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Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années

A la découverte des ancêtres de Greta Thunberg


Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années
Moscou. L'adolescente Samantha Smith et ses parents visitent l'URSS en 1983 à l'invitation de Iouri Andropov © Yuryi Abramochkin / Sputnik via AFP

La rentrée des ados militants.


Jeanne d’Arc avait 16 ans quand elle pourfendit les Anglais, Bernadette Soubirous 14 ans quand elle eut ses premières apparitions, et Pavlik Morozov 13 ans quand il devint (à sa mort) le pionnier-héros numéro 001 de l’Union Soviétique pour avoir, du moins d’après l’histoire officielle, dénoncé ses parents. David n’était  pas bien vieux non plus, quand il vainquit Goliath.

Aujourd’hui, nous sommes loin d’être en reste. Des enfants continuent de porter de « grandes » causes sur leurs frêles épaules.  Ces initiatives suscitent intérêt et bienveillance mais entraînent aussi passion et controverse.  A tort ou à raison. 

Ryan, Iqmal, Song: de jeunes héros ordinaires

Quand les causes défendues par des enfants ou des adolescents sont liées à leurs situations personnelles particulièrement malheureuses, nous sommes très émus, et encore heureux que nous le soyons. L’engagement de ces têtes blondes ou brunes, meurtries dans leur âme et leur chair,  fait indubitablement « avancer les choses ». Qu’elles en soient félicitées et  remerciées.

Ainsi, l’implication de Ryan White, jeune américain hémophile, devenu à 15 ans le représentant des malades du sida, a permis de lever beaucoup de préjugés et a contribué à changer le regard porté sur cette maladie.

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Le « Front pour la libération des enfants en situation de travail forcé » a réveillé les consciences, grâce à Iqmal Masih, qui, après 6 ans d’esclavage chez un fabricant de tapis pakistanais, en est devenu le porte-parole international, à seulement 11 ans.

Le combat de la jeune cambodgienne Song Kosal qui, amputée  d’une jambe après avoir marché sur une mine antipersonnelle à 4 ans, participa à 11 ans à la « Convention sur les Armes conventionnelles », fonda « Kids Against War » la même année et fut nommée à 19 ans ambassadrice de l’ICBL, International Campaign to Ban Landmines,  (prix Nobel de la Paix 1997) ne peut que forcer l’admiration. 

Ces trois victimes ont été guidées et soutenues dans leur communication et leur militantisme par des adultes. Ils n’en font  mystère, ni les uns, ni les autres.

Samantha, bons sentiments ou propagande?

Certaines situations sont un peu plus ambiguës. Comme celle de Samantha Smith (la militante pour la paix, pas l’actrice). À 10 ans, cette gamine américaine écrit à Youri Andropov pour l’exhorter à ne pas faire la guerre. Elle lui demande aussi gentiment pourquoi il veut conquérir le monde. Andropov lui répond tout aussi gentiment et l’invite à venir visiter le pays des Soviets. No problem, elle y va (avec ses parents).  Avant le départ, fièvre médiatique outre-Atlantique. Elle est dans tous les journaux, passe sur toutes les télés.  Une fois là-bas, ribouldingue à Moscou, Léningrad, Artek (principal camp soviétique de pionniers). Réemballement médiatique mais pour les journaux et les télés russes cette fois. Tout est bien, tout est formidable : les Russes sont « tout comme nous ». Bon, les émigrants russes arrivés aux États-Unis entre 1930 et 1950 sont un tantinet circonspects. Ils  voient dans cette improbable aventure un formidable outil de propagande avec la complicité plus ou moins aveugle des parents. Mais, au diable les mauvais coucheurs !

Au retour, la popularité de la voyageuse ne se dément pas. À 12 ans, notre héroïne anime, pour la maison Disney, une émission sur la politique spécialement destinée aux enfants,. Elle se rend au Japon (avec sa mère), rencontre le Premier ministre et assiste au Colloque International de l’Enfance à Kobe. Elle fait un très beau discours. Elle propose, entre autres, que les dirigeants soviétiques et américains échangent leurs petites-filles deux semaines tous les ans. Un président « ne voudrait pas envoyer une bombe sur un pays où sa petite-fille serait en visite ». Malin ! N’est-il pas ?

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Dans la foulée, elle écrit un livre et entame une carrière d’actrice pour une série télé. Malheureusement, au retour d’un tournage, l’avion  manque la piste d’atterrissage et s’écrase. Toutes les personnes à bord, dont Samantha et son papa, sont tuées sur le coup. Elle a 13 ans. Quant à l’origine du crash, d’aucuns  accusent la CIA, d’aucuns le KGB. L’enquête conclut à un « banal » accident.

Aux obsèques, un envoyé de l’ambassade soviétique lit un message de condoléances de la part de Mikhaïl Gorbatchev. Aucun représentant du gouvernement américain ne se déplace. Au grand dam des nombreux fans de Samantha et de la paix entre les peuples.

L’Union soviétique émet un timbre commémoratif à l’effigie de la jeune militante. A Moscou, un monument est  érigé en son honneur. Des voleurs de  métaux le dérobent en 2003. Aux Etats-Unis, la maman essaie, mais sans grand succès, de continuer le combat. Deux écoles portent le nom de sa fille.

Et Greta dans tout ça ?

Contrairement à Ryan, Iqmal et Song, et quoi qu’elle en dise, Greta n’a pas vraiment souffert personnellement des maux qu’elle dénonce. Elle a toujours vécu plus que confortablement sans avoir eu, du moins jusqu’à présent, ni trop chaud, ni trop froid.  Ses parents sont omniprésents, la soutiennent et l’accompagnent. Son histoire se rapproche donc beaucoup plus de celle de Samantha. Sauf qu’elle ne parle pas du tout gentiment aux chefs d’état, qu’elle ne prend pas l’avion, et qu’on ne sait pas trop qui tire les ficelles, ni « à qui profite le crime ». 

Après une énième leçon à Angela Merkel, notre jeune militante pour le climat  retourne à l’école.  La récréation est (provisoirement) terminée. On ne sait pas si on doit envier ou plaindre ses professeurs. Bonne rentrée Greta.

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