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Habemus papam!

Un conclave sur l'écologie qui laisse sceptique


Habemus papam!
Emmanuel Macron participe à la convention citoyenne sur le climat le 10 janvier 2020. © Lemouton-POOL/SIPA 00939630_000040

Habemus papam ! 150 mesures pour 150 participants tirés au sort, c’est ce qui résulte de cette convention citoyenne sur le climat, amorcée en octobre 2019. Pour lire ces nouvelles armes de lutte pour l’écologie, c’est simple, il faut éplucher un dossier de 460 pages, approuvé par Emmanuel Macron. Que faut-il retenir de ce « conclave » ?


 

De la belle ouvrage

C’est donc de la fumée verte qui est sortie, le 21 juin 2020, de la cheminée du Palais d’Iéna, siège du CESE (Conseil Economique Social et Environnemental), lequel a hébergé, le temps de leurs féconds travaux, nos désormais célèbres « tirés au sort » et leurs distingués mentors. De la fumée couleur vert sang.

De mon côté, ventilateur à fond, modeste contribution personnelle au refroidissement de la planète, je me suis pastillé les 460 pages du « Rapport de la Convention Citoyenne pour le Climat à l’issue de son adoption formelle ».

Conclusion : les conclavistes ont bien mérité leurs 1 604 € agrémentés de leurs frais de gardes d’enfants. Leurs sept week-ends à la capitale ont été utiles à la planète et les quatre millions (avoués) dépensés pour ce formidable exercice démocratique n’ont pas été jetés par la fenêtre. Les experts ont bien experté.

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Du légistique ( ?) à tous les coins de page

Globalement amusant, léger et volontiers primesautier, ce texte n’est cependant pas toujours facile d’accès.

Les 150 mesures qui ne sont plus que 149, (celle sur les 28h hebdomadaires payées 35 étant passée à la trappe), auraient pu gentiment être numérotées de 1 à 149. Ce n’est pas le choix qui a été retenu. Les classements en lettres, en chiffres, en familles, en objectifs, en transcription légistique (?), en scrutins d’approbation tirent peut-être vers le haut sémantiquement, mais freinent quand même un tout petit peu la lecture, voire la compréhension. En plus, les rédacteurs ne sont pas toujours au top.  Ainsi, sans raison apparente, (du moins pour moi), ils perdent en route l’objectif 4 de la thématique « Consommer » et l’objectif 5 de la thématique « Produire et Travailler ». Ainsi, on passe directement du C3 au C5 et du PT4 au PT6. Quelle pétaudière !

Des scores de république bananière

Les résultats des votes ne sont pas non plus compréhensibles au premier coup de calculette. Résultat final : « Nombre d’inscrits : 154, Nombre de votants : 150, Nombre d’abstentions 4. Nombre de suffrages exprimés Oui : 95 %, Non : 5 %. Pourcentage de votes blancs sur le nombre de votants : 6% ».

Mais, ce qui compte c’est que grâce à « leur tolérance aux avis de chacun dans le respect de leur diversité, ils sont parvenus à se mettre d’accord malgré leurs différences d’opinions, de modes de vie, de culture, d’origine sociale » (page 8).

Dans la « Famille Produire et Travailler », ils ont approuvé l’Objectif 12 (fusion C4) « Accompagner le numérique pour réduire ses impacts environnementaux » à 98 % (page 152) et dans « la Famille Se nourrir », l’Objectif 2.2 « Réformer l’enseignement et la formation agricole » à 99% (page 348).

Bien sûr, ils reconnaissent s’être « nourris d’échanges avec des experts et des représentants économiques, associatifs et publics, afin d’être en capacité de rédiger des mesures concrètes, en connaissance de cause et en toute indépendance ».

Mais, chapeau les artistes, nous ne pouvons que nous réjouir avec vous de cette belle « leçon de vie démocratique et participative ».

Que des bons conseils et de la poésie, beaucoup de poésie

On apprend plein de trucs utiles. Par exemple, page 157, on découvre ébahis que « multiplier par dix le nombre de destinataires d’un mail multiplie par quatre son impact carbone ». Ainsi, faire suivre à tous ses potes, si du moins on en a plus de dix, l’histoire salace que l’on vient de recevoir, c’est moche. Quatre fois moche. Ce n’est pas écoresponsable, pas respectueux, pas vertueux, pas éthique, pas éclairé. Bref, écocide !

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Sans oublier les formules délicieusement rigolotes.  Comme page 156, le bonus malus appliqué au « ralentissement de la hausse de la taille des écrans de télévision ». Tout un programme.

Prendre le mal à la racine

Mais, ce qui nous plombe vraiment dans le décarbonage en France, c’est notre enseignement agricole. Certes, (d’après les chiffres officiels d’agriculture.gouv), en 2019, nous avons accueilli 208 727 élèves et étudiants dont 35 086 apprentis, nous avons délivré 15,9 millions d’heures stagiaires de formation continue, nous avons cultivé 19 031 hectares pédagogiques  dont 4 282 ha certifiés agriculture bio. Le taux de placement dans l’emploi est de plus de 85%. L’une des missions officiellement affichée est de contribuer aux activités de développement, d’expérimentation et d’innovation agricoles et agroalimentaires. Mais, nos ravis de la crèche, toujours bien inspirés, ont entrepris de « Réformer l’enseignement et la formation agricole (Proposition SN 2 .2.1 page 348). Pas améliorer, compléter, ou perfectionner. Non, Réformer. Vite fait, bien fait. En trois pages et deux idées : d’une part « intégrer un enseignement obligatoire de l’agroécologie, puisque les personnes dispensant ces formations ne sont pas ou peu formées aux nouvelles pratiques et ne peuvent donc pas accompagner les agriculteurs en transition ». Et d’autre part, « imposer des stages dans des exploitations qui appliquent les méthodes de l’agroécologie et pas uniquement dans l’exploitation familiale. » Belle mission en perspective pour Terra Nova la bien nommée.

Le président Macron n’a vraisemblablement pas lu himself ce Catalogue des Armes et Cycles. Il a eu tort. Surtout, quand on sait ce qui est arrivé à La Manu !



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