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Du droit de blasphémer à la capitulation sans condition

France inter est très critiquée après la diffusion d'un sketch de Frédéric Fromet


Du droit de blasphémer à la capitulation sans condition
La radio France inter, dirigée par Laurence Bloch (notre photo), est très critiquée après la diffusion d'un sketch blasphématoire du chansonnier Frédéric Fromet © Michel Euler/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22241317_000014

Driss Ghali réagit à la polémique Frédéric Fromet


Un comique du service public a chanté « Jésus est pédé ». Quelle audace ! Quelle transgression ! Nous avons de la chance de voir le génie français en marche… vers l’abîme. Il faut, en effet, un courage extraordinaire pour cracher sur un cadavre, celui du catholicisme français.

France inter n’est pas une petite radio libertaire

Bien entendu, chacun a le droit de raconter des insanités, cela s’appelle la liberté d’expression. On a même le droit de blasphémer, c’est le corollaire de la liberté de conscience. Cela dit, ces deux libertés ne se conçoivent pas sans responsabilité. Il ne faut pas oublier, en effet, que la démocratie présuppose que les citoyens sont responsables et solidaires du bien commun. Si j’appelle à sodomiser Jésus, je dois mesurer que mes propos vont offenser des millions de catholiques en France et dans le monde. Si je dirige une radio publique, je dois admettre que heurter la sensibilité d’une grande partie de la communauté nationale contribuera à démoraliser encore plus une société qui est écorchée vive. Les ruines de Notre-Dame sont encore fumantes, les symboles nationaux sont outragés les uns après les autres depuis 2015 : policiers abattus face caméra, officiers égorgés, massacres de masse de la jeunesse, profanations systémiques des églises et des cimetières et j’en passe. Quand a l’immense charge de diriger France Inter, il faut savoir lire le contexte et moduler les messages en conséquence.

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Quand Charlie Hebdo publie les caricatures de Mahomet, il le fait en tant que journal d’extrême-gauche et qui occupe une niche singulière dans le paysage médiatique français. La portée de Charlie Hebdo n’est pas la même que France Inter, un média d’Etat (payé par tous les Français) et dont l’audience est nationale. Personnellement, je n’ai jamais aimé l’humour de Charlie Hebdo et ai toujours trouvé de mauvais goût le blasphème facile. Toutefois, la ligne éditoriale d’un petit journal libertaire m’importe peu et elle ne devrait pas causer une polémique nationale. Car Charlie Hebdo n’est pas la voix de la France ni de son gouvernement. France Inter oui.  Autrement dit, Charlie Hebdo peut écrire tout et n’importe quoi, mais pas le service public.

Nous croyons faire rire en nous ouvrant les veines

La question de fond est celle de la ligne éditoriale des médias publics d’un pays en guerre. Oui, la France est en guerre contre l’islamisme. C’est le cas au Sahel mais aussi en métropole (est-ce que les journalistes de France Inter s’en sont rendus compte ?). L’ennemi est fanatique et lit le monde selon les catégories du jihad. Il ne comprend que la force et le symbole. Il ne respecte que ceux qui peuvent l’écraser et ceux qui croient fermement en quelque chose. Or, à quoi croyons-nous si nous sommes capables de chanter de telles inepties sur Jésus sur une radio de premier plan ? Comment voulons-nous impressionner l’ennemi et le dissuader de nous attaquer si nous n’avons plus aucune notion de sacré ?

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Quand on offense ainsi la figure christique, on invite tous les allumés de la terre à s’en prendre à la France. On leur dit : venez-nous taper car nous sommes faibles, nous avons peut-être des drones et des satellites mais nous ne levons plus aucune bannière, nous nous amusons et croyons faire rire en nous ouvrant les veines, nous appelons cela « culture ».  Or, la vocation d’une civilisation décadente est d’être prise d’assaut par les barbares.

Que nous reste-t-il à adorer ?

Si on ne veut plus défendre Jésus, on peut se choisir un autre symbole à adorer. Si le Dieu du moment est l’argent et bien adorons les billets de banque et les lingots d’or : chantons une ode au pouvoir du numéraire ! Il suffit de broder sur le scénario des clips de hip-hop.  Autrement, on peut aussi adorer le sexe. Erigeons un phallus géant en guise de totem devant la Maison de la Radio ou bien un préservatif féminin plus size pour ne pas énerver les féministes. Je peux aussi suggérer d’édifier une cathédrale en hommage à Greta ou un temple en pierres recyclables qui flotterait dans le bassin de l’Amazone. Tout est permis du moment que l’on délimite ce qui est sacré c’est-à-dire ce qui est intouchable et non-négociable. Nous sommes en guerre et l’ennemi ne reculera que s’il comprend que nous avons construit des buttées infranchissables. Des remparts portés par chacun en son for intérieur et dont la matière première est le sacré. Même une civilisation décadente peut durer si elle fait croire à ses adversaires qu’elle peut encore lever le glaive pour défendre une idée, aussi déplorable qu’elle puisse être.

Blasphémer oui (pourquoi pas ?) mais faciliter la tâche d’un ennemi aussi vil et lâche que l’islamisme, non. Jamais ! Moi, je préfère rendre un culte à Marianne en récitant Liberté, Egalité, Fraternité…ou la Mort. Ma survie est non-négociable et j’invite tout le monde à faire pareil. La civilisation française mérite mieux que la capitulation sans condition prononcée par nos élites.

Ma génération est née fatiguée et essoufflée. Elle n’a rien à dire alors elle chante « Jésus est pédé ». Jésus lui, au moins, a laissé un héritage, il a changé le monde et cela fait 2000 ans qu’il habite l’Histoire. Je ne suis pas sûr que les talents du service public français aient la même postérité.



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Ecrivain et diplômé en sciences politiques, il vient de publier "De la diversité au séparatisme", un ebook consacré à la société française et disponible sur son site web: www.drissghali.com/ebook. Ses titres précédents sont: "Mon père, le Maroc et moi" et "David Galula et la théorie de la contre-insurrection".

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