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Dewaere: l’ange à la fossette

Enguerrand Guépy publie "Un fauve" (Éditions du Rocher, 2022), une biographie très personnelle de l'acteur Patrick Dewaere


Dewaere: l’ange à la fossette
Patrick Dewaere © FIZET/SIPA

Il y a quarante ans, Patrick Dewaere se suicidait. On réédite une biographie d’Enguerrand Guépy pour l’occasion.


Les livres ont parfois une seconde chance. Voici la réédition d’Un Fauve, biographie très personnelle de Patrick Dewaere, à l’occasion des 40 ans de sa mort. L’acteur, écorché vif, violent, instable, meurtri par plusieurs blessures d’enfance qui vous privent d’équilibre pour le reste de vos jours, s’est suicidé le 16 juillet 1982, dans la capitale, une fin d’après-midi parisienne qui ressemble à un dimanche, dans une maison au fond d’une impasse pavée.

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Il a pris la carabine 22 Long Rifle offerte par Coluche, a placé le canon dans sa bouche, et a tiré. Il avait trente-cinq ans.

Acteur imprévisible

Enguerrand Guépy raconte la dernière journée de celui qu’il nomme « le fauve ». Tout semble aller pour le mieux pour l’acteur imprévisible dont la profession se méfie comme du diable. Il ne se drogue plus, même si la tentation revient d’appeler son dealer. Il ne boit plus que de l’eau pétillante. Son corps est musclé, le regard vif, moins triste, et sa moustache anachronique n’existe plus. Il boxe, vite et fort. Un nouveau rôle vient de lui être proposé par Claude Lelouch. Il sera Marcel Cerdan dans le film « Édith et Marcel ». Évelyne Bouix interprétera Édith Piaf.

Coups de gueule et coups de poing

L’auteur revient sur les grands moments de la carrière de Dewaere, et explore ses nombreuses zones d’ombres. Il faut parfois faire un effort pour mettre un nom sur une personnalité ou un film que le temps a oblitéré. Il lui arrive de parler à la place de Dewaere. Ses propos s’enflamment alors. On retrouve les coups de gueule et coups de poing de celui qui devint célèbre avec « Les Valseuses, » partageant l’affiche avec Depardieu, qu’il appelait de manière peu affectueuse « le gros », et Miou-Miou, sa compagne de l’époque. À la fin de son récit, Guépy ose cette confession: après avoir entendu l’annonce de la mort de l’acteur tourmenté dans l’Opel Kadett de son oncle, il comprend que Dewaere vient de lui donner rendez-vous. Il est des signes du destin qu’on ne peut balayer d’un revers de la main.

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Malgré le rôle en or, la forme physique retrouvée, Dewaere ne parvient pas à se libérer des fantômes qui le hantent. Il continue de douter, de penser qu’il n’est pas à la hauteur, que c’est un tocard. Peut-être a-t-il pris trop au sérieux Bertrand Blier quand l’iconoclaste metteur en scène lui a dit qu’il était le seul à pouvoir rivaliser avec « le gros ». Guépy écrit : « Il était donc devenu la star qui pouvait soutenir la comparaison avec ‘’le gros’’ et il s’était mis à avoir des comportements de star. » C’est vrai que la rivalité objective avec Depardieu a tourné à l’avantage de ce dernier. C’est comme le duel entre Maurice Ronet et Alain Delon. Le Samouraï a eu raison de l’extrême sensibilité du Feu follet. Sur le tournage des « Valseuses », le duo était ingérable, et Depardieu n’a pas ménagé l’homme à la gueule d’ange angoissé. Le scénario permettait de lui mettre la main aux fesses, et même pire, Depardieu, sans limite, ne s’en est pas privé. Ça laisse des traces d’être ainsi humilié dès le début. Il y avait aussi le manque d’assurance de Dewaere, le doute mauvais.

Un soir, sur le tournage des « Valseuses », Patrick est entré dans la chambre de Gérard, en faisant sauter le verrou, parce qu’il croyait que Miou-Miou était dans son lit. Aujourd’hui, Depardieu, monstre sacré du cinéma, continue de tourner et Dewaere est devenu un acteur culte. Comme l’écrit Guépy, « régulièrement on rend hommage au fauve, mais sans trop bien savoir comment on doit s’y prendre. » C’est que le suicide, ça dérange quand même un peu les hygiénistes en vogue. Avec les goujats qui vous pourrissent la vie, en fait, il faut se conduire comme un voyou. Un vrai voyou.

Enguerrand Guépy, Un fauve, Éditions du Rocher.

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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