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Crépol: il faut nommer!

Chaïd A., le principal suspect dans la mort de Thomas, déjà connu et condamné par la justice, réfute être l’auteur des coups mortels


Crépol: il faut nommer!
Valence (26). DR.

La longue controverse sur les prénoms d’origine maghrébine de délinquants est relancée par les évènements de Crépol. Le parquet de Valence a tort: notre pays est assez mûr pour qu’on ne filtre pas les messages qu’adressent la délinquance et la criminalité à la France.


Le parquet de Valence a décidé de ne pas rendre publique l’identité des personnes soupçonnées pour les dramatiques et criminelles péripéties de Crépol : il a eu tort à mon sens, étant entendu que pour les mineurs il n’aurait pu d’ailleurs communiquer leur nom. Ils étaient trois âgés de plus de 16 ans dans le groupe des neuf personnes concernées et mises en examen – six en détention provisoire et trois sous contrôle judiciaire. Il a fallu du temps pour que soit révélée l’identité de celui qui a été mis en cause pour le meurtre de Thomas et qui nie : Chaïd A. Une controverse est née à cause de cette volonté à la fois politique, médiatique et judiciaire de faire l’impasse sur les noms des protagonistes de Crépol. On a su que Gérald Darmanin, en marge d’un conseil des ministres, a communiqué à un collègue les identités en question et que ce dernier aurait été effrayé par les réactions de l’opinion publique si celles-ci avaient été divulguées. Il s’agissait de Français mais qui ne portaient aucun nom à consonance française. Eric Zemmour a tweeté sur l’identité des huit personnes faisant partie du groupe des agresseurs et a accusé le ministre de l’Intérieur « d’avoir voulu cacher ces noms. On comprendra bien pourquoi ».

Il me semble, sans être en aucun cas péremptoire, qu’on peut sortir de cette polémique en s’interrogeant sur le caractère légitime ou non de cette occultation. Je voudrais commencer par un élément capital qui tient à l’étrange rapport que le pouvoir entretient avec ses concitoyens. On ne se poserait pas ce type de question si on ne prenait pas le pays pour une nation d’immatures incapables de supporter la dure réalité qu’on tente de dissimuler. Des enfants dont on craindrait les réactions si on leur disait la vérité. Le silence est imposé aux ministres pour que notre démocratie ne soit pas mise à feu et à sang. Surtout, ne rien faire et dire qui puisse exacerber la tension collective. Derrière cette stratégie, il y a également l’obsession de ne pas concéder le point à tous ceux qui avaient vu juste depuis longtemps sur ces Français de papier qui profondément ne se sentent pas des nôtres. On continue à traiter les clairvoyants de longue date de fascistes plutôt que d’admettre que la France d’aujourd’hui ressemble largement au cauchemar qu’ils nous annonçaient. Il n’a pas été formellement établi qu’à Crépol, on a entendu qu’on « venait planter des Blancs » mais un ou deux témoins rapportent avoir entendu cette horrible menace. Pour la majorité des citoyens, le sentiment que les gouvernants et les médias cherchent à les égarer est bien pire que ce qu’ils pourraient éprouver en étant confrontés à la réalité nue, dans toute sa crudité. Le complotisme, le racisme, l’antisémitisme surgissent davantage dans une République qui refuse de se regarder et d’exprimer le nombre et l’intensité des poisons qui la minent. La transparence, qui fait mal dans l’instant, est porteuse de sens et de bienfaisance pour l’avenir. La France a cette déplorable habitude d’être audacieuse dans la seule dénonciation d’abstractions, sans jamais aller au cœur du sujet : qui a perpétré le mal, quelle est l’identité des transgresseurs ? Le soupçon est bien plus nourri par l’incertitude que par la connaissance.

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Crépol est devenu bien plus que Crépol parce qu’on n’a pas su tout de suite comment et par qui avait été accomplie cette équipée tragique, meurtrière et aux ressorts dérisoires – pour une moquerie sur des cheveux longs[1] ! Il serait paradoxal qu’au nom d’une discrétion mal placée, cette expédition punitive ait fait l’objet, à cause de ses suites mortelles, d’une considérable médiatisation mais qu’on ait décidé d’éluder une information nécessaire à notre lucidité collective sur l’état de la France. En quelque sorte, tout dire sauf une part de l’essentiel !

Je comprends les motivations du parquet de Valence mais il me semble qu’il aurait dû admettre que notre pays est assez mûr pour qu’on ne filtre pas les messages qu’adressent la délinquance et la criminalité à la France. Pour qu’elle y résiste, on n’a pas le droit de la laisser dans l’ignorance. Il faut nommer !

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[1] https://www.lepoint.fr/societe/mort-de-thomas-a-crepol-comment-le-bal-d-hiver-a-degenere-23-11-2023-2544333_23.php



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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