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Sarah Halimi: un projet de loi vraiment utile?

Un projet de loi comme baume ?


Sarah Halimi: un projet de loi vraiment utile?
Manifestation en réaction à l'affaire Sarah Halimi, Marseille, 25 avril 2021 © Daniel Cole/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22561651_000002

Lundi 19 juillet, lors du Conseil des ministres, Eric Dupond-Moretti a proposé un projet de loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure. Analyse de Philippe Bilger.


Le président de la République s’en étant mêlé, il était impossible pour le garde des Sceaux de ne pas proposer au Conseil des ministres du 19 juillet un projet de loi sur l’irresponsabilité pénale. Pour répondre aux polémiques et à l’indignation suscitées, à tort à mon avis, par les experts ayant conclu à l’irresponsabilité pénale de Kobili Traoré, le meurtrier antisémite de Sarah Halimi.

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Pendant que la Chancellerie réfléchissait et que deux députés LREM et LR – les mêmes s’étant distingués en démissionnant de la Cour de justice de la République !!! – avaient rédigé un rapport, on a pu constater que des procédures étaient conclues par des décisions d’irresponsabilité pénale qui n’ont pas causé le moindre émoi et que la législation n’avait nul besoin d’être modifiée sauf si on considérait comme offensant par principe le fait que dans l’affaire de Sarah Halimi, la folie pouvait être retenue.

La « bouffée délirante » qui a démonisé Kobili Traoré a été à ce point mêlée à l’alcool et à la drogue qu’on a fini par croire que ces deux addictions étaient seules à l’origine de cette horreur.

Le projet de loi exclut l’irresponsabilité pénale quand de l’alcool et de la drogue ont été consommés afin de se donner « du courage » pour perpétrer le crime. Comme avocat général, je n’ai jamais été confronté à des péripéties qui démontraient de manière irréfutable qu’elles n’avaient pu être réalisées que grâce à l’alcool et à la drogue délibérément ingurgités à cet effet.

En revanche, un second point est moins hypothétique et accessoire dans le projet : si un individu commettait un crime après avoir consommé avant alcool et/ou drogue sans qu’il y ait un lien de causalité, une infraction spécifique lui serait alors imputée. D’avoir bu et de s’être drogué de telle manière qu’ensuite ayant perdu toute conscience, il s’était livré au pire.

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La nuance est importante. Il ne boit pas ou ne se drogue pas pour avoir le courage de tuer. Il se drogue et boit puis, plus tard, tue.

Ce projet de loi sera adopté. Je ne pense pas qu’il bouleversera de manière radicale la nature de l’expertise psychiatrique mais dans notre climat si prompt à l’indignation et à la fois à l’ignorance, il comblera ceux qui ne savaient pas mais dénonçaient haut et fort et n’offrira pas un autre choix, à ceux qui savaient mais étaient vilipendés, que son acceptation.

Le projet de loi comme baume.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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