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Alberto Barbera, directeur artistique de la Mostra de Venise, défend la présence de Woody Allen, Roman Polanski et Luc Besson


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Alberto Barbera l'affirme : « Je défends la justice, pas la persécution. » Venise, 29 août 2023 © Pool Photo Events 02/IPA/SIPA

Stupeur dans la cité des doges. Tempête sur la lagune. Venise dans tous ses états. Et Casanova qui se tord de rire sous son linceul.


Imaginez un peu ! Alberto Barbera, le directeur artistique de la Mostra de Venise, l’une des plus prestigieuses manifestations cinématographiques au monde avec Cannes, Berlin et Hollywood, a le front d’accueillir parmi ses hôtes Luc Besson, Woody Allen et Roman Polanski. Outre leur talent pour le septième art, ces réalisateurs ont en partage d’avoir dû répondre au cours de leur vie de « comportements inappropriés », voire d’agressions sexuelles à l’encontre de femmes. Alors, fureur, hurlements horrifiés des croisées du féminisme. Barbera a beau faire valoir que la justice est passée, que rien n’a été retenu contre Besson et Allen et que, pour ce qui est de Polanski, la victime en personne, près d’un demi-siècle s’étant écoulé, considère l’affaire close et affirme même ne plus vouloir en entendre parler, rien n’y fait. Pour les gardiennes du temple des mille vertus, il faut absolument chasser de Venise ces « monstres », expurger de la planète cinéma ces criminels, ces dépravés, ces abjects résidus d’un fascisme patriarcal et sexuel qui n’a que trop sévi.

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À ce propos, on se gardera de rappeler à ces dames que la Mostra elle-même est de création fasciste bon ton. On en doit l’initiative à l’illustre Giuseppe Volpi, comte de Misurata, franc-maçon encarté chez Mussolini dont, par ailleurs, il sera longtemps le très influent ministre des Finances. À l’époque, pour la plus haute récompense de la manifestation, on ne parlait pas de Lion d’Or, mais tout bonnement de « Coupe Mussolini ». En outre, encore aujourd’hui, la meilleure actrice et le meilleur acteur sont honorés de la « Coupe Volpi ». Est-ce possible ! Un trophée exhumé de ces heures si sombres ! Que fait la police des symboles ? Mais oui, nous éviterons de rappeler cette genèse légèrement malodorante de crainte que – au nom de l’implacable intersectionnalité des luttes – les cohortes autoproclamées anti fascistes ne viennent exiger non seulement l’exclusion du trio sus évoqué, mais la suppression même de la manifestation. Barbera fourbit une formule bien trouvée pour justifier son choix d’invités : « Je défends la justice, pas la persécution ». Par les temps qui courent, les petites mafias inquisitoriales s’en donnant à cœur joie, la pertinence de cette formule vaut probablement pour bien d’autres sujets.

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Symbolique intéressante : le 6 août 1932, en soirée, le premier film projeté dans le cadre du festival était le « Docteur Jekill et Myster Hyde » de Rouben Mamoulian. D’une certaine manière, cela revenait à poser d’emblée la question qui émerge  aujourd’hui avec cette actualité vénitienne et surtout notre trio d’invités. N’y a-t-il pas chez eux quelque chose de cette dualité, vaguement infernale il est vrai mais peut-être bien constitutive du ferment de leur créativité ? Autrement dit, les âmes lisses, les esprits simples et sains, sans travers ni aspérités, sont-ils fertiles ? Fertiles de ce type de fertilité, dirions-nous. Cela n’absout en rien les comportements des uns et des autres et la justice doit passer dans toute sa rigueur. Quels que soient les coupables. Mais dans ces cas précis – et pour tant d’autres tout au long de l’histoire culturelle de l’humanité – il reste l’œuvre. La chose produite. On sait bien que c’est une huître malade, dégénérée qui donne la perle. Quant à la pure merveille qu’est le vin d’Eyquem, c’est l’alchimie d’une pourriture automnale qui en est le secret. « Pourriture noble », certes, mais pourriture quand même. Allons comprendre…

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Petit motif de satisfaction pour nos activistes féministes, lors de l’édition inaugurale de 1932, le premier film italien programmé avait pour titre : « Les hommes, quels mufles ! ».

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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