambon, c’est comme avaler un gros steak ! »
Vous qui n’avez jamais fumé, vous qui ne buvez guère ou si peu mais qui êtes porté sur la cochonnaille, pas de raison de paniquer trop vite: le suspect numéro un, c’est les nitrites. « On a mis en évidence le fait qu’en donnant du jambon avec nitrites à un groupe de rats, et le même jambon sans nitrite à un autre groupe, les premiers développaient un cancer et pas les seconds ! », confie le chercheur. Début 2020, la Ligue contre le cancer prévoit d’organiser une réunion mêlant scientifiques et fabricants de charcuterie. Gare au jambon trop rosé!
Les pauvres trinquent
E249, E250, E251 ou E252. Qui n’a jamais vu ces savoureux codes de nitrites de potassium sur les emballages en cellophane? La prudence étant la mère de toutes les vertus, mieux vaudrait dire adieu aux Knacki et aux tranches de jambon « premier prix » nappées de sels chimiques. Pour les inconditionnels du porc industriel, mieux vaudrait se cantonner aux gammes « sans nitrites ». Pour les autres amateurs de cochonnailles, mieux vaudrait aller à la charcuterie du quartier. Et la prochaine fois, s’y risquer à s’assurer que votre jambon de Bayonne favori ne contient quelque additif chimique…
À moyen terme, Denis Corpet aimerait l’interdiction des nitrites dans nos assiettes. « C’est un enjeu majeur de santé publique », argue-t-il. En effet, si l’authentique jambon grisonnant semble être beaucoup moins nocif que son cousin rosé de supermarché, tout le monde ne peut se permettre le luxe de déguster des cuisses de cochons ayant gambadé dans nos campagnes. À défaut d’une abstinence totale de charcuterie, à laquelle s’est désormais converti le chercheur, restent les aliments pour contre-attaquer les brutalités des fameux nitrites sur notre corps: le yaourt et la vitamine E. Lors de votre prochain repas, pensez à en proposer entre deux tranches de cochonnailles: vous reprendrez bien du yaourt à la grecque? Pour les autres, reste la contemplation du « Jambon » d’Édouard Manet, œuvre d’une époque où l’industrie de la charcuterie n’en était qu’à ses prémices.
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