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Georges Coulonges, témoin de son temps

Lectures et relectures d’été


Georges Coulonges, témoin de son temps
L'actrice Véronique Jannot dans "Pause Café" D.R.

Pause-Café n’est pas seulement une série télévisée culte mais aussi un roman qui témoigne avec une lucidité prophétique de la crise à venir.


Soyons honnête, ce livre de poche que nous avons acheté dans un lot de cinq lors d’un vide-grenier à Beaulieu-sur-Dordogne, en octobre dernier, c’était surtout de l’ordre du fétichisme. Véronique Jannot était, rieuse, en couverture pour illustrer le roman de Georges Coulonges, Pause-Café, qui a donné une série du même nom mettant en scène une toute jeune assistance sociale dans un lycée de banlieue.

Sens de la formule

La série était optimiste, joyeuse malgré des drames où il était déjà question de la drogue ou de la misère extrême. Les adolescents de ce temps-là nous ressemblaient. Et puis Véronique Jannot a toujours dégagé pour nous un fort potentiel érotique, avec son physique archétypal de Française née pendant les Trente Glorieuses, et cela qu’elle chante avec Laurent Voulzy une chanson très deleuzienne, « Mon premier, c’est désir… » ou qu’elle fasse la publicité pour un jambon sous cellophane.

Bref, nous aimions Véronique Jannot et il n’est pas impossible que nous l’aimions encore.

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Alors, on feuillette le roman, amusé, et puis c’est la bonne, la très bonne surprise: ce n’était pas un bras cassé, Georges Coulonges : il écrit dans un mélange de rapidité amusée, de sens de la formule, de lucidité sans méchanceté, et le succès de la série qu’il a adaptée de son roman et qui a marqué toute une génération ne devrait pas faire oublier ce Pause-Café roman qui a finalement bien mieux vieilli, privilège de la bonne littérature sur la bonne série.

Véronique Jannot et Alain Courivaud dans « Pause Café » © MEUROU/SIPA

Je ne suis pas certain qu’on trouve sous les pas d’un cheval, aujourd’hui, une telle précision sociologique qui ne vire pas en même temps au pessimisme noir de Houellebecq et à l’ennuyeuse cohorte hargneuse et geignarde de ces romanciers épigones néoréacs qui n’aiment plus rien ni personne, suintent le mépris de classe sur quatre cent pages mais n’oublient pas, ces libertariens, de se faire rembourser leurs aigreurs d’estomac par la Sécu.

2 CV à fleurs

Peut-être aussi est-ce parce que Coulonges écrit ce roman (1979-1980) dans une époque qui a déjà perdu les illusions lyriques de 68 mais n’est pas encore tout à fait entrée dans le dur de la crise économique et du chômage de masse. L’assistante sociale Joëlle Mazard, fille de la classe ouvrière, est à peine plus âgée que les lycéens dont elle a la charge, un lycée de la banlieue parisienne, sans plus de précision, avec une mixité sociale qu’on a perdue en route grâce au capitalisme qui a entassé les immigrés aux mêmes endroits, ajoutant la misère à la misère et nous préparant le Disneyland préfasciste qu’est devenue la France des années 2020.

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Ceux qui ont été au lycée à cette époque-là retrouveront un argot d’époque (le « protal »), les filles avec des écharpes mauves qui allaient au concert de Peter Gabriel et la 2CV à fleurs de la prof de dessin.

Mais ne nous y trompons pas : ce n’est pas seulement un plaisir nostalgique (si un peu quand même mais pas que) que l’on prend à la lecture de Pause-Café, c’est aussi la découverte d’un écrivain qui m’a l’air bien sympathique puisqu’il a publié chez les très communistes EFR une anthologie des chants de la Commune et qui est un merveilleux témoin de son temps, c’est-à-dire des contradictions et des espérances de la jeunesse qui va avec.

Pause-Café de Georges Coulonges (Livre de Poche)

GEORGES COULONGES//PAUSE - CAFE//ROMAN//FAYARD//N°5631//1982

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